Le problème des « viri probati » - France Catholique

Le problème des « viri probati »

Le problème des « viri probati »

Copier le lien

L’assemblée spéciale du synode des évêques de la région amazonienne, en 2019, pourrait devenir l’occasion d’un changement capital dans la vie de l’Eglise. Le document préparatoire, rendu public ce mois-ci, semble indiquer que le synode discutera la question de l’ordination d’hommes mariés, les ‘viri probati’ (hommes expérimentés), pour officier en région amazonienne. L’agence Reuters rapporte que « bousculé par les journalistes lors d’une conférence de presse sur le sujet des ‘viri probati’, le cardinal Lorenzo Baldisseri a déclaré : ‘l’Eglise n’est pas statique, … il y a possibilité de mouvement.’ »

Le mouvement, dans ce cas précis, implique de mettre fin à l’exigence du célibat pour les prêtres de rite latin, cela dans un désir de procurer une assistance presbytérale dans une région où il y a relativement peu de prêtres. Le désir de procurer des prêtres au peuple de Dieu est louable. Mais est-ce louable de mettre fin à l’exigence du célibat ?

Le cardinal Robert Sarah a répliqué véhémentement dans une homélie prononcée en mai dans la cathédrale de Chartres :

Chers frères dans la prêtrise, conservez toujours cette certitude pour être unis au Christ sur la Croix, car le célibat des prêtres Lui rend témoignage dans ce monde ! Le projet, tel qu’il a été repris de nouveau par certaines personnes, de séparer le célibat de la prêtrise en administrant le sacrement de l’ordre à des hommes mariés, les ‘viri probati’ – pour « des raisons pastorales ou en raison de certaines nécessités » comme ils disent – conduit à de graves conséquences et à une rupture définitive avec la Tradition Apostolique. Alors nous établirions une prêtrise selon les critères humains, mais nous ne perpétuerions plus la prêtrise du Christ – obéissant, pauvre et chaste. En vérité, le prêtre n’est pas seulement « alter Christus » (un autre Christ), mais il est vraiment « ipse Christus », le Christ Lui-même ! C’est pourquoi le prêtre qui dans l’Eglise suit le Christ sera toujours un signe de contradiction !

Si le besoin de davantage de prêtres est la justification pour mettre fin à l’exigence du célibat en Amazonie, le même argument sera certainement utilisé pour ordonner des hommes mariés partout ailleurs dans le monde. Il est peu probable que le Saint-Siège cantonne ce remède à une région géographique quand il y a pénurie de prêtres en Europe, en Amérique et ailleurs.

Ordonner des ‘viri probati’ en Amérique du Sud ouvrira la porte à l’ordination d’hommes mariés partout où l’évêque y sera disposé. Devrions-nous nous attendre à ce qu’un évêque d’un diocèse européen n’ayant pas eu d’ordination durant des décennies soit stoppé par Rome s’il annonçait un programme d’ordination d’hommes mariés ?

Nous devrions aussi considérer la question des qualifications requises pour ordonner des « hommes expérimentés » mariés. Seront-ils obligés de suivre la formation du séminaire, ainsi que l’exige le droit canon ? Est-ce que l’on s’attend à ce qu’ils remplissent toutes les exigences en étudiant la philosophie, la théologie et toutes les autres matières requises des séminaristes comme les Ecritures, le droit canon, l’histoire de l’Eglise, la patristique, la liturgie, le soutien spirituel, etc.

Ce sera pratiquement impossible pour des hommes vivant dans des communautés isolées et devant également travailler pour nourrir femme et enfants. On leur donnera forcément un parcours d’études drastiquement réduit.

Cela signifie que l’Eglise ordonnerait des hommes manquant du savoir adéquat pour mener à bien la grave mission de prêcher et d’entendre les confessions. Ils seraient les équivalents modernes de ce que l’on appelait les prêtres ‘simplex’ qui avaient seulement l’autorisation de célébrer la messe, et non de prêcher ou de confesser. Cependant, les ‘viri probati’ prêcheraient et confesseraient sans la complète formation philosophique et théologique que l’Eglise, avec sagesse, exige de tous les candidats à la prêtrise.

Cette carence ne sera pas un problème pour beaucoup des (possiblement mariés) candidats à la prêtrise en Europe et en Amérique du Nord, qui soit ont été un temps séminaristes, soit ont le temps et les qualifications pour aller au séminaire.

Et qu’en sera-t-il des prêtres ayant quitté la prêtrise pour se marier ? Il y aura des pressions sur le Saint-Siège pour ré-admettre ces hommes qui sont toujours prêtres mais qui ont été interdits d’exercice du ministère presbytéral. Nous pouvons nous attendre à ce que des évêques les accueillent à bras ouverts. Si cela arrive, qu’en sera-t-il des prêtres qui déclareraient qu’ils aimeraient bien se marier tout en restant prêtres ? Serait-il juste de leur refuser ce qui est donné à d’autres, c’est-à-dire la chance d’être à la fois un homme marié et un prêtre ?

Quel en sera l’effet sur les catholiques et les autres ? Le célibat sacerdotal est l’un des signes les plus forts donnés au monde par l’Eglise Catholique qu’il est possible et raisonnable de faire le grand sacrifice du mariage et de la vie familiale pour l’amour du Christ. C’est une sainte façon d’honorer Dieu et d’annoncer Jésus aux gens. Jésus agit à travers ses prêtres et ils sont appelés à vivre en suivant son style de vie. Jésus n’était pas marié. Le prêtre est une icône vivante du Christ, le Grand Prêtre.

Abandonner le célibat comme étant trop difficile et par là un obstacle à répandre l’Evangile, c’est brader le christianisme. Les gens verront cela comme une capitulation à l’esprit irréligieux du temps.

Le célibat sacerdotal est l’une des gloires de l’Eglise Catholique. C’est un don qui inspire aux gens de se dire : « si les responsables de l’Eglise Catholique veulent vivre sans femme et enfants pour l’amour et l’imitation de Jésus-Christ, ils doivent être totalement convaincus que c’est la vraie religion et que Dieu les récompensera pour leur sacrifice ». Si tout cela est mis au rebut, alors nous apparaîtrons au monde comme doutant et incertains de la valeur de ce que l’Eglise a toujours enseigné comme étant un grand bien et d’un grand bénéfice pour le prêtre et pour l’Eglise entière.

Le mouvement pour l’abandon du célibat doit être contré par une défense vigoureuse de la discipline de l’Eglise qui demande à ses prêtres d’imiter le don de soi au Père du Christ en vivant dans le célibat une vie vouée au service du peuple de Dieu.

— –

Le père Gerald Murray est un spécialiste du droit canon et le desservant de l’église de la Sainte-Famille à New York.

Illustration : une église du Brésil (Santa Rita do Weil) : le prêtre le plus proche doit voyager quatre heures en bateau pour venir y célébrer la messe

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/06/23/the-problems-with-proven-men/