Le prince Jean d'Orléans parle de son mariage - France Catholique
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Le prince Jean d’Orléans parle de son mariage

Interviewé par Gérard Leclerc

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Monseigneur, vous êtes un prince relativement discret et votre mariage vous met sous les feux de la rampe. Cela vous fait-il plaisir ou bien vous indispose-t-il ? Les feux de la rampe, comme vous dites, cela fait partie du « métier ». Je ne cours pas après, mais je n’ai aucune raison de les fuir non plus. En général les journalistes sont bienveillants à mon égard et je ne me sens ni harcelé ni menacé de quelconques révélations embarrassantes… Je n’ai pas choisi de naître dans la famille de France, mais j’ai fait, petit à petit, le choix d’assumer le mieux que je peux ce que cela implique. Quelles doivent être les préoccupations d’un prince de France aujourd’hui ? J’ai reçu une certaine éducation qui m’in­dique que je dois à mon pays de me préoccuper de sa vie pré­sente et de son avenir. Nos temps sont difficiles non seulement à vivre mais à interpréter. Alors que nous sommes en pleine tempête, la plupart de nos compatriotes n’ont plus aucune boussole pour les aider à se situer. Je dois être prêt à agir. Un jour, après mon père, l’actuel comte de Paris, et si Dieu veut, je serai à mon tour « prétendant ». C’est un mot que je n’aime pas forcément, mais qui indique bien la disponibilité permanente des princes de la Maison de France si le pays, dans telle ou telle circonstance, peut exprimer le désir que nous exercions certaines responsabilités. En attendant, je crois que je me dois à moi-même, à ceux qui m’aiment et à ceux qui font preuve à mon égard d’une fidélité politique ou sentimentale, de réussir ma vie professionnelle et ma vie familiale. Sans doute n’est-ce pas très original et demande une certaine discrétion : celle-ci est probablement dans ma nature. Votre mariage n’a pas le caractère très politique qu’a pu avoir celui de vos parents, dont le général de Gaulle lui-même avait salué la haute signification symbolique, ce dont j’ai un souvenir très précis : le Général liait clairement l’avenir de la nation à celui de la dynastie royale française… L’époque est bien différente. Il reste que le mariage d’un prince de France dépasse toujours sa seule personne. La qualité de certains de nos invités, par exemple des membres des familles royales régnantes – belge ou luxembourgeoise… – ou d’anciens membres de gouvernements ou un certain nombre d’ambassadeurs de pays que j’ai visités, souligne cela, même si nos invités sont d’une grande diver­sité, notre mariage étant avant tout une fête familiale… En vérité, ma position de « Dauphin » n’a pas été, de mon point de vue, un avantage pour fonder une famille, j’avais à discerner entre ce que je pouvais refuser du poids de la tradition – parce que le monde, y compris le monde des familles royales, a beaucoup évolué – et ce que je devais m’efforcer de maintenir pour être fidèle à ce que je pense représenter. Évidemment, tout est devenu beaucoup plus facile quand je suis tombé amoureux de Philomena. Le fait que son grand-père a été secrétaire du comte de Barcelone, père du roi Juan-Carlos, la préparait, d’une certaine manière, à comprendre ma situation et lui facilite les relations avec un milieu où ce grand-père a laissé un souvenir encore très vivace. Ce n’est pas une princesse. Cela pose-t-il un problème ? Pouvez-vous nous dire un mot de la manière dont vous voyez votre vie future ? Philomena n’est pas de famille princière, en effet. C’est un des points sur lesquels on ne peut plus vivre comme autrefois. Il y eut un temps où les ma­riages dans les familles royales étaient commandés par des impératifs de haute politique. Ce qui ne faisait pas nécessairement des mariages malheureux, d’ailleurs, mais il est clair que ce n’est plus de circonstance. Ma mère a été la première, en découvrant ma fiancée, à l’accueillir avec beaucoup de tendresse. Notre vie sera celle d’un couple et d’une famille d’aujourd’hui, avec les problèmes pratiques que tous les couples et toutes les familles rencontrent dans la vie quotidienne. Il est important que j’assure mon indépendance financière à la fois pour assurer notre bonheur conjugal tout en me permettant de suivre la voie que je me suis tracée, et en assurant l’éducation de mes enfants. Vous n’hésitez pas à vous définir comme un prince chrétien. Là encore, est-ce un héritage familial librement consenti, ou bien, plus intimement, d’une rencontre personnelle avec Dieu ? Je n’ai jamais cessé d’être croyant. La foi est pour moi comme une seconde nature, c’est autour d’elle que s’est construite ma personnalité. Dans tous les moments importants de ma vie, c’est en fonction d’elle que j’ai été amené à prendre mes décisions. La lumière que j’en ai reçue a marqué ma manière d’être et de penser : c’est ainsi que je ne peux que m’affirmer prince chrétien. Ce qui, à mes yeux, n’est nullement contradictoire avec le fait que j’ai toujours affirmé agir en prince français. Une amie qui anime un relais diocésain sur les chemins de Saint-Jacques, à Estaing – elle ne lit pas la presse « people » – m’a raconté qu’elle avait vu débarquer, l’été dernier, un grand gaillard solitaire qui se présenta simplement comme Jean d’Orléans, ce qui fit que les autres pèlerins se présentèrent ensuite tous par leur prénom et leur ville d’origine : « Nous avons eu ce soir-là une incroyable soirée de discussion historique où ce Jean connaissait par cœur les noms de tous les compagnons du roi Philippe-Auguste à Bouvines et faisait l’éloge de la famille d’Estaing si fidèle à ses rois. » Ce n’est qu’au retour de son mari que celui-ci lui a glissé à l’oreille : « Mais c’est le prince Jean ». Il paraît qu’à l’étape suivante des pèlerins se sont regroupés spontanément autour de vous pour prier devant un vitrail de saint Louis, sans paraître vous importuner le moins du monde… Est-il indiscret de vous demander ce que vous faisiez sur cette route pédestre ? Vous a-t-on reconnu ? Vous l’a-t-on dit ? Notre préparation religieuse au mariage a été faite avec Mgr Brincard, évêque du Puy-en-Velay, une ville merveilleuse qui appelle à l’élévation de l’âme et qui est le principal point de départ du chemin de St-Jacques. Ma fiancée avait fait les premières étapes du chemin l’année dernière, nous les avons faites de concert cette année, mais je voulais partir du Puy et rattraper Philomena en cours de route. D’où une belle tendinite quasiment dès le premier jour. Alors je n’ai pas eu l’impression qu’on me reconnaissait ou je n’y ai pas trop fait attention, mais j’ai goûté la chaude solidarité de certains marcheurs. J’ai expérimenté qu’on ne fait pas le chemin de St-Jacques : c’est lui qui vous fait. On sait quand et d’où on part, on ne sait pas où on arrivera ni quand, ni avec qui. Que de rencontres parfois vraiment étonnantes et jamais désagréables ! Pourquoi avez-vous décidé de vous marier à Senlis ? Ce sont des raisons pratiques d’ordres divers, notamment le nombre des invités – beaucoup venus de l’étranger, Autriche, Espagne, Belgique, Luxembourg, Allemagne… –, qui imposait un édifice assez grand. Mais Senlis, bien sûr, vous le savez, est le lieu où Hugues Capet a fondé la dynastie dont je suis issu. En 1987, j’y avais accompagné mon grand-père venu célébrer le Millénaire capétien. Et la cathédrale de la ville, magnifique, est l’une des toutes premières de ces cathédrales gothiques qui ont fait la gloire de l’Île-de-France… Pourquoi est-ce Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, qui célébrera la messe et est-ce Mgr Brizard, directeur de l’Œuvre d’Orient, qui recevra le consentement des époux ? On a dit que vous aviez choisi le rite extraordinaire de la messe ? Est-ce vrai ? Que pensez-vous de la crise intégriste ? Mgr Brizard, dont ma mère et ma grand-mère ont été les paroissiennes quand il était curé de la Madeleine, a marié mon frère Eudes. Il nous connaît bien. Je lui suis très reconnaissant de m’avoir aidé à comprendre ce que sont les chrétiens d’Orient, me rappelant que c’est en Orient qu’est né le christianisme, que Pierre, Paul, Jacques venaient de là. Et j’ai un grand attachement pour le Liban, où la France a tissé des liens si profonds avec toutes les communautés, même si elle fut longtemps le protecteur des populations chrétiennes. Je m’intéresse au sort des chrétiens en Syrie, en Irak, en Égypte, en Inde… Quant à Mgr Rey, j’ai eu l’occasion de le rencontrer et de discuter avec lui et j’apprécie son dynamisme, son optimisme raisonné. La manière qu’il a de laisser l’Esprit-Saint s’exprimer dans son diocèse, sans craindre de prendre des risques ou d’être critiqué, me réjouit. Nous souhaitions une messe tonique, pas trop longue, priante. Mgr Rey me semble représenter cette Église moderne qui va de l’avant sans trop d’états d’âme et dont nous avons tous besoin, derrière notre Pape… Quant à la liturgie choisie, il ne faut pas croire tout ce qui se dit sur internet. Étant donnée la disposition de la cathédrale, nous serons au milieu, il y aura forcément des gens devant l’autel et d’autre derrière, d’où peut-être ces propos malveillants sur l’orientation du célébrant par rapport au peuple… Nous avons, avec Philomena, souhaité une célébration solennelle, simple et vraie. L’accompagnement musical sera particulièrement soigné avec, notamment le chœur dirigé par Vincent Berthier de Lioncourt. Ma future femme a beaucoup insisté pour mettre à l’honneur des musiciens français… D’une certaine manière et à notre modeste mesure, les choix faits pour la célébration de notre mariage té­moignent d’une volonté de soutenir le Pape au moment où celui-ci est contesté au nom du Concile ! Vous avez été très sensible aux polémiques contre le Pape ? Bien sûr. Et je vous ai lu avec attention cher Gérard Leclerc, en vous approuvant, mais pas tout à fait à propos des progrès que le Vatican serait censé faire pour maîtriser l’usage des médias. Ce qui me scandalise personnellement beaucoup plus c’est le manque de professionnalisme de ces médias donneurs de leçons. Il suffit d’être au cœur d’un événement, aussi minime soit-il, pour mesurer l’étendue du fossé séparant les faits véritables de leur rendu médiatique. La violence verbale m’est insupportable. Vous avez vu que notre mariage civil a été célébré par Madame Rachida Dati. Je suis choqué par le procès que l’ensemble de la presse vient de lui faire à propos de sa prétendue désinvolture à l’égard de l’Europe. On a une caste médiatique qui ne cesse de nous appeler au « respect » et à la tolérance, et qui se permet de prendre des boucs émissaires, en faisant feu de tout bois, en découpant tels ou tels propos, en les déconnectant de leur contexte, en les ridiculisant ou en faisant semblant de s’en scandaliser, sans tenir compte des personnes devant qui ils ont été tenus… Il n’y a sans doute plus beaucoup de royalistes en France et pourtant il s’en trouvera pour vous acclamer à Senlis. Avez-vous hérité du comte de Paris votre grand-père une certaine sévérité à l’égard des militants qui tentent toujours plus ou moins d’annexer le Prince ? Que ressentez-vous par rapport aux fidélités qui s’expriment, parfois très sentimentales, mais aussi de manière extrêmement intellectuelle ? Que pensez-vous des princes qui font de la politique active en Europe et ailleurs ? Je suis sensible aux fidélités, et je tiens à le marquer quand il le convient. J’ai du goût pour certains débats philosophiques et je sais gré à ceux des royalistes qui s’illustrent en ces domaines. En même temps, un prince doit rester indépendant. Vous savez, c’est une tradition dans la monarchie française de savoir rester libre de toutes les pressions. Je crois très important, pour moi, de respecter ce principe que je tiens de mon père et de mon grand-père. C’est d’ailleurs la même indépendance d’esprit qui me conduit à affirmer avec force mes convictions, même quand elles paraissent dérangeantes ou peu conformes aux opinions communes. Je défendrai toujours ce que je ressens comme juste et vrai, quoi qu’il m’en coûte. J’aime beaucoup le roi Michel de Roumanie et le roi Siméon de Bulgarie. Leur attitude, d’ailleurs assez différente, par rapport à l’engagement politique dans leurs pays respectifs, est pour moi une source de réflexion admirative, même s’il est toujours aventureux de comparer les expériences et les situations politiques. Il y a d’autres princes non régnants, dans le monde, dont l’action me paraît exemplaire et utile à leurs peuples. Depuis quelques décennies, on a vu renaître en France, un mouvement contestant les droits dynastiques de la famille d’Orléans et donnant sa fidélité à un prince espagnol descendant de Louis XIV. Ce « légitimisme » est aujourd’hui incarné par Louis de Bourbon, auquel un Thierry Ardisson a consacré un livre en l’appelant Louis XX. Comment réagissez-vous face à ces divisions ? Les Français n’ont jamais voulu d’autres princes que des princes français. D’ailleurs, à Senlis en 987, ce fut la raison de l’accession au trône d’Hugues Capet. Puis l’évolution historique des règles de dévolution de la couronne s’est toujours faite avec ce souci constant. C’est ainsi que la dynastie française est toujours restée une dynastie nationale. Philippe V et toute la branche des Bourbons partie en Espagne avec lui l’ont fait d’une manière définitive. Toutes les vicissitudes notamment liées à la période révolutionnaire ne changent rien à cet impératif historique. D’ailleurs, si les Orléans ont connu des faiblesses ou des manques, ils ont aussi servi la France d’une manière glorieuse, et pour certains jusqu’au sacrifice de leur vie. Cela dit, j’ai des relations courtoises et souvent amicales avec les nombreux Bourbons d’Espagne que je connais et dont certains sont des parents assez proches, le prince Louis de Bourbon m’apparaît comme un homme sympathique et nous partageons manifestement des idéaux… Vous avez récemment créé une entreprise. Dans quel but ? Il s’agit pour moi de donner un cadre juridique à mon activité professionnelle. Je suis déterminé à ce que celle-ci aille dans le sens des orientations que je me suis données. La défense et la promotion du patrimoine culturel et artistique de la France en font partie. Les conférences que j’ai faites devant des publics américains en sont une bonne illustration : il s’agissait de sensibiliser un public composé de personnes d’influence à certaines œuvres majeures ou moins connues du patrimoine français, et susciter à terme des actions de mécénat. Vous le voyez, c’est un travail sur le long terme, qui nécessite un suivi très attentif. Mais je crois que l’image de ce que je représente, souvent plus vivement perçue à l’étranger qu’en France, constituera pour moi un indéniable appui. Vous vous passionnez également pour le développement durable, l’écologie. Comment cela se traduit-il ? En choisissant de m’intéresser à l’environnement, je ne succombe pas à une mode mais je m’investis dans un sujet majeur pour l’avenir de la planète. Je le fais au regard de ce que j’estime être mon devoir. Prince chrétien, je veux préserver la Création dont Dieu a confié la gestion aux hommes, non pour qu’ils l’épuisent mais pour qu’ils la fassent fructifier. Prince français, je suis convaincu que dans ce domaine comme dans d’autres, la France a une parole particulière à prononcer, un geste singulier à accomplir et que le monde attend l’une et l’autre. Prince tout court, je pense que mon état me confère une responsabilité spéciale et une autorité légitime pour me lancer dans cette action. S’y ajoute le fait que je suis gérant d’une forêt héritée de mes grands-parents en Thiérache et que je m’attache à exercer cette responsabilité avec toute la rigueur et la compétence possibles. Au nom de votre association « Gens de France », vous avez fait de nombreux voyages d’étude en France et dans des lieux du monde avec lesquels la France a des liens historiques anciens : le Québec, la Louisiane, le Liban, le Maroc et la Tunisie. Qu’en avez-vous retiré comme appréciation sur notre civilisation française, sur l’avenir du monde occidental ? L’ensemble des voyages que j’ai fait pendant dix ans a été pour moi extraordinairement riche en expériences de toutes sortes. Mes déplacements dans la France entière m’ont aidé à prendre le pouls des Français, souvent parmi les plus actifs. C’est vrai que c’était avant la crise actuelle. J’ai pourtant ressenti à quel point beaucoup de Français se sentent coupés de leur classe dirigeante, surtout quand des décisions politiques les concernant sont prises sur des critères qui, eux, ne les concernent pas du tout ! Cette situation, je l’ai rencontrée à peu près partout. Les réformes politiques à faire devraient d’abord viser à résoudre ce problème. à l’étranger, ce qui m’a frappé, c’est le prestige que conserve la France, dont je pourrais donner de nombreux témoignages. Malgré les ravages que provoque l’évolution du monde actuel, il y a là, pour notre pays, une carte fondamentale à jouer, dont nos responsables ne paraissent pas avoir toujours une claire conscience. Vous êtes apparenté à de nombreuses familles européennes, vous parlez plusieurs langues… Avez-vous un message particulier à délivrer concernant l’Europe, voire les prochaines élections européennes ? Il n’est pas dans mes intentions de donner des consignes de vote. Mais c’est vrai que dans une famille comme la mienne, l’Europe est dans les fibres. J’ai des cousins dans toute l’Europe, et Philomena, mi-autrichienne, mi-espagnole, va m’en apporter encore de nouveaux ! L’Europe est pour moi quelque chose de concret, de vivant, qui, loin d’écraser nos différences, les fait au contraire ressortir d’une manière éclatante. C’est vraiment l’inverse de l’idée plus ou moins technocratique qui a cours dans la construction bruxelloise que nous connaissons. J’ai vraiment envie de dire aux Européens : admettez-vous dans vos différences, qui sont votre vraie richesse. Mettez-vous d’accord sur des grands projets communs, soyez généreux et ouverts au monde extérieur, mais défiez-vous de constructions institutionnelles qui ne tiennent aucun compte de vos caractères propres, de votre histoire propre, de votre culture propre. La vraie nature de l’Europe est d’être multiforme. Propos recueillis par Gérard Leclerc http://www.gensdefrance.com/ http://www.lesmanantsduroi.com/articles2/article35570.php