Le premier commandement - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Le premier commandement

Traduit par Bernadette Cosyn

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Il y a des écrivains prophétiques qui ont des visions. Il y a des écrivains journalistes qui ont des obsessions. Ces derniers pourraient confondre leurs obsessions avec des visions : soyez sur vos gardes.

Une vision prophétique n’est pas visuelle ou plutôt n’est pas nécessairement visuelle : l’auteur peut être aveugle. Elle peut ne pas non plus être communiquée uniquement en paroles. Un peintre peut la transcrire picturalement et nous avons tous entendu parler de Bach.

Même en mots, le genre n’est pas fixé. Ce peut être des vers pieux, comme ceux de Crashaw ; ce peut être une satire misanthropique, comme « Les voyages de Gulliver ». Le sujet apparent ou superficiel peut être n’importe quoi. Quel qu’il soit, il sera « plus grand que la vie » ; il surgira au-dessus de notre condition bassement matérielle.

L’auteur, l’artiste, a été visité par la Grâce. Il lui a été donné un regard à travers l’apparence des choses pour en voir la réalité. Il a vu des correspondances entre des faits qui ne peuvent pas être cartographiés ou numérotés. Parfois, nous appelons cela « génie ».

Il ne peut offrir ni une sorte de prédiction ni une morale immédiate qui ne soit pas un lieu commun.

Dante, par exemple, est opposé au péché. Il n’est pas seul dans ce cas. Mais comme l’explique un collègue qui l’enseigne, le livre de Dante fait connaître à son lecteur que le péché est horrible ; il lui enlève toute fierté de l’immoralité.

Cela, le prédicateur moyen peut ne pas y réussir. Car l’esprit humain désinvolte veut éviter le choc douloureux quand tout ce qui semble simplement « mauvais » ou « imparfait » est exposé dans toute son abomination.

Mais même dire « Dante était un génie » est superficiel, trop évident, presque dédaigneux. Collaborer avec la « Divine Comédie », c’est pénétrer plus loin que la lecture. C’est une activité priante, une recherche de la vraie grâce dont l’auteur lui-même était animé.

On pourrait tout aussi bien dire que la Bible montre du génie. Elle a de « bons morceaux », c’est sûr, et elle raconte des histoires que le lecteur mettra longtemps à oublier. Mais saisir l’Ecriture dans sa totalité, c’est voir à travers ses parties. Que ce n’est pas tant plusieurs livres, mais un Unique où ils se rassemblent, il faut pour cela commencer par saisir que Dieu en est l’auteur – par l’inspiration, non par dictée sténographique.

En ce moment, je suis obsédé par un seul petit passage, au chapitre vingt de l’Exode, et ensuite au chapitre cinq du Deutéronome. L’honorable lecteur peut deviner que je fais référence aux Commandements, dont nous comptons dix dans les deux versions, ou deux dans le résumé du Christ trouvé dans Matthieu et Marc – eux-mêmes cités de passages de l’Ancien Testament.

Les juifs (orthodoxes) récitent la même chose deux fois par jour : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force ». Et cela continue ainsi : tu l’enseigneras à tes enfants.

Il y a Dix Commandements, avec quelque difficulté sur la numérotation, mais il est à noter que les autres neuf découlent du premier, « le Grand Commandement ».

Ou ils le précèdent. Dire que « tu n’auras pas d’autres dieux devant moi » découle également de ce qui a été proclamé. C’est pour légaliser fidèlement d’après l’extraordinaire « Je suis » qui précède tous les commandements. Le Seigneur, ayant présenté ses références et en quelque sorte donné son « CV » à Israël (« qui t’a retiré d’Egypte, de la maison d’esclavage »), sera adoré, et Lui seul.

Le Christ est Dieu ; il n’y a pas de conflit dans l’enseignement, comme nous l’avons depuis longtemps expliqué à nos critiques juifs et musulmans. Nous adorons dans la Trinité le Dieu Unique que nous avons connu, révélé à nous depuis la Genèse et, comme nous l’affirmons, implicitement présent, même quand non reconnu littéralement, tout au long de l’Ancien Testament comme le même et unique Messie.

Et nos liturgies de prière – transmises également par les Saints éternellement vivants et les Prophètes, par les manifestations de Notre Seigneur et de la Mère de Notre Seigneur – proviennent des Ecritures et du Christ des Ecritures.

Durant vingt siècles, la Vérité a été devant nous dans la prière et la manière de prier, privée comme publique. Et cela à travers l’Eglise que le Christ Lui-même nous a donnée, incluant les Saints, les Docteurs et le reste ; une Epouse dont Il a déclaré qu’il ne l’abandonnera jamais.

Et il tiendra parole, car Dieu ne ment pas. Car le Christ n’est pas seulement un homme, mais il est « vrai Dieu né du vrai Dieu » et ses paroles ne sont pas simple stratégie.

Le génie avec lequel des hommes visionnaires ont transmis l’entièreté de la générosité de Notre Seigneur, dessiné les correspondances entre un don et un autre, construit pour nous une civilisation comme nulle autre sur la Terre, peut faire l’admiration des historiens de l’art et des étudiants anglais, mais il va bien plus profond qu’eux.

Il retourne à Dieu, l’auteur de ces dons – non à nous ou à nos ancêtres, les nombreux instruments de la gloire de Dieu. Même les féroces satires sur l’arrogance des hommes en sont une parcelle (c’est pourquoi j’ai mentionné mon héros visionnaire, Jonathan Swift, l’auteur des voyages de Gulliver).

« L’occident » ou la « chrétienté » dans sa manifestation occidentale peut surgir et disparaître dans le temps ; quand il sert les desseins de Dieu, il se maintient. Mais quand nous oublions notre origine et la raison d’être du Premier Commandement, il peut très bien disparaître.

Le Christ va où on veut de Lui et là où il est reçu dans les cœurs humains – non pour leurs propres objectifs mais pour les Siens. Nous l’avons su pendant un temps, et nous avons bénéficié de ce savoir. Souvent, très souvent, nous sommes tombés dans le péché, mais non dans l’ignorance de notre Créateur.

Et nous sommes souvent tombés dans des hérésies, mais avec les moyens de nous en sortir. Car Dieu sera adoré, et il souhaite être adoré, mais pas de la manière que nous souhaitons.

Regardant en arrière, je ne suis pas surpris que notre catastrophe finale soit « l’esprit de Vatican II » (pas le concile lui-même mais les déformations qui ont suivi). Comme nous le voyons aujourd’hui à Rome, un charabia absolu, et non des hérésies compréhensibles, est maintenant enseigné par des autorités avec lesquelles le Christ aurait sûrement maille à partir.


David Warren est ancien rédacteur du magazine Idler et chroniqueur dans des journaux canadiens. Il a une expérience approfondie du Proche-Orient et de l’Extrême-Orient.

Illustration : « L’automne, avec Moïse recevant les Dix Commandements » par Francesco Bassano, vers 1575-1585 [collection privée]. Moïse est en haut à gauche.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/03/01/the-first-commandment/