Le père Xavier Tilliette - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Le père Xavier Tilliette

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En apprenant la mort, dans sa 98e année, du père Xavier Tilliette, j’ai revu instantanément son visage, tel qu’il m’était apparu la première fois, il y a bien longtemps, au porche de Notre-Dame de Paris. La finesse du regard renvoyait à une profondeur de pensée et de sensibilité. Il était évident que cet homme était habité par une présence intérieure et qu’il était comme voué à la méditation. Une méditation nourrie par une immense culture et une constante confrontation à ce que l’histoire offre à l’intelligence. Formé à la grande école ignatienne, il n’avait pas choisi de devenir théologien, comme ses maîtres et amis, Jean Daniélou, Henri de Lubac ou Hans Urs von Balthasar, bien qu’il fût évidemment pétri de théologie. Il me semble que s’il avait élu la philosophie, c’était, en quelque sorte, pour l’ouvrir à la théologie, montrer qu’elle appelait la théologie, y prédisposait et s’y accomplissait. Ainsi faisait-il œuvre missionnaire pour conquérir au Christ les larges espaces de la pensée contemporaine.

Dans cette conquête toute pacifique, il avait toutes les audaces, affrontant tous les interlocuteurs, même les plus hostiles, s’emparant de ce qui pouvait élargir les horizons. Mais en même temps, aucune complaisance chez lui pour ce qui est contraire à la foi ou s’en éloigne. S’il s’est intéressé, par exemple, à l’itinéraire singulier de Pierre Teilhard de Chardin, ce n’est nullement par préjugé progressiste, pour acquiescer à une mode. Non, c’est en vertu d’une exigence qui rejoint l’exigence même de la foi : « Loin d’être accablé comme Atlas par le poids du monde, le Christ est le cœur et la tête de l’univers. »

Je ne puis que renvoyer à la biographie et la bibliographie considérable du père Tilliette. Sa réputation intellectuelle était mondiale. Les universités les plus prestigieuses réclamaient son concours. Il était le spécialiste incontesté de Schelling. C’était aussi un littéraire, un des meilleurs connaisseurs de la poésie de Paul Claudel. Le grand âge l’avait bien sûr éloigné des travaux de sa maturité. Mais c’était d’abord un religieux, de la Compagnie de Jésus. À l’heure où il nous quitte pour le Royaume, il nous est bon de louer la Providence d’avoir donné à son Église un tel serviteur.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 13 décembre 2018.

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Photo : © Archives jésuites de la Province EOF