Le long martyre des coptes d'Égypte - France Catholique

Le long martyre des coptes d’Égypte

Le long martyre des coptes d’Égypte

Le recteur de la mission copte catholique de Paris Notre Dame d'Égypte réagit aux massacres perpétrés à l'encontre de cette communauté chrétienne minoritaire. Photo : Mgr Michel Chafik, recteur de la Mission copte catholique de Paris N.D. d'Egypte.
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Pour défendre les droits des musulmans, l’Europe est prompte à se mobiliser. Elle se met en ordre de marche pour les minarets mais ne s’intéresse, qu’occasionnellement, au sort tragique des chrétiens d’Orient. Ce qui s’est passé le 6 janvier à Nagaa Hammadi a brisé le silence, l’indifférence. Est-ce parce que cet attentat a été perpétré le soir du Noël orthodoxe, qu’il a rompu la trêve sacrée, qu’il a révélé de l’Égypte, douce, hospitalière, asile jadis de la sainte Famille, un visage méconnu où l’ombre l’emporte sur la lumière ? Toujours est-il que, pour une fois, les yeux du monde se sont tournés vers ces chrétiens du Nil qu’on assassine.
Les coptes représentent 10 % de la population égyptienne et forment la première communauté chrétienne du Proche-Orient. Dans une société régie, non par l’identité citoyenne mais par l’appartenance religieuse, leur situation est d’une extrême précarité. Ils survivent néanmoins, « petit reste » d’une Église souffrante qui puise dans le « n’ayez pas peur » christique la force de se battre pour la reconnaissance de ses droits. Après avoir subi l’humiliation de la dhimitude – situation des juifs et des chrétiens dans une société musulmane – les coptes endurent aujourd’hui, dernier avatar, le statut inique réservé aux minorités en terre d’islam. Ils ne sont que des citoyens de seconde zone, stigmatisés du fait de leur religion inscrite sur leurs cartes d’identité.

S’ils sont libres d’aller à l’église et de pratiquer leur culte, ils paient cette tolérance au prix fort et sont, dans leur vie quotidienne, victimes de discriminations flagrantes. Trouver un emploi, un logement, éduquer dignement leurs enfants, relève du parcours du combattant. Même si le pouvoir a affirmé, à maintes reprises, que les coptes font partie intégrante de la nation, ils ne sont que tolérés dans leur propre pays, soumis au bon vouloir des exécuteurs de la loi. Ils ont toujours tort et n’ont aucune tribune où faire entendre leur voix. Écartés de fait du pouvoir politique, marginalisés dans le monde administratif et culturel, ils sont privés de tout avenir.

À ces vexations ordinaires s’ajoutent les violences, qui s’intensifient depuis la dernière décennie du siècle précédent : des églises sont incendiées, des fidèles agressés, des jeunes filles enlevées et contraintes d’embrasser la foi musulmane.

Soucieuses de calmer le jeu, les autorités tentent de minimiser les faits. À lire la presse égyptienne, il s’agirait, ici d’une banale affaire de vendetta, là de l’oeuvre d’un désaxé. Mais comment ne pas voir, derrière les exactions dirigées contre les coptes, l’influence de l’islamisme radical ? Le président Moubarak a beau assurer que « personne ne peut porter atteinte à l’union entre les musulmans et les chrétiens », l’objectif de ces moudjahidins, infiltrés dans toutes les instances de la société, est clair : ils veulent éradiquer les coptes, les contraindre au choix, impossible, de la conversion ou de l’exil.

Au vu de tout ceci, peut-on sérieusement parler de tensions interreligieuses, expression qui sous- entend, entre les parties en conflit, une certaine égalité, et place sur un même pied victimes et agresseurs ? Peut-on même invoquer les affrontements intercommunautaires ? Avant que d’appartenir à une communauté, le chrétien est membre du corps du Christ dont la forme, en ce monde, est l’Église. Les assassins de Nagaa Hammadi, qui ont perpétré leur forfait devant une église le jour où s’y célébrait la naissance de l’Enfant-Dieu, l’ont parfaitement compris : mitraillés comme au champ de foire, les chrétiens sont la cible désignée.

Les victimes de ce Noël sanglant prennent place dans la longue lignée des martyrs qui, de leur sang, ont fécondé l’Église copte. Martyrs, le mot est lâché, il dérange, mais il faut l’oser. Faute de quoi l’événement sera récupéré, recyclé par la pensée dominante et la realpolitik qui, sans état d’âme, laisse s’écrire à propos des chrétiens d’Orient la chronique d’une mort annoncée.

Pour atroce qu’il soit, le martyre, c’est-à-dire le témoignage, n’est jamais vain. Puisse celui du 7 janvier 2010 précipiter l’avènement de la démocratie que coptes et musulmans éclairés appellent de leurs voeux ! La reconnaissance de l’autre, la liberté de penser et de croire, la laïcité, sont les conditions nécessaires à la coexistence pacifiée des Égyptiens de toutes confessions. Alors, mais alors seulement, les coptes pourront refermer « l’ère des martyrs » initiée sous Dioclétien en 284 et le bel adage égyptien, « la religion est à Dieu et la patrie à tous », deviendra réalité.