« Le chef doit aimer ses hommes » - France Catholique

« Le chef doit aimer ses hommes »

« Le chef doit aimer ses hommes »

L’ancien chef d’état-major des armées, démissionnaire en juillet 2017, vient de publier Qu’est-ce qu’un chef (Fayard) ? Il se livre dans cet essai à une réflexion sur l’autorité, son exercice, et le bien commun. Son analyse et son témoignage éclairent d’un jour passionnant l'enjeu profond de la crise des Gilets Jaunes.
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La crise de l’autorité est-elle la mère de toutes les crises ?

Pierre de Villiers : Son rôle est en effet essentiel. Si la France ne dispose pas de leaders qui soient, comme j’aime à les appeler, des « absorbeurs d’inquiétude » et des « diffuseurs de confiance », le moteur ne redémarrera pas, malgré toutes les performances économiques et gains de productivité que l’on pourrait réaliser. Au-delà de leur capacité d’entraînement, ces chefs doivent être capables de donner une vision, un sens. Les grands pays qui s’en sortent aujourd’hui, ce sont les États-puissance, qui déploient une stratégie de long terme. Nos démocraties européennes s’inscrivent, elles, dans le court terme et se contentent de la tactique au détriment de la stratégie. Ce sont les hommes qui font l’histoire du monde et elle s’écrit sous nos yeux.

Comment définissez-vous l’autorité ?

L’étymologie est très claire. Auctoritas, signifie la capacité de faire croître, de faire grandir, d’élever. Ordonner, c’est mettre en ordre. L’art du chef consiste à faire jaillir l’initiative, la responsabilisation et l’imagination de ses subordonnés. Entre le chef au sommet et la base, les corps intermédiaires ont quant à eux l’initiative des décisions à prendre à leurs niveaux respectifs selon le principe de subsidiarité. Le rôle du chef se résume aux quatre « C » : concevoir, convaincre, conduire et contrôler. Faire réussir, c’est réussir.

L’exercice de l’autorité suppose-t-il de mettre son affect entre parenthèses ?

Se soumettre à une autorité ne signifie pas la subir. Ce qu’il faut obtenir, c’est ce que le général Frère1 appelait l’« obéissance d’amitié » qui privilégie l’adhésion à la contrainte. La confiance est au cœur de l’autorité, et pour obtenir cette confiance, le chef doit aimer ses hommes. Ce principe est bien peu enseigné dans les écoles où l’on forme les élites de la nation. On s’y intéresse trop à la performance sèche, à la dureté froide de la finance. Le bonheur des gens ne saurait se réduire à l’économie. Au-delà des mesures fiscales, les Gilets jaunes attendent peut-être du respect, de la considération, de l’amour. Si tous les responsables arrivaient au travail le matin en se disant : « Je vais m’intéresser aux autres », bien des choses changeraient.

Retrouver l’intégralité de l’entretien dans notre magazine.

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Photo : Le général Pierre de Villiers, ancien chef d’état-major, avec son homologue américain, Martin Dempsey, en 2014.

  1. Le général Aubert Frère (1881-1944), fondateur de l’Organisation de résistance de l’armée (ORA) est mort au camp de concentration du Struthof.