« Le catholicisme est l’identité de la France » - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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« Le catholicisme est l’identité
de la France »

En allant aux sources antiques de la démocratie, Michel De Jaeghere, auteur du Cabinet des antiques (éd. Les Belles Lettres), met brillamment à jour les reniements successifs qui ont conduit à évacuer le spirituel de la politique.

Dieu et la politique

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Vitrail représentant Saint Louis, église Notre-Dame-de-l'Assomption, Izernore, Ain.

Vitrail représentant Saint Louis, église Notre-Dame-de-l'Assomption, Izernore, Ain.

© Mfrays / CC by-sa

Peut-on comparer la démocratie athénienne et notre démocratie moderne, présentée comme son héritière ?

Michel De Jaeghere : Il y a entre l’une et l’autre de nombreuses différences. L’une d’entre elles est peu connue et pourtant fondamentale : elle tient à ce que la démocratie athénienne légifère très peu. Elle le fait d’autant moins que les Grecs reconnaissent l’existence d’une loi supérieure, dont on trouve l’écho dans le fameux dialogue d’Antigone et de Créon sur la « loi divine », dans lequel la première conteste au second le pouvoir de donner des ordres qui iraient contre cette loi divine. Il ne s’agit pas véritablement d’une loi religieuse – elle n’est pas révélée –, mais de ce que nous appelons, depuis saint Thomas d’Aquin, la « loi naturelle ». C’est une loi que les Grecs déduisent des caractères de la nature humaine. Elle permet à l’homme d’accomplir dans leur plénitude et leur perfection son caractère social, son sens de la justice, son aspiration à la transcendance, son amour du vrai, du beau et du bien… Et cette loi est considérée comme supérieure à la volonté populaire. C’est l’une des différences essentielles avec la démocratie moderne, dont le principe constitutif est que la loi, selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, est « l’expression de la volonté générale ». Les Grecs pensent le contraire. Certes, dans les deux systèmes, on délibère sur la notion de juste. Mais, à Athènes, le peuple dit : « Je le veux parce que c’est juste », alors que dans notre système, le peuple dit : « C’est juste parce que je le veux. »

Que faudrait-il pour réhabiliter la loi naturelle ?

La loi naturelle a longtemps été véhiculée par l’Église catholique, qui pourrait commencer par l’enseigner de nouveau comme le fit, en son temps, Jean-Paul II. La loi naturelle a mauvaise presse, car on l’a soupçonnée d’être une espèce de cache-sexe des catholiques pour imposer la loi religieuse sous un autre nom, alors que ce n’est pas le cas, puisqu’elle est enseignée par Aristote et Cicéron, qui ne sont pas des Pères de l’Église.

Chez saint Thomas d’Aquin, on trouve l’idée selon laquelle la grâce n’abolit pas la nature : les commandements de Dieu sont rationnels et vont dans le même sens que la loi naturelle. On peut ainsi très bien y obéir en raison, car ils correspondent aux caractères de la nature humaine. Il faudrait donc une réforme intellectuelle et morale qui permette à nos contemporains de se ressaisir de l’idée de nature humaine. Car sont-ils encore tous persuadés qu’il y a une nature humaine spécifique, et que l’homme n’est pas un animal comme les autres ?

En brossant le portrait de la société antique, vous expliquez que l’apparition de la foi chrétienne a bouleversé le lien entre le temporel et le spirituel…

Dans la cité antique, le temporel et le spirituel sont confondus. Depuis la préhistoire, l’origine des sociétés est religieuse. Cela se vérifie pour les premiers États aussi bien que pour la Cité grecque ou lors de la fondation de Rome… Chaque fois, ce qui permet de dépasser le stade tribal, c’est la possession de dieux en commun.

Dès la préhistoire, les premiers bâtiments publics qui apparaissent dans les premières agglomérations sont consacrés au culte ! Le culte a précédé la culture : c’est parce qu’on avait un culte commun qu’on a eu une langue et une culture communes et qu’on a pu construire des sociétés politiques. Dans la cité antique, cela s’est traduit par une confusion complète du temporel et du spirituel, puisque les religions païennes n’étaient pas des religions du salut, mais de la prospérité ici et maintenant.

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