La vie après la vie - quelques remarques - France Catholique
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La vie après la vie – quelques remarques

Traduit par Pierre

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Un avantage à être un philosophe consiste à pouvoir consacrer du temps — et même, parfois, en être rémunéré — à des recherches que tant de gens considèrent comme hors sujet, ou hors de question, ou juste bizarres — par exemple : un autre monde existe-t-il, où est la notion d’obligation morale, quelle est la meilleure forme de gouvernement, Dieu existe-t-Il, les humains ont-ils une âme pouvant survivre après la mort du corps ? ? ?

À cette dernière question, si j’avais été capable de fournir une réponse satisfaisante au début des années 1970, j’aurais pu m’enrichir fabuleusement. James Kidd, de Phoenix (Arizona), disparu et présumé mort en 1949, avait laissé un testament, ses dernières volontés offrant environ un demi-million de dollars (équivalant à six millions de dollars 2016) à quiconque proposerait en conclusion d’une étude la preuve matérielle que l’âme quitte le corps après la mort. Une vingtaine d’années plus tard, 133 candidats se présentèrent, et la récompense fut, allouée en 1971 à la Société Américaine de Recherche Psychique [American Society for Psychical Research]. Malheureusement, cet organisme épuisa le crédit en 1975 — sans résultat.

Cependant, cette même année, Raymond Moody, docteur en médecine ainsi que lauréat d’un doctorat en philosophie, a publié un ouvrage intitulé Life after Life [La Vie après la Vie], livre consacré aux « expériences de quasi-mort » de patients ressuscités après la mort clinique, nombre d’entre eux ayant « vécu » des expériences extraordinaires de séparation du corps pour finalement y revenir.

Le livre de Moody fut suivi d’une multitude d’ouvrages et d’articles citant des milliers de cas où des personnes ressuscitées relataient les procédures suivies dans le bloc opératoire, ou passaient à travers des murs, voyaient des parents ou des amis dans la salle d’attente, et/ou des proches ou amis décédés en compagnie d’un « Être de Lumière » ou de silhouettes angéliques, assistaient à un « défilé de leur existence », puis étaient renvoyés ou demandaient à retourner dans leur corps.

En raison des fantastiques avancées des techniques de réanimation, nombre de médecins, scientifiques et philosophes ont porté leur attention sur l’étude des phénomènes de mort imminente. Il se pourrait que certains d’entre eux auraient reçu la récompense de James Kidd en 1971, à la place de la Société Américaine de Recherche Psychique.

Une des découvertes indubitablement les plus extraordinaires faites par un certain nombre de chercheurs concerne les phénomènes de mort imminente vécus par des patients aveugles, cités par le psychologue Kenneth Ring, le cardiologue Pim Van Lommel et autres. Ring cite les déclarations de 80 % des 31 aveugles étudiés (dont 14 aveugles de naissance) ayant vu des objets et des personnes du monde réel, déclarations vérifiées par des enquêteurs.
Mais alors que ces cas sont impressionnants, tous concernent la « mort imminente », aucun décès n’est survenu. Ils sont tous revenus à la vie. Comme il fallait s’y attendre, les sceptiques ont proposé des explications physiques ou neurologiques pour ces expériences « hors du corps » — manque d’oxygène, hallucination, etc. . .

Dans son ouvrage récent « l’élan de l’âme » [The Soul’s Upward Yearning] le Père Robert Spitzer, S.J., philosophe, considère que les études mondiales étendues d’expériences de mort imminente peuvent constituer une preuve des facultés humaines de transcendance, mais pense que ces études doivent être étayées par d’autres analyses philosophiques et scientifiques.

Spitzzer, étudiant du Thomisme transcendental du Père Bernard Lonergan, S.J., et également familier des avancées actuelles en sciences et en mathématiques, suit les traces de Platon, Aristote, Kant, et autres pholosophes qui ont proposé des preuves rationnelles de l’existence de Dieu et de l’immortalité.

Il débute par des études exhaustives de l’expérience religieuse (le sentiment d’être entraîné vers du divin « totalement autre ».) de personnalités telles que William James (The Varieties of Religious Experience – Diversité des expériences religieuses), Rudolf Otto (The Idea of the Holy – La notion de sainteté), et Mircea Eliade dans ses multiples œuvres sur la philosophie de la religion. Spitzer remarque que 84 % de la population mondiale est religieuse, et discute à propos d’expériences de « quelque chose transcendant, mystérieux, et sacré existant comme « totalement Autre ».

De même qu’Aristote, qui parle de l’existence d’un composant intellectuel de la conscience, indépendant de la matière, « immortel et éternel », Spitzer insiste sur les pouvoirs et horizons mentaux, « notions heuristiques » qui réunissent les concepts généraux et les rapports entre concepts. Ce qui mène à une compréhension de plus en plus grande, mais demeure imparfait. Notre sens de « l’imperfection » résulte de notre orientation innée vers un « horizon accessible d’intelligibilité totale et illimitée ».

En mathématiques, le théorème de Gödel montre que même le système le plus solidement logique a nécessairement une lacune qui « mène à des solutions plus élaborées en ce domaine d’intelligibilité ». Ainsi, au cours des investigations intellectuelles, le cheminement des « pourquoi ?  » mène toujours à d’autres « pourquoi ?  » et invite les humains vers un royaume de compréhension qui transcende les simples sens.

Comme Platon, selon qui nos sens de la perfection, telle « l’égalité parfaite » ou la « bonté parfaite » ne peuvent provenir du monde ici-bas mais doivent avoir une origine divine à laquelle participent les humains, Spitzer soutient que dans nos rencontres quotidiennes avec les imperfections de justice, de bonté, d’amour, de beauté, se trouve un sens inné de perfection qui, mené à son terme logique, nous amène à saisir la possibilité d’une justice parfaite, d’un amour parfait, etc. . .

Tout comme Descartes, Spitzer se confronte au problème suivant : comment l’âme peut-elle se lier et agir en union avec un corps matériel ? La réponse de Descartes — la glande pinéale — n’aboutissait pas, mais relançait d’autres hypothèses.

Selon Spitzer, la théorie « trialiste » (et non pas « dualiste ») du neurophysiologiste Prix Nobel John Eccles pourrait proposer le meilleur espoir actuel de solution. Alors que, pour Eccles, les fonctions d’ondes quantiques peuvent tomber en « eigenstate » [effondrement quantique ?] — touchant les systèmes physiques classiques — les champs quantiques faisant le lien entre les composants immatériels et matériels de la conscience.

L’ultime exemple de ce phénomène de prise de conscience, où les humains « expérimentent l’introspection », les montre « en train d’expérimenter l’expérimentation », ce qui donne deux points de vue à un acte unique — une impossibilité matériellement parlant, et ce qui suggère fortement que la « conscience » est « trans-physique ».

Et pourtant, les philosophes peuvent bien s’orienter autrement. Socrate, par exemple, après avoir proposé ses preuves d’immortalité comme « radeau de sauvetage », ajoutait un commentaire : un philosophe serait plus sûr de lui s’il pouvait trouver un mot de Dieu l’emmenant, le guidant en sécurité. Et de même, Spitzer qui, pour conclure, s’appuie sur la révélation du Christianisma comme ultime et unique réponse aux questions sur l’immortalité de l’âme.

Illustration : L’âme survolant le corps – William Blake, 1808.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/03/19/the-afterlife-revisited/