La religion civique et la Croix de la Paix - France Catholique
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La religion civique et la Croix de la Paix

Gunnar Gundersen est un spécialiste associé de l’Institut James Wilson en ce qui concerne les droits naturels et la fondation des Etats-Unis. Ses domaines de recherche incluent la liberté religieuse, les droits de propriété et la jurisprudence.

Traduit par Aurélie D.

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Certains conservateurs offrent aujourd’hui une place de choix à la religion. Ils vont même permettre que certaines observances religieuses de nature traditionnelle ou historique soient autorisées lors de cérémonies civiles, soi-disant car certaines de ses observances à consonance religieuse sont purement civiques. C’est l’opinion du juge Kennedy dans l’affaire Town of Greece (ce cas permet à la cour de commencer ses sessions législatives par une prière), où les prières d’invocation sont exaltées parce qu’elles « donnent de l’importance à la session et reflètent les valeurs qui font partie de l’héritage de la Nation ». L’avis du juge O’Connor dans l’affaire Elk Grove (afin de rendre le discours d’allégeance fait à Dieu plus civil) est un autre exemple classique : « Je crois que, bien que ces références parlent dans le langage de la conviction religieuse, elles sont mieux comprises si employées à des fins essentiellement laïques. »

Dans le même ordre d’idées, l’opinion récente de la Cour dans l’affaire Peace Cross confirmait la constitutionnalité d’une croix située sur un terrain publique, notamment parce qu’elle avait un objectif laïc : « Le fait que la croix soit un symbole chrétien et conserve ce sens dans de nombreux contextes ne change pas le fait que le symbole a pris une signification laïque supplémentaire lorsqu’il est utilisé sur les monuments commémoratifs de la Première Guerre mondiale. »

Mais il y a des choses derrière ça. La religion a été protégée à la fondation de l’état américain parce qu’elle était considérée par ces générations et les suivantes comme un véritable devoir religieux envers Dieu, Être suprême à qui nous devons toutes choses. Il n’a pas été protégé parce qu’Il ajoute de la solennité à nos procédures civiques ou nous lie à notre histoire.

L’invocation de Dieu ajoute une certaine solennité à un événement civique parce qu’Il est saint. Les invocations de Dieu nous connectent à nos ancêtres et à notre histoire parce que Dieu est le Dieu des vivants et non des morts. Chaque projet laïc imaginé par le juge O’Connor existe parce que Dieu est réel. Ainsi, il est impossible de séparer les avantages civils de leur signification et observance religieuse. La religion profite au gouvernement, mais elle n’est pas faite pour servir de moyen à le rendre meilleur.

De plus, cette conception du christianisme en tant que religion civique va à l’encontre de la façon dont il s’est toujours considéré lui-même : en tant que religion fondée par le Christ et non par des gouvernements laïcs. En revanche, les païens avaient un gouvernement civique. La politique a créé la religion païenne, et non l’inverse : la religion existait pour des raisons d’ordre politique, l’ordre politique n’existait pas pour servir la religion.

Comme l’explique le cardinal Joseph Ratzinger dans Vérité et Tolérance, Varro (un philosophe romain) a montré que l’ancienne religion pouvait être divisée en trois catégories : (1) poétique ; (2) civique ; et (3) naturelle. La religion civique a été créée par l’homme et entretenue par les poètes. C’était un moyen pour une communauté d’inculquer la vertu de piété à ses citoyens. La religion naturelle touchait le Créateur – mais comme sa volonté était inconnue, il n’était pas vénéré. Au lieu de cela, les inventions de la communauté ont pris sa place.

Les gentils devaient créer leurs propres religions pour pratiquer la piété. Rome était un empire avec de nombreuses religions. Ce que vous pratiquiez importait peu, tant que la religion officielle était observée et respectée. La religion était principalement une activité civique ou politique.

L’introduction de la révélation judéo-chrétienne du Dieu unique (un Dieu qui n’a pas été inventé mais qui est réel et universel) était un « athéisme » dans un tel contexte, car elle refusait de reconnaître le culte politique comme normatif. C’était un concept de religion distinct de l’État – une religion gouvernée par Dieu. Finalement, le christianisme a obtenu la tolérance, puis l’approbation dans tout l’empire romain. Mais il a toujours lutté pour son indépendance du contrôle de l’État et a insisté pour obtenir cette indépendance.

Tandis que le christianisme remplaçait la religion civique, ce n’était jamais une religion civique tel que l’entendaient les païens. Elle n’existait pas parce qu’un État l’avait créée. La pratique du christianisme prévoyait l’exercice de la piété et un moyen de générer l’unité sociale, notamment en fournissant des vacances partagées. Mais il n’a pas été créé simplement pour fournir ces avantages à l’État.

En effet, saint Augustin a expliqué que si le christianisme devait être placé n’importe où dans le schéma religieux de Varro, il devrait être considéré comme une forme de théologie naturelle, la théologie de la création, de la vérité objective, et non de la religion politique. La Déclaration d’indépendance reprend ce fil en insistant sur le fait que la loi de Dieu est un contrôle objectif de tous les gouvernements, y compris du roi d’Angleterre. Ce n’est pas une loi soumise à des contrôles politiques, mais la politique doit être gouvernée par cette loi.

Quel est donc le résultat ? La religion n’est pas un concept abstrait en droit américain ou en politique. C’est un devoir envers notre Créateur, cet Être suprême qui nous a conféré des droits inaliénables. Nous ne doutions pas non plus qu’il s’est révélé à nous de différentes manières : par la loi écrite dans nos cœurs et par la révélation divine.

Nous avons invoqué Son autorité pour déclarer notre indépendance. Nous avons confié nombre de nos causes et crises à Ses soins. Nous nous sommes battus pour la liberté en Son nom. C’est sur le fondement d’un Dieu immuable et sage que nous avons garanti nos droits. Notre devise nationale, celle des Etats-Unis, est « En Dieu, nous avons confiance ».

Promouvoir la religion n’est donc pas un exercice pour maximiser l’autonomie personnelle. C’est plutôt une façon pour la politique de reconnaître et d’affirmer que c’est Dieu qui règne. En enracinant les droits religieux dans un Dieu aimant et rationnel, il sera impossible d’argumenter que l’exercice de la religion n’est que l’exercice de l’invocation caractéristique et arbitraire de pouvoirs transcendantaux ou démoniaques. Il aura tendance à promouvoir des pratiques religieuses qui encouragent le pardon, l’amour du prochain et la jalouse protection des droits conférés par Dieu à chaque citoyen. De cette manière, les droits de tous trouveront une plus grande sécurité – enracinés dans des obligations envers Dieu plutôt que sous forme de subventions du gouvernement.

Mais finalement, cela confirme le bien de donner son dû à Dieu. Nous ne devrions pas nous contenter d’une justification creuse ou civique de la valeur de la religion dans la vie publique ou dans la loi des États-Unis. Selon les mots de saint Justin, martyr : « On ne mérite ni reproche ni condamnation, pour obéir aux commandements de notre Sauveur Jésus-Christ ».

Samedi 22 juin 2019

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/06/22/civic-religion-and-the-peace-cross/

Image : Le Mémorial de Peace Cross à Bladensburg aux Etats-Unis (Amanda Voisard / pour le journal du Washington Post)