La querelle des langues - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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La querelle des langues

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Un article du linguiste Alain Bentolila dans Le Figaro m’apprend que le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes est parti en guerre contre le sexisme qui serait inhérent à la langue française. La prédominance du masculin sur le féminin dans notre grammaire correspondrait à l’oppression des femmes et aux injustices qu’elles subissent socialement. Le linguiste n’a nul mal à démontrer l’absurdité de cette accusation, masculin et féminin en français ayant peu à voir avec les distinctions entre sexes. Mais l’aspect le plus délirant de cette police linguistique apparaît dans les modifications qu’on voudrait nous imposer et qui transformeraient notre belle langue en jargon indigeste.

Certes, on comprend l’intérêt d’une révolution linguistique en tant qu’arme politique, instrument de réformes sociales. C’est George Orwell qui a le plus attiré notre attention sur ce qu’il appelait la novlangue. C’est-à-dire cet idiome totalitaire imposé dans une cité aux ordres d’un Big Brother.

Dans son fameux cours introductif au Collège de France, Rolland Barthes avait expliqué que la langue en elle-même était fasciste et nous emprisonnait dans des règles impératives. La difficulté, c’est qu’à vouloir sortir de ces règles, on risque d’aboutir à un super fascisme, complètement manipulatoire. Il est vrai que la manipulation linguistique est susceptible de diverses gradations. Il n’y a pas seulement la novlangue anti-sexiste, il y a aussi ce qu’Ingrid Riocreux appelle « la langue des médias »1, bien intéressante à analyser. Chaque militance suscite son propre mode d’expression et sa langue de bois. Sous Molière, il y avait les précieuses ridicules. Mais elles ne sont pas seulement du XVIIe siècle.

Je me suis aperçu récemment que la lutte pour la cause animale produisait aussi sa novlangue, avec la volonté d’élargir au règne animal entier les caractéristiques propres à notre humanité. Conclusion provisoire : la sagesse consisterait à parler correctement la langue que nous avons reçue et qui pourrait bien être la condition nécessaire d’une vraie liberté de pensée.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 25 janvier 2017.

  1. Ingrid Riocreux, La langue des médias. Destruction du langage et fabrication du consentement, L’Artilleur.