La prière des croyants inséparablement happée par la défense de la vie naissante - France Catholique
Edit Template
L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
Edit Template

La prière des croyants inséparablement happée par la défense de la vie naissante

Dans de nombreux pays du monde, il y a une disproportion énorme et scandaleuse entre ce que la société se propose de faire et réalise effectivement - de façon souvent admirable, on le constate en ces temps d’épidémie - pour le droit des personnes à la santé et à la vie sûre, et la légèreté, l’insouciance et même l’application avec lesquelles le droit absolu à la vie des tout petits dans le sein de leur mère se trouve ignoré, rejeté, bafoué par des secteurs de la société, ayant persuadé une grande partie de l’opinion et les pouvoirs publics, que le droit de l’embryon humain à vivre - loin d’être une donnée anthropologique, morale et de civilisation intouchable - se trouve être corrélatif et subordonné au droit supérieur qu’aurait la mère de s’en débarrasser, non pas pour des raisons très graves (il des cas où le conflit est dramatique, en effet), mais pour des motifs de convenance, relevant d’un féminisme à la dérive…
Copier le lien
Lamentations de Jérémie sur la destruction de Jérusalem

Lamentations de Jérémie sur la destruction de Jérusalem

Rijksmuseum

1 – On en fait des tonnes pour sauver les gens du coronavirus, et on a raison de le faire : c’est juste, fraternel, responsable, émouvant. Dans une société civilisée, la vie, la santé et la sécurité des personnes ne sont-elles pas des droits premiers et fondamentaux ? Et cette mobilisation, de proche en proche, est lourde d’implications sur la valeur et qualité de nos liens sociaux et de notre civilisation.

Mais dans le même temps, dans le même espace, on continue, hélas ! comme dans le passé, à pratiquer l’avortement en masse, à « militer » par exemple pour l’inscrire dans la déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies, à vouloir étendre le champ et le délai temporel de la légalité de
sa pratique et à prétendre mettre hors la loi ceux qui s’y opposent…

Avortement, c’est à dire élimination de petits êtres humains, qui ne sont pas malades, eux, qui ne sont pas atteints par un fléau environnemental dont la fatalité nous accable, qui ont le tort d’être « de trop ». Ces petits sont nôtres, ils sont humains, le plus souvent en bonne santé et, en principe sinon toujours, voulus consciemment et librement, en tout cas « déjà là », et faisant partie de notre espèce humaine. Et ils ont le droit à la vie – la vie devant soi – vie aussi précieuse et respectable que celle de toutes ces personnes d’un grand âge qui ont déjà vécu.

Où est la cohérence, où sont la logique, le bon sens, l’humanité ?

2 – De l’Église, du cœur de croyants de tous bords, la prière monte ardemment vers le Ciel et bat son plein. KTO, le Jour du Seigneur, revues chrétiennes, réseaux sociaux, évêques, communautés religieuses, simples fidèles… la mobilisation est vaste et il semble que la prière soit massive, sincère et fervente. On se sait pécheurs et mortels et on demande à Dieu : qu’il nous aide à affronter la maladie, qu’il nous unisse afin que nous traversions solidairement cette épreuve, qu’il nous grandisse à travers elle, qu’il console les victimes… et encore et peut-être en premier, si tel est son bon vouloir, qu’il nous guérisse, arrête l’épidémie ou en abrège le cours. De façon miraculeuse ou naturelle – providentielle – qu’il tienne compte de l’immense et généreuse collaboration humaine déployée. C’est sain et normal qu’il en soit ainsi. Nous sommes dans notre rôle de créatures et d’enfants de Dieu, confrontés à la mort et qui se tournent vers leur Père très bon et tout-puissant. Jésus lui-même nous a appris à prier son Père et le nôtre: « Délivre-nous du mal !».

3 – Je m’en souviens : Saint Thomas se demande pourquoi et dans quelle mesure nos prières sont entendues et exaucées. Il ne s’agit pas de traiter à fond cette question tout de même assez complexe, mais de faire valoir simplement ceci : entre personnes qui s’aiment, il est normal que les volontés s’ajustent. Dans la mesure où nous sommes appliqués à faire la volonté de Dieu, et le lui prouvons par notre amour, comment va-t-il rester indifférent à ce que nous lui demandons et ne pas se plier en quelque sorte, à notre volonté, exprimée dans notre prière de demande? Inversement, si je ne correspond guère à ce que Dieu attend de moi, si nous lui tournons le dos, pourquoi se montrerait-il attentif à ma supplication, pourquoi écouterait-il notre prière? d’ailleurs oserai-je même lui adresser mon cri ? (oui, peut-être, si j’ai une foi à transporter les montagnes ou à déraciner un figuier…)

Cherchons donc à discerner, à niveau de ce fléau mondial et de la prière des suppliants dans leur ensemble, les correspondances qui existent et à faire exister entre notre volonté et celle de Dieu, notre Seigneur.

• Il y a un certain dérèglement de la création matérielle, notre milieu de vie, et ce dérèglement est consécutif au péché des hommes, c’est à dire au mal dont ils se rendent coupables, péché originel et péché du monde d’hier et d’aujourd’hui entremêlés dans une mystérieuse imbrication et dépendance (Gn 3; Jr 3, 2-3 ; 5, 23-251; 14 ; 22, 15-16). Bien que la bénédiction de Dieu à notre terre soit manifestement présente et nous accompagne sans retour, la création ne nous est pas toujours en tous points favorable, nous ne vivons pas dans le meilleur des mondes possibles. Ce monde est abîmé par le Malin et les péchés des hommes.

• Deuxième affirmation tirée de la Bible elle aussi : nous n’avons pas le droit d’établir une relation directe (de cause à effet) entre tel mal ou fléau dont des personnes ou des secteurs d’humanité sont frappés et les fautes personnelles dont ceux-ci se sont ou se seraient rendus coupables. Ni lui, ni ses parents n’ont péché dit Jésus en réponse à la question de ses disciples au sujet de l’aveugle de naissance. Cela est arrivé pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui (Jn 9, 3 ; Cf Jr 31, 29-30). Pareillement ceux qui moururent à cause de l’écroulement de la tour de Siloé ou par suite des persécutions d’Hérode n’étaient pas plus coupables que d’autres (Lc 13, 1-5). Il ressort de l’enseignement biblique en général que malheurs, fléaux et maux qui nous frappent, qu’ils aient ou pas des causes repérables et certaines dans la conduite humaine, sont un pressant appel providentiel à la conversion, que le Seigneur nous lance à travers eux.

• Cependant il est une autre vague d’enseignements bibliques aussi puissante, et qu’on semble avoir oubliée, ou que nous avons de la peine à intégrer. Elle est pourtant très présente chez les prophètes d’Israël : Dieu annonce avec constance et force que, si le peuple choisi se détourne résolument de ses péchés et revient à lui de tout son coeur par une véritable conversion, qui se vérifie par la pratique des commandements et l’abandon de ses pratiques idolâtres, eh bien lui se montrera favorable envers son peuple par l’adoucissement en sa faveur du cours de la création, lequel a été détérioré et rendu hostile. (Jr 29, 11-14 ) Le retour en grâce, l’alliance d’amour (Jr 3, 20) entre Dieu et son peuple seront à nouveau marqués par l’harmonie et l’abondance en maints domaines, dispensées par la bienveillance miraculeuse de Dieu (Os 14, 2-10)… L’annonce prophétique du retour d’exil (Jr 16, 14-15 ; 23, 7 – 8), des temps messianiques et des bienfaits que le Messie, « germe », Roi de Justice et de Paix, apportera dans ses rayons, se situe tout à fait dans cette perspective, elle en est même un couronnement (Jr 23, 5-6; 33, 14-16; Ps 72). Dieu est d’autant plus disposé à guérir les maux de l’humanité blessée que nous acceptons de nous laisser attirer et transformer par son appel. C’est ce qu’il espère au premier chef de son « épouse» redevenue fidèle et de ses enfants que nous sommes.

4 – Nous savons donc, nous croyons, d’une part, qu’il existe une relation réelle – mais mystérieuse et difficile à cerner exactement – entre les péchés des hommes en général et certains dérèglements de la création (que Dieu s’abstient de gouverner avec toute l’attention possible en faveur des hommes) ; et, d’autre part, nous accueillons dans la foi et l’espérance la Parole de Dieu nous promettant de diriger avec générosité et magnificence le cours de la création en faveur de l’homme, de façon plus explicite et manifeste, pourvu que nous nous détournions de nos péchés.

Révélation divine à deux pôles, donc, et entre les deux : notre prière de demande et d’intercession !

Il est bien sûr toujours possible d’axer notre supplication à Dieu sur la suppression des maux et calamités physiques et sur la correction des désordres naturels clairement ou mystérieusement causés par nos péchés : Dieu est notre Père de façon inconditionnelle et notre relation à lui repose sur une grande confiance.

Mais cette attitude est paradoxale, insuffisante et tronquée en présence de l’attitude alternative qui consiste à implorer son intervention, selon sa promesse, mais avant tout comme conséquence et résultat de notre conversion. N’est-ce pas cette conversion spirituelle et morale des hommes qui est le gage de l’harmonie sans cesse poursuivie et à retrouver entre le ciel et la terre ? (Jr 22, 15-16) Et n’ est-ce pas celle-ci pour laquelle il nous faut « lutter dans nos prières »? « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. »

5 – Comment serait-il pensable que Dieu, du haut du Ciel et du haut de sa croix ait le même regard, la même vibration, d’une part sur les maux causés par une épidémie et des malheurs où la responsabilité morale directe et immédiate des hommes n’est pas engagée (coronavirus), et d’autre part, sur des morts plus nombreuses encore de petites créatures humaines innocentes récemment conçues, morts provoquées volontairement par les humains et relevant de leur responsabilité ?

Pour les premiers de ces maux, Dieu est certainement rempli de compassion et nous pouvons et devons le prier avec confiance, et le supplier de manifester son amour et d’intervenir…

Mais, justement, est-ce que l’exercice de sa Providence, sollicitée pour qu’elle allège les maux des hommes et adoucisse les blessures que la création déréglée nous cause, ne se trouve pas configuré par ses promesses ? Promesses selon lesquelles, pour libérer sa bonté et accorder ses bienfaits, il a besoin de notre essentielle fidélité à son alliance, comme nous l’avons dit. Or, de notre côté, cette alliance pose premièrement que nous ne nous prenions pas pour des dieux et que, loin de tuer par millions les plus petits d’entre les frères humains du Christ, nous respections absolument leur vie créée par amour, à son image et ressemblance.

Le rapprochement que je fais de ces deux grandes « calamités » sociales, et leur confrontation à la prière de supplication, n’est pas arbitraire ou subjectif. Ici et là, il s’agit de vie et de mort « en masse », et vu la conjoncture, il me semblerait inconscient et léger, peut-être lâche, de les considérer indépendamment l’une de l’autre.

6 – Prions pour que cessent les avortements pratiqués en masse dans notre société et de par le monde ; mais ayons conscience qu’ils ne peuvent cesser que par la conversion des mentalités et des coeurs, le rejet du dérèglement des moeurs, le retour à Dieu, Maître et Seigneur de la Vie. Demandons au Seigneur qu’il accorde, comme fruit de cette conversion, sa faveur et sa toute-puissance pour tempérer, éloigner, supprimer d’autres maux qui accablent les hommes, le coronavirus en particulier.

Il reste à dire que la prière, afin que cesse le fléau de l’avortement et que soient épargnées des millions de vies innocentes, est nécessaire mais ne suffit pas. Il faudrait que les chrétiens et croyants de tous bords qui se sentent interpellés soient témoins, au sein du corps social, de leur conversion personnelle – avec projection ecclésiale, sociale, culturelle et politique – à « l’Évangile de la Vie » (Jean-Paul II); et de leur retour au Dieu de l’alliance qui est venu pour que tous nous ayons la vie, naturelle et surnaturelle, en abondance.

  1. Parmi les nombreux oracles du prophète Jérémie disant que les maux physiques naturels sont consécutifs aux fautes humaines, je détache celui-ci, ramassé et explicite : « Craignez donc Yahvé notre Dieu, qui donne la pluie, celle de l’automne et celle du printemps, selon son temps, et qui nous réserve des semaines pour la moisson. Vos fautes ont dérangé cet ordre, vos péchés ont écarté de vous ces biens. »