La politique du Ciel et de l’enfer - France Catholique
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La politique du Ciel et de l’enfer

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Le jugement dernier, John Martin, 1851-53

Le jugement dernier, John Martin, 1851-53

[The Tate, London]

Il y a des années, peu de temps après que je sois arrivé à Washington, j’ai fait la critique d’un livre ayant le même titre que cet article. Un ami – notre regretté collègue James V. Schall, S.J. – me mit en garde sur les critiques de livres de cet auteur, car lorsque l’on commence, me dit-il alors, on n’a plus le temps pour rien d’autre. Et c’était avant la pléthore de livre que « Schall le grand » (aussi l’auteur du livre en question) écrivit lorsqu’il atteignit soixante-dix, puis quatre-vingt et même quatre-vingt-dix ans.

Cet automne Ignatius Press réédite The Politics of Heaven and Hell avec une introduction d’un autre écrivain incisif et prolifique, Robert Reilly. C’est une bonne chose, aussi, car dans notre chaos actuel, alors qu’il semble presque impossible d’avoir une bonne idée de quoi que ce soit, ce volume relativement négligé découvre des fondations sûres. Il explique les moyens par lesquels nous avons mélangé les choses éternelles et temporelles – et ainsi disloqué le temps.

Le point de vue central de Schall est que nos traditions classiques de la foi et de la raison conviennent que la politique est un domaine important mais circonscrit. Aristote disait que si nous étions les êtres les plus élevés, la politique serait la science la plus élevée. Ce sage païen – Dante l’appelle « le maître de ceux qui savent » – savait que nous ne sommes pas les êtres les plus élevés. Pour commencer il y a Dieu et Sa Création, auxquels nous devons respect. Ignorez-les et le résultat inévitable est chaos, souffrance, servitude, tyrannie et mort.

Les Anciens Hébreux ont appris cela bien avant Aristote. Schall remarque que les théoriciens politiques prêtent peu d’attention à l’Ancien Testament, l’histoire d’une petite et obscure nation – Israël – qui a survécu, de façon improbable, jusqu’à notre époque, avec une influence incalculable sur l’histoire du monde entier. Elle l’a fait non en raison de stratégies ou de vertus particulières : l’histoire des Juifs est un record de grâces données et refusées, de conversions et de prospérité subséquente, de beaucoup de cycles d’ignorance de Dieu, de déclin et de renouveau à travers Lui.

La leçon globale est que : les nations sont superbes, non parce qu’elles accumulent puissance et richesse. Le pouvoir et la richesse vont et viennent. Et n’importe comment, toutes ne sont pas ce qu’elles paraissent. Les nations sont faites grandes, aussi insignifiantes soient elles selon les critères terrestres, parce que Dieu les a faites ainsi, et qu’elles restent fidèles à leur Créateur.

La Chrétienté a, bien entendu, limité la politique d’une manière particulière, en commençant par la fameuse distinction de Jésus entre les choses qui sont à César – les dispositions nécessaires à la prospérité humaine (même, malheureusement, les impôts) – et les choses qui sont à Dieu. Ces quelques mots ont eu un immense effet en cascade dans la tradition chrétienne.

Et ce n’est pas seulement par les penseurs comme Augustin, Thomas d’Aquin, Suarez, Bellarmin, etc. que les pays historiquement touchés par la chrétienté protègent principalement les croyances des choses ultimes du contrôle par la politique – en fait ils croient que le droit peut et doit contester le pourrait. Cette séparation est absente des sociétés musulmanes, des régimes idéologiques comme la Chine, ou des sociétés traditionnelles où le dirigeant est considéré comme une sorte de dieu mortel.

Mais ce n’est pas seulement à des niveaux hautement sociaux ou intellectuels que ces vérités se prouvent. Comme nous avons vu seulement trop clairement dans ces temps modernes, quand la politique devient « la science la plus haute », les hommes deviennent non pas des rois philosophes mais des bêtes. En les additionnant, les systèmes politiques du Communisme, du Nazisme et du Fascisme furent des machines à tuer à une échelle sans précédent.

Et les récentes décades ont donné naissance à ce que le philosophe Ryszard Legutko appelle « le démon dans la démocratie », une nouvelle tentation totalitaire dans laquelle chaque chose est définie par une idéologie politique. Nous nous inquiétons de la « polarisation », mais, il y a une faille profonde dans nos politiques qui est beaucoup plus radicale. L’absence de religion dans l’espace public, avec ses effets modérateurs, est un important facteur de ce développement, car dès que le vrai Dieu part, le faux dieu de l’état arrive.

Même les bons élans publics deviennent alors venimeux – et illimités. Par exemple, nous avons juste vu ce qui peut arriver quand un effort approprié fait pour corriger le racisme, un mal historique, devient la mesure de tout. Alors, tout ce qui n’est pas explicitement « antiraciste » devient « raciste » – selon la définition de quelqu’un, qui peut être différente de celle d’un autre. Il n’est alors pas surprenant que des demandes pour une justice politique absolue se transforme en « annulation » et anathème sur des gens qui montrent la plus légère déviation par rapport à la ligne idéologique – c’est à dire une injustice.

Les inégalités raciales historiques ont besoin d’être corrigées, mais l’injustice implique-t-elle seulement la notion de race – avec un salut occasionnel en direction du gender et de la classe sociale ? Andrew Sullivan, un brillant écrivain, ayant récemment démissionné du New York Time magazine parce qu’il ne pouvait supporter les critiques de la « culture d’annulation » la l’habitude du nivellement de la culture, en dépit d’être gay et libéral sur certains sujets et conservateur sur d’autres (et d’une certaine manière aspirant en quelque sorte à être catholique).

Il a fait remarquer que ce sont des endroits comme le New York Times qui ne comprennent pas une « diversité » juste. Le Times semble sur le point de céder aux demandes des employés voulant que le personnel reflète la composition raciale de la ville de New York : 24 pour cent de noirs et plus de la moitié de « gens de couleur ». Et il doit y avoir une « formation à la sensibilité » – c’est à dire, un endoctrinement idéologique – pour tous.

Sullivan note qu’il y a d’autres groupes sous-représentés dans le Times. Seulement 37 % des habitants de New York, par exemple, sont des diplômés universitaires et sont surreprésentés dans la salle de rédaction- ainsi que les Asiatiques et les Juifs. Certains d’entre eux devraient-ils démissionner ? Si vous vouliez avoir des proportions de New Yorkais plus justes, vous auriez dans la salle de rédaction, 10 % du personnel devrait être Républicains, 6% Juifs hassidiques, et 33% Catholiques.

Cela peut prendre du temps à cause des idéologues qui ne s’intéressent qu’à certains « faits » et ont rarement le sens de l’ironie – ou de l’humour.

Ceci nous ramène à la théorie du Ciel et de l’Enfer. Le paradis est au Ciel, et la Nouvelle Jérusalem céleste ne peut pas être apporté sur terre par nos seuls efforts ; Seul Dieu apportera la parfaite justice à son Second Avènement. Cependant la route vers les enfers humains reste toujours grande ouverte.

La plus large perspective que nous offre la religion – en incluant des éléments comme l’imperfection humaine, le péché, le pardon, la tolérance, les limites de la politique terrestre – ne signifie pas que nous ayons besoin d’être moins passionnés dans la poursuite de la justice et de l’équité. Mais elle signifie que nous devons être vigilants et mesurés au sujet de nos propres motivations et des résultats de nos actions. Nous tenons cela d’une bonne autorité : « Ainsi veillez à ce que la lumière qui est en vous ne soit pas des ténèbres » (Luc 11 :3)

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À propos de l’auteur
Robert royal est rédacteur en chef de The catholic Thing, et président de The Faith & Reason Institute à Washington. Son livre le plus récent est : A Deeper Vision : The Catholic Intellectual Tradition in the Twentieth Century (https://Amazon.to/2Xs322P), publié par Ignatius Press. « The God That Did Not Fail : How Religion Built and Sustains the West » , est maintenant disponible broché chez « Encounter Books ».