La liberté d'expression - France Catholique
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Saint Benoît, un patron pour l'Europe
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La liberté d’expression

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Les écoles françaises affichent en masse un dessin présentant un enfant questionnant un adulte : « Qui est Charlie ? », « C’est la liberté d’expression » répond l’adulte. En quoi cette réponse est-elle un endoctrinement, une sorte de slogan rapprochant notre langue de la newspeak (langue qu’impose le pouvoir et qui interdit la liberté de penser, décrite par Orwell dans 1984) ?

Que veut dire de la formule : « La liberté d’expression fait partie des valeurs de la République ? » Qu’est ce qu’une « valeur » ?

C’est le mot piégé par excellence, une notion dont Nietzsche exploite déjà le fond nihiliste qu’elle contient implicitement : l’homme dit-il est un animal évaluateur, une valeur est ce qui vaut POUR quelqu’un, elle a sa source dans l’individu calculateur , et c’est hypocritement qu’elle prétend à l’universalité et au rassemblement ; en fait , c’est l’individu qui évalue, qui calcule et dit « cela vaut, cela est bon, POUR MOI », le penseur , quant à lui, cherche ce qu’il en est EN SOI .

La liberté d’expression serait une valeur, mais POUR qui alors ?

Qu’est-ce que s’exprimer ? En vérité, l’expression est le plus bel acte humain qui soit, c’est le propre de l’homme de s’exprimer, de tenter de faire jaillir un sens par le libre jeu des mots gorgés d’histoire, de connotations affectives, de polysémie… Le poète est le plus expressif, du fait de son amour du langage, il cherche à donner « un sens plus pur aux mots de la tribu » disait Mallarmé. Le monde médiatique apparaît régi par la loi du marché et chasse de ses slogans bruyants le poète amoureux du langage. Pour qui y aurait-il alors liberté d’expression si, dans ce nouveau Temple médiatique, pour qu’une parole authentique jaillisse, pour que place soit fait à celui qui s’exprime, il faille mettre en place des stratégies toujours déboutées ?

Quelle est alors la loi qui protégerait la liberté d’expression de la logique violente des rapports de force ?

Le personnage de Cyrano nous présente un modèle éloquent :de son nez, il dit :  « c’est un roc, un pic, un cap, une péninsule », mais il dit de ses plaisanteries : « je me les sers moi même, mais je ne permets pas qu’un autre me les serve ». Cyrano pratique l’autodérision, il se moque de lui-même et par là, devient un modèle de l’homme se libérant, transcendant par le rire et la profusion des métaphores, la souffrance de sa vie. Voilà le modèle, la liberté d’expression coexistant avec la non violence. « Je ne permets pas qu’un autre me les serve » : autrui se moquant de lui incarnerait la violence, la main mise par autrui sur sa blessure, et le provoquerait au duel car il serait tenu, pour rendre visible sa dignité mise à la question, de répondre, il serait pro-voqué c’est à dire appelé devant cet autre, dans un face à face inexpugnable, question d’honneur !

Ce code d’honneur de la liberté d’expression est présent dans l’éducation : « Ne te moque pas de ton frère ! » «  Respectez vos camarades de classe ! » « Soyons vigilants au harcèlement scolaire »etc…en revanche, l’école reste, comme toute institution, le miroir de sa société, et se trouve là disloquée par un paradoxe : elle affiche les caricatures de Charlie hebdo, et dit vouloir limiter le harcèlement, projeter la mise en place d’une « morale laïque ». Mais les élèves ne s’y trompent pas : « Qui a le droit de se moquer de qui, alors ? », est-ce une question d’âge ou de tabous RELATIFS à une société ?

En effet, il reste des tabous ! Il est interdit de prononcer des propos homophobes ou antisémites, donc il reste une loi, mais QUI la dicte dans le cadre de la laïcité « obligatoire » ?

Noyé dans son bain nihiliste, bloqué dans l’impasse qui consiste à refuser de chercher puis de proposer un sens, de s’y risquer et de s’y engager, le médium ne peut vivre qu’en parasitant les lieux qui s’y risquent, en l’occurrence toute religion ; n’ayant rien à dire il lui faut tourner en dérision ceux qui risquent une parole..les autres..la religion se trouve alors ex-clue c’est à dire enfermée dehors, de fait, intolérable.

Mais comment alors se rassembler, créer un lien social minimum, se relier sans religion ? L’aubaine était trop bonne ! Enfin une occasion ! Se relier autour de celui qui s’est explicitement sacrifié sur l’autel de l’anti religion,de celui qui a offert sa vie contre elle, qui refuse de se mettre à genoux ! Une idole est née ! La logique du bouc émissaire et de l’idole décrite par René Girard , la logique la plus ancestrale fondant le lien social sur la violence, est à l’œuvre ! Le « Je suis Ch.. » prend feu comme une traînée de poudre, car enfin ! Nous qui étions déliés de tout dans un monde « anomique »voire anémié, nous voilà ramenés à la vie, reliés par le « contre monde » médiatique, rassemblés autour de l’idole qui remplace le divin par celui qui s’en moque.

Est-ce à dire que le fondamentalisme musulman est le lieu du sens, un chemin de vie ? Pour l’homme né sur une terre nihiliste, errant dans le désert du sens, nourri du pesticide cherchant à éradiquer tout désir de vérité, pour cet homme qui meurt de faim, privé de nourritures de l’esprit, le fondamentalisme musulman apparaît comme un banquet..mortifère, il propose une vérité qu’on ne peut « aimer » ( c’est à dire approcher dans la distance, désirer sans se l’accaparer, dans la non violence), il a donc du goût, mais il a les effets de la cocaïne, il rend fou.

Comment trouver la porte étroite qui ouvre sur une réelle liberté d’expression et non sur le règne de la terreur idolâtrique ?

Cherchons le lien d’essence liberté d’expression et de penser . L’une n’existe que par l’autre ! Bien plus, c’est la pensée qui fonde l’expression, si le devoir prime le droit comme le disait S. Weil. La pensée est une tâche, une obligation, une exigence, sans laquelle le droit à l’expression tourne à la dictature de l’arbitraire, en l’occurrence pour nous,, du libertaire. Cherchons à Nous exprimer et non pas à « sexe primer » ; la sensualité, les sentiments mènent à la guerre disait Kant, un projet de Paix perpétuelle ne tient que par la confiance en la Raison ; les avant-gardistes ont un siècle (le mouvement Dada est né en 1916), ils sont vieux… n’est-il pas grand temps de tourner la page ?

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