La leçon de Jeanne - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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La leçon de Jeanne

Double centenaire

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Après avoir délivré Orléans, Jeanne d’Arc conduit Charles VII à Reims, où il se fait sacrer roi de France le 17 juillet 1429.

Après avoir délivré Orléans, Jeanne d’Arc conduit Charles VII à Reims, où il se fait sacrer roi de France le 17 juillet 1429.

© Fred de noyelle / Godong

Ce n’est pas le moindre des paradoxes ! Un Anglais, et non des moindres, le cardinal John Henry Newman, salua à la fin du XIXe siècle, l’ouverture de la cause de canonisation de Jeanne d’Arc en ces termes : « Partout on admire le choix fait de cette humble fille par la Divine providence pour sauver la nation française. » Celle dont la mission avait consisté à « bouter les Anglais hors de France » atteignait ainsi à l’universel, par sa sainteté établie par l’Église catholique. La même année, le fait n’est pas banal, l’État français lui décernait le titre d’héroïne nationale.  

C’est que, parmi tous les mystères de la trajectoire fulgurante (1412-1431) de cette jeune femme dans l’histoire de France, il en est un tout à fait incontestable, que l’on soit croyant ou non-croyant : par son action, la jeune femme a restauré une autorité légitime sur notre pays, le pouvoir d’un roi, et sa souveraineté vis-à-vis de l’Angleterre.

Rendons à César ce qui lui revient : ce sont les anticléricaux du XIXe siècle qui l’ont sortie de l’oubli – clin d’œil de la Providence –, en en faisant une fille du peuple contre les élites dévoyées de l’époque. Mais ils n’ont pas été au bout de leur démarche.

Car Jeanne est aussi, et d’abord, une sainte. Sa principale leçon, écrit Pauline de Préval dans un petit livre inspiré (cf. p. 12 à 18), est inscrite tout entière dans ces mots qu’elle prononça, célèbres : « Messire Dieu premier servi. » Sans dédaigner la patrie terrestre, tant s’en faut, la hiérarchie est donc claire. « Jésus-Christ est le Roi du monde », écrit-elle au comte d’Armagnac. Un de ses miracles post mortem ? Avoir réussi l’exploit de réconcilier sur son nom, en quinze ans, Dieu et la patrie, la République et l’Église, après la déchirure de la loi de 1905 séparant l’Église de l’État.

Même si aujourd’hui, ce fameux apaisement prôné de part et d’autre depuis lors semble remis en cause par la crise sanitaire, l’État se voyant reproché son trop grand interventionnisme dans l’organisation du culte…

Proche de notre époque troublée

Mais la sainteté se paie. Au prix fort parfois. D’avoir donné raison à ceux qui pensent que patrie et Église ne s’opposent pas, Jeanne est morte condamnée par les indignes représentants de l’une, et abandonnée par l’autre. C’est ainsi que souvent les saints et les martyrs vivent et meurent, à l’imitation de leur Sauveur. Comme le résume en une formule Alexandre Dumas, Jeanne, c’est « le Christ de la France ». Cela donne aux saints cette dimension universelle, d’éternité, qui les rend si proches de notre période troublée.

Dans cette crise du coronavirus, des commentateurs ont ainsi noté avec intérêt la stupéfiante résilience des Français, manifestée à plusieurs reprises au cours de l’histoire. Si la France a un genou en terre, elle peut se relever, si l’on croit à l’action divine. « N’était la grâce de Dieu, je ne saurais rien faire », affirmait-elle à ses juges, rappelant presque mot pour mot l’Évangile (Jn 15, 5)… La leçon vaut pour les dirigeants politiques, et aussi pour chacun de nous.