La gloire du Crucifié transfiguré - France Catholique
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La gloire du Crucifié transfiguré

Traduit par Bernadette Cosyn

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Aussi loin que remontent nos sources liturgiques, nous trouvons l’Eglise entamant le Carême avec l’évangile de la Tentation de Jésus au désert et de sa Transfiguration sur la montagne.

En conséquence, le Carême chrétien est une réplique de l’expérience du peuple d’Israël guidé par Dieu : leur quarante ans de voyage dans le désert, qui a testé leur fidélité, et la théophanie qui a fondé leur communauté sur le Sinaï, laquelle les a doté de la Torah porteuse de grâce.

Mais pour les chrétiens, le pilier de feu et la manne qui entretient la vie, l’alliance et la promesse sont tous récapitulés dans le Christ. L’ élan spirituel de la foi d’Israël, les signes et les préfigurations de ses Ecritures inspirées trouvent leur accomplissement dans la personne de Jésus-Christ.

La Théophanie, dans sa grâce impressionnante et sa vérité transformante, se révèle être une Christophanie. Donc le cœur de l’adoration chrétienne est toujours de proclamer, avec le voyant de l’Apocalypse, la joyeuse doxologie : « à lui qui nous aime et nous a libérés de nos péchés par son sang et qui a fait de nous un royaume de prêtres servant son Dieu et Père, à lui soit la gloire et la domination pour les siècles des siècles » (Apocalypse 1:5-6)

L’un des inestimables cadeaux dont Dieu a pourvu son Eglise est celui du canon des Saintes Ecritures : les deux Testaments portant conjointement témoignage au Christ qui, selon les mots du premier théologien de l’Eglise, « est la fin de la Loi » (Romain 10:4) – non son abolition mais son but et son accomplissement.

Ce qui continue à provoquer émerveillement et gratitude, c’est la manière harmonieuse avec laquelle le Nouveau Testament rend témoignage à la nouveauté de Jésus-Christ et au salut qu’Il apporte – le salut qu’Il est. Non par la voie d’une « harmonisation » facile, mais par la révélation d’une « grammaire élaborée », d’une « logique » fondamentale, si vous voulez, qui est de façon généralisée « Christo-logique ».

Beaucoup a été accompli dans l’étude du Nouveau Testament en mettant l’accent sur les points de vue caractéristiques de chacun des auteurs. Mais il y a également un danger à les séparer en unités distinctes, un manque d’attention à la perspective canonique qui gouverne. Et cette perspective, cette herméneutique, comme Benoît XVI n’était jamais fatigué de le rappeler, est christologique.

L’évangile du Second Dimanche de Carême est le récit de Saint Luc sur la Transfiguration de Jésus. La mention de Jésus transfiguré apparaît dans chacun des synoptiques, et dans chacun elle assume un rôle crucial. Elle suit la reconnaissance par Pierre de l’identité de Jésus et marque la prédiction la plus insistante de sa trahison, de sa souffrance et de sa mort.

Dans chaque synoptique, il y a un parallèle clair entre le récit de la Transfiguration et celui du Baptême du Seigneur. Dans chaque épiphanie, la voix du Père est entendue venant du ciel et proclamant : « celui-ci est mon Fils bien-aimé ». La singularité de la relation entre le Père et le Fils, annoncée lors du Baptême, est répétée et renforcée lors de la Transfiguration. Renforcée parce que les disciples sur la Montagne et ceux à qui ils annonceront la Bonne Nouvelle sont exhortés : « écoutez-le ». L’autorité unique de Jésus est proclamée.

Les particularités du récit de Luc, cependant, sont distinctives et dignes d’être considérées. D’abord, Luc situe la Transfiguration dans le contexte de la prière de Jésus. Il a gravi la montagne pour prier, et pendant qu’il priait, « son visage a changé d’apparence et ses vêtements sont devenus d’un blanc éblouissant ». Bien que les autres synoptiques fassent référence ailleurs à la prière de Jésus, Luc la met singulièrement en relief.

Deuxièmement, seul Luc raconte le sujet de l’échange entre Jésus,Moïse et Elie. Ils « parlaient de son départ qu’Il allait accomplir à Jérusalem ». la souffrance et la mort de Jésus est par là incluse dans le cœur même de la Christophanie – la Transfiguration et le Golgotha sont unis dans la vision synoptique.

Troisièmement, seul des synoptiques Luc souligne les éléments de « Gloire » qui imprègne l’événement. Moïse et Elie sont apparus « dans la gloire » (doxa) ; et les disciples, bien éveillés ont vu « la gloire de Jésus ». L’implication évidente est que la gloire de Jésus rayonne pour envelopper Moïse et Elie. Ils sont baignés dans sa gloire. Jésus est le soleil dont la lumière illumine tous ceux qui « résident dans l’obscurité et l’ombre de la mort », comme l’a prophétisé Zacharie (Luc 1:79).

Mais la gloire de Jésus n’est pas étrangère à la souffrance. De vrai, elle brille précisément dans la passion dans laquelle Jésus s’est engagé de son plein gré pour le salut du monde. C’est par-dessus tout dans Son « départ » que Sa gloire est révélée. Sa crucifixion devient Son couronnement.

Réfléchissant au récit que fait Luc de la Transfiguration de Jésus, on se demande si nous avons suffisamment prêté attention à sa connexion poussée avec une autre description fort caractéristique de son Evangile : le récit de l’apparition du Seigneur ressuscité aux deux disciples sur la route d’Emmaüs. Jésus réprimande les disciples anéantis : « n’était-il pas nécessaire que le Messie souffre ces choses pour entrer dans sa gloire ? » (Luc 24:26). La gloire manifestée par anticipation lors de la Transfiguration est maintenant pleinement réalisée dans la Résurrection, la transformation de la souffrance et de la mort elle-même.

Et pour tisser plus solidement le lien entre les deux scènes, le Christ ressuscité, « commençant avec Moïse et tous les prophètes » interprète pour les disciples d’hier et d’aujourd’hui « les choses le concernant dans toutes les Ecritures » (24:27). Le Seigneur ressuscité atteste que le Logos inspirant et soutenant tout le voyage de foi d’Israël trouve son incarnation eschatologique en Lui et en sa présence perpétuelle dans la fraction du pain eucharistique.

La gloire du Christ crucifié et transfiguré enflamme l’imagination christique du prêtre et poète Gerard Manley Hopkins,à la fois dans les hauteurs de l’exaltation et dans les profondeurs de la désolation. Hokins entrevoit des traces du Christ dans toute création – dans sa grandeur et sa beauté multicolore tout comme dans ses afflictions accablantes et ses larmes silencieuses.

Mais sa vision emblématique du Christ trouve une expression particulièrement poussée dans le grand sonnet « The Windhover » (la crécerelle) explicitement dédicacée « au Christ notre Seigneur ». Le poème culmine dans feu d’artifice d’images de souffrance subie et transfigurée – dans le Christ Seigneur mais également, à travers le Christ, dans tous ceux qui entrent dans sa Gloire :


Rien d’étonnant à cela : une démarche pesante enfouit la charrue profondément dans le sillon

Elle brille, et des braises bleu sombre, ah très cher,

Tombent, s’exaspèrent et éclatent en or et vermillon.

Robert Imbelli, prêtre de l’archidiocèse de New York, est professeur de théologie émérite adjoint à Boston College.

Illustration : « La Transfiguration » par Duccio di Buoninsegna, 1307 [National Gallery, Londres]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/03/17/the-glory-of-the-transfigured-crucified/