La Pentecôte de Pippo Buono - France Catholique

La Pentecôte de Pippo Buono

La Pentecôte de Pippo Buono

Né Florentin, Philippe Néri, fondateur de la congrégation de l'Oratoire, est devenu l’apôtre de Rome au XVIe siècle. Sa popularité et sa joie en ont fait le fer de lance de la Réforme catholique. Voici comment tout a commencé…
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Église San Polo - Oratoire du Crucifix Philippe Néri by Giandomenico Tiepolo. Huile sur toile (1745 -1749).

Église San Polo - Oratoire du Crucifix Philippe Néri by Giandomenico Tiepolo. Huile sur toile (1745 -1749).

CC by sa : Didier Descouens

Saint Philippe Néri, dit Pippo buono pour son caractère jovial, est partout à Rome : dans la pierre, les églises, les peintures. Il est même le co-patron de la Ville éternelle, pour en avoir changé le visage spirituel en plein tourbillon de la Renaissance, et au lendemain du sac de la ville par les troupes impériales de Charles Quint. Et pourtant il ne reste que peu d’écrits de sa main : des poésies, quelques lettres… Pire, il a demandé à un de ses disciples de brûler tous ses documents à la veille de sa mort. En facétieux qu’il était, il jouait ainsi à ses futurs historiens « le tour de les priver d’un lot très précieux d’informations », notent sobrement ses biographes français Ponnelle et Bordet.

Mais il y a plus. Un secret. « Secretum meum mihi » – « Mon secret est à moi » – répétait-il, lui qui pourtant a été un apôtre si extraverti, incarnant au plus haut degré la joie chrétienne – jusqu’à l’extravagance… Il lui est arrivé, par exemple, de paraître dans la bonne société romaine rasé uniquement d’un côté du visage, pour éviter d’être pris pour un saint !

Dix ans à fréquenter les catacombes
C’est qu’il était d’abord un « esprit hautement contemplatif », remarque le Père Jean-François Audrain, dans sa thèse de doctorat soutenue en juin 2017 à Rome et publiée aux éditions Saint-Léger. Toute sa vie, Pippo buono a cherché la solitude intérieure. Son secret, ajoute ce prêtre, c’est donc une « expérience très profonde de Dieu », mais à laquelle il faisait allusion avec parcimonie, très pudiquement.

Pendant plus de dix ans, avant même de se lancer dans la vie apostolique et de fonder la congrégation de l’Oratoire, il s’est ainsi éloigné du centre de la cité, dépassant la muraille d’Aurélien pour rejoindre la campagne romaine, et surtout les catacombes de Saint-Sébastien. Celles-ci sont connues pour avoir abrité les reliques de saint Pierre et saint Paul, au plus fort des persécutions de Valérien au IIIe siècle.

C’est là, auprès des tombeaux des apôtres et des martyrs, que Philippe Néri se ressource, en particulier la nuit. En cela, il a été un pionnier, précurseur des foules de touristes ou de pèlerins qui se pressent aujourd’hui pour visiter ces anciens cimetières chrétiens souterrains. Alors « il se sentait saisi de joie en présence de ces saintes présences, il s’abîmait dans l’oraison », explique Marianne Mahn en préambule du livre du cardinal Valier, Philippe ou la joie chrétienne.

Dans la suite de sa vie, le saint élargira cette pratique nocturne, relançant l’antique tradition romaine du « pèlerinage aux Sept basiliques », qui va de Saint-Pierre à Sainte-Marie-Majeure, en passant par Saint-Paul-Hors-les-murs, Saint-Sébastien, etc. Aujourd’hui encore, les très dynamiques religieux oratoriens, continuateurs de saint Philippe, organisent deux fois l’an à Rome un pèlerinage nocturne qui est une véritable retraite, entraînant un bon millier de personnes. À l’époque de Philippe Néri, c’était jusqu’à deux mille, Souverain pontife en tête, pour contrebalancer le carnaval !

Dans les catacombes, saint Philippe satisfait à la fois son besoin de solitude, et aussi « une atmosphère mystique, une communion avec tous les chrétiens enterrés en ces lieux », souligne le Père Audrain.

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