La/Les finalités du mariage depuis Vatican II - France Catholique
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La/Les finalités du mariage depuis Vatican II

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Quand j’étais étudiant à l’université de Saint-Louis, aux Etats-Unis, en 1963, j’ai été invité par ma petite amie de l’époque à passer les vacances de Pâques avec sa famille dans le sud des Etats-Unis. J’ai accepté l’invitation et, sur la route, la conversation a dévié sur le concile Vatican II, et sur l’attente grandissante des changements annoncés par l’Eglise à propos des modes de contraception. Ma petite amie venait d’une famille de onze enfants (presque tous des garçons si mes souvenirs sont bons), et elle m’a parlé de la tristesse de sa mère, qui parlait « de tous les sacrifices qu’elle a fait » , sacrifices que la nouvelle législation ecclésiastique ne présenteraient plus comme une nécessité. 

J’ai survécu à la rencontre avec sa «  bande de frères », et j’ai commencé à penser aux changements possibles concernant l’autorité ecclésiastique, tout comme l’effet qu’ils auraient sur la morale, si les peurs de sa mère se réalisaient.

Mais il était difficile de penser que les lois de l’Église à propos de la contraception puissent changer, surtout avec le code du droit canonique de 1917, en vigueur depuis les années 1960, qui définit clairement :

Paragraphe 1 du canon 1013. La première finalité du mariage est la procréation et l’éducation des enfants. Sa seconde finalité est l’aide mutuelle et l’apaisement de la concupiscence.

Cependant, de nombreux théologiens, et « experts » ont débattu longuement lors du Concile au sujet de l’intérêt donné à la première finalité des responsabilités et de la procréation du mariage sacramental, qui faisait perdre de son importance à la seconde, l’aspect de l’unité dans le mariage. Cela a donné naissance à une vision « hiérarchique » contradictoire de l’essence anthropologique du mariage chrétien.

Ce n’était que le début des discussions sur la « Constitution Pastorale de l’Église » (Gaudium et Spes). La Commission Préparatoire a ajouté une note disant que la hiérarchie des finalités « ne devait absolument pas être évoquée dans le document final ». Et en effet, Gaudium et Spes a réussi à éviter toute déclaration hiérarchique en ajoutant le passage suivant :

Dès lors, un amour conjugal vrai et bien compris, comme toute la structure de la vie familiale qui en découle, tendent, sans sous-estimer pour autant les autres fins du mariage, à rendre les époux disponibles pour coopérer courageusement à l’amour du Créateur et du Sauveur qui, par eux, veut sans cesse agrandir et enrichir sa propre famille.

Cette phrase « sans sous-estimer pour autant les autres finalités du mariage » peut être comprise comme la suppression de la distinction entre première et seconde finalité, et dans l’esprit de beaucoup, peut vouloir dire que l’on place une importance grandissante dans cet aspect de l’unité du mariage. Les clarifications sur ces points devraient arriver assez vite.

De nombreux progressistes du Concile ont encouragé ce rapprochement et cette collégialité épiscopale. Le pape Paul VI, qui partageait cet idéal progressiste qui parle de dépasser le stéréotype de l’autocratie papale (vue comme un obstacle au rassemblement œcuménique avec d’autres chrétiens), était intéressé au fait d’apporter une solution écrite aux problèmes résultant de la contribution du collège épiscopal, si cela était possible.

Mais une certaine ambiguïté concernant la nature procréative de l’acte marital résidait dans le paragraphe suivant de sa lettre Encyclique, Humane vitae, de 1968 :

Cette doctrine, plusieurs fois exposée par le Magistère, est fondée sur le lien indissoluble, que Dieu a voulu et que l’homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux significations de l’acte conjugal: union et procréation.

Le pape se concentre ici sur l’ « importance » (ou le « sens » dans certaines traductions), plutôt que sur les « objectifs » d’union et de procréation. Les deux termes peuvent être considérés avec le même intérêt, la procréation n’ayant pas de prééminence particulière. Dans l’esprit environnant des années 60 d’une population qui se morfond en pensant au mythe de la surpopulation, même cette formulations diplomatique avait causé la consternation générale.
Une dissidence très répandue s’en est suivie. Des centaines de théologiens ont publié des pages entières en signe de protestation dans le New York Times, et ils étaient encouragés par de nombreux prêtres et évêques. La finalité de la procréation n’avait plus la primauté.

Le Code du Droit Canonique révisé de 1983 évite tout type de langue « hiérarchique » :

Paragraphe 1 du canon 1055. L’alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonné par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants, a été élevée entre baptisés par le Christ Seigneur à la dignité de sacrement.

Les derniers papes ont essayé d’éviter tout malentendu à propos de la notion de procréation. Dans une de ses audiences de 1984, le pape Jean-Paul II insista sur un point d’ Humanae Vitae : «  Mais l’Église, rappelant les hommes à l’observation de la loi naturelle, interprétée par sa constance doctrine, enseigne que tout acte matrimonial doit rester ouvert à la transmission de la vie. » Au rassemblement mondial des familles de Philadelphie, aux États-Unis, le pape François a insisté sur l’alliance de l’homme et la femme, qui donne vie et révèle Dieu !  »

Mais comme évoqué dans un article précédent, la « rétrogradation » de la «première finalité » et l’importance donnée ensuite aux aspects de l‘unité du mariage, a même amené certains prêtres à consacrer des mariages «  volontairement sans enfant ». Plus récemment, cet affaiblissement de la notion de procréation au profit de « l’importance de l’unité », a sans doute facilité ce glissement vers un « mariage » entre personnes homosexuelles qui ne sera évidemment pas fécond.

Que les nouvelles paroles du pape Paul VI dans son encyclique et les articles du code du droit canonique de 1983 parlent ou non d’un « affaiblissement » officiel de la finalité procréative du mariage, l’utilisation répandue de contraceptifs chez les catholiques signifie, de toute façon, qu’il y aura un déclin de la première finalité procréative du mariage.

C’est un spectre qui plane sur le synode sur la famille, et ses discussions à propos des divorcés remariés. Car si nous supposons que les catholiques utilisent systématiquement des contraceptifs lors de leur premier mariage, il y a un doute fondé sur cette ouverture à la procréation requis pour valider le mariage en premier lieu.

Lors de Vatican II, à cause de cette atmosphère tendue et des reportages médiatiques, beaucoup attendaient un changement pastoral important concernant le caractère licite de la contraception. Lors du Synode, l‘utilisation répandue des contraceptifs ne fait que contester le caractère sacramentel du mariage.

Howard Kainz

Samedi 17 octobre 2015

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/10/17/the-ends-of-marriage-since-vatican-ii/

Howard Kainz est un professeur émérite de philosophie à l’université de marquette, dans l’état du Wisconsin, aux Etats-Unis. Ses publications les plus récentes sont : Natural Law: an Introduction and Reexamination (2004), Five Metaphysical Paradoxes (The 2006 Marquette Aquinas Lecture), The Philosophy of Human Nature (2008), and The Existence of God and the Faith-Instinct (2010).