La “Culpa de Félix”, ou un gars intéressant - France Catholique

La “Culpa de Félix”, ou un gars intéressant

Traduit par Yves Avril

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Félix, c’est le nom qu’on lui donnera ici, a passé un peu plus d’une année dans une petite communauté religieuse de pieux catholiques. Sa vie a changé.
Il y a quelques années, il a eu un enfant avec son amie. Après un accident grave, il a pris sur ordonnance trois calmants différents, un cas classique d’usage de l’opium qui se termine par l’abus. Son amie a commencé elle aussi à abuser de la drogue.

Sur ses antécédents on n’a rien à dire. Il avait une petite cinquantaine, bien qu’il fût probablement plus jeune qu’il en avait l’apparence. Il donnait l’impression d’être un rural, classe ouvrière du centre des Etats-Unis, bien qu’on trouve des gens comme lui dans tous les Etats. On avait aussi tout de suite le sentiment qu’il était extrêmement réfléchi.

Au bout d’un certain temps, il prit soudain conscience du mal immense qui était en train de se faire. Allant plus loin, il essaya de se remettre sur le droit chemin, avec son amie. Elle n’était pas intéressée, et il conclut que demeurer avec elle rendait les choses pires pour elle et leur enfant.

Il partit brusquement, sans rien ni nulle part où aller. Pourtant il sentait, fortement et de façon inattendue, la présence de Dieu tandis qu’il parcourait le monde sans plan, juste en priant Dieu de lui indiquer où aller, et quoi faire. Cela dura deux ans.

Ses propres inclinations et son expérience l’avaient rempli de méfiance pour les vastes organisations, y compris les Eglises, et particulièrement l’Eglise catholique. Il avait aussi fréquenté les communautés New Age, et les avait trouvées insatisfaisantes.

Il apprit par hasard qu’une ancienne amie était mourante. Il franchit une longue distance pour lui rendre visite et demeura chez elle pour en prendre soin. Comme sa maladie empirait, des gens de sa famille revinrent pour l’aider, il réalisa alors qu’on n’avait plus besoin de lui, que ce n’était plus sa place et donc qu’il était temps qu’il s’en aille.

Alors qu’il se demandait à haute voix où il pourrait aller, quelqu’un de la famille lui parla de la communauté catholique qui se trouvait dans les environs. Il ne s’était jamais intéressé à ce genre de communauté. Il y alla et y demeura quelque temps.

Il payait sa pension en faisant quelques menus travaux. Il posa des questions sur la foi de la communauté, et les réponses avaient du sens. Il assista à la prière, et il vit que c’était authentique, que cela apportait des résultats. Une foi vraie et efficace. Son scepticisme quant aux vastes organisations demeurait, mais sa confiance dans la petite communaué grandissait. Il lui était arrivé de s’intéresser à la religion, mais il n’avait jamais pris beaucoup au sérieux le mantra “spirituel mais non religieux”, mais, cela dit, il n’avait jamais vu une religion comme celle-ci.

Il posa des questions sur la foi et reçut des réponses sérieuses. Converser avec lui sur les questions catholiques, c’était parler avec quelqu’un qui avait reçu une formation magnifique, orthodoxe et avait travaillé dur pour la comprendre, et cela avec succès.

Certes Félix n’avait pas fréquenté des universités d’élite, mais il était très doué, questionnant avec un scepticisme sain et non un cynisme nihiliste, disposé à accepter le raisonnable quand il était raisonnablement démontré, mais sans se laisser aller au bavardage enthousiaste ou aux plates niaiseries pseudo-intellectuelles. Il sortait directement du livre de Robert Hugh Benson The religion of the Plain Man. Il voulait la vérité et, étrangement, il l’avait trouvée. Et il le savait.

Il attend son entrée dans l’Eglise, qui attendra encore un peu.

Qu’en est-il de son amie et de leur enfant. “Je pense à eux, j’ai parlé avec eux hier. Financièrement, cela va bien. Mais il n’y a pas eu de changement favorable. Je sais qu’il y a eu des décisions prises que je ne peux contrôler maintenant. C’est dur. Ce que je peux faire pour l’instant, c’est de maintenir mon regard fixé sur Dieu de sorte que, quand mon enfant sera prêt, quand la situation sera prête, je sois prêt.” Cela dit sans faux-fuyant ni attitude irresponsable, mais avec résignation et espoir.

Félix va-t-il rejoindre la communauté une fois qu’il sera catholique? “Je leur suis très reconnaissant, mais je ne crois pas que ma place soit là pour toujours. Où elle est, Dieu me le montrera.”

Il arrivait à Félix de parler politique. Il est au courant des événements actuels, cherchant le moyen de séparer les vraies nouvelles des fausses, il prend intérêt au monde au-delà de sa propre situation, et montre une grande prudence dans l’examen de la scène contemporaine.

Il sait aussi que l’Eglise dans laquelle il va entrer reste divisée, que ce qui maintenant vient de Rome n’est pas d’accord, et cela de façon importante, avec ce qu’il a appris l’année précédente. Mais il sait comment débrouiller cela et sait ce qui va passer et ce qui va demeurer.

L’histoire de Félix peut se terminer bien ou non. Ce n’est certainement pas l’histoire catholique type bourgeois, américain assimilé. Ni un chemin intellectuel vers la foi, ni un chemin anti-intellectuel. Plutôt, une ballade de musique country catholique sérieuse, encore incomplète. Peut-être que les Hillbilly Thomists en feront une nouvelle chanson bluegrass et l’enregistreront, incertitude et tout.

Mais c’est une chose remarquable de voir quand le doigt de Dieu touche un homme de Sa grâce, et que les souffrances, sans cesser d’exister, commencent à prendre sens. “Amazing” [Renversant ] comme dit la vieille chanson.

Dimanche 22 avril 2018

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/04/22/felix-culpa-or-an-interesting-guy/

 

Pangur Bán est un pseudonyme, tiré d’un poème en gaélique du IXe siècle composé par un moine irlandais qui vivait dans l’ancienne Souabe.