LA SCIENCE EST-ELLE UNE THÉOLOGIE EXPÉRIMENTALE ? - France Catholique
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LA SCIENCE EST-ELLE UNE THÉOLOGIE EXPÉRIMENTALE ?

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J’avoue ne pas comprendre pourquoi les théologiens ou du moins parmi eux quelques audacieux, ne s’intéressent pas à la seule pensée divine qui se laisse docilement manipuler, tourner et retourner dans tous les sens, je veux dire la nature.

Ou bien peut-être faut-il dire que les seuls théologiens qui ne peuvent pécher par témérité sans aussitôt recevoir sur les doigts sont les savants ? Un savant qui se trompe, cela finit par se savoir, très vite même, en général. Et quel est l’objet de leur pensée ? la création. Oui, j’admire que si peu d’hommes aient la curiosité de considérer la nature comme une pensée. Surtout depuis ces dix ou quinze dernières années que, même au physicien, elle tend à se révéler comme, précisément, une pensée.

Si j’en avais la compétence, je sais dans quelle direction j’aurais d’abord envie de chercher : dans cette constellation théorique éblouissante où l’on trouve la statistique de Fermi-Dirac et le principe d’exclusion de Pauli.

Comme le remarque le Pr Kastler (a), supprimez le principe de Pauli et « la matière s’effondrerait dans une fournaise d’énergie ». Ou plutôt, rien de ce qui est n’aurait jamais été car, souligne encore Kastler, le principe de Pauli, qui reste inexpliqué, « assure l’édification de la structure des noyaux, puis de la structure des couches électroniques… Toute la structure de l’univers repose sur ce principe. Est-ce un principe de causalité ou de finalité ? » (c’est toujours Kastler qui parle)1.

Ayant lu dans cette chronique plusieurs allusions à ce principe de physique si métaphysiquement inspirateur, quelques lecteurs me demandent si je peux tenter d’en donner une idée. C’est une entreprise téméraire, quoique bien moins téméraire, à mon avis, que de scruter les Écritures. La difficulté réside en ceci que le fond véritablement mystérieux et fascinant ne peut en être un peu saisi que par un regard global sur ce que j’ai appelé plus haut une constellation d’idées.

Peut-être faut-il comprendre d’abord qu’il n’existe aucun moyen imaginable dans la physique des particules, ou physique quantique, de distinguer entre elles deux particules identiques, à supposer même qu’on puisse par quelque moyen miraculeux, les rendre perceptibles à l’un de nos sens (hypothèse matériellement absurde quand on sait ce que sont la vision, le toucher, etc.). C’est là une raison suffisante pour comprendre que l’on ne peut raisonner sur des expériences de microphysique que par le moyen de la statistique. De même, tous les citoyens étant identiques à ses yeux, du moins on l’espère, M. Giscard d’Estaing n’a d’autre moyen de les traiter que collectivement.

Cependant dans cette collection il y a des catégories. De même les particules se classent en deux catégories selon le type de statistique qui leur est applicable. Dans l’une des deux catégories, les fermions, relevant de la statistique de Fermi-Dirac, on constate que deux particules de même niveau d’énergie ne sont jamais dans le même état quantique : c’est là le principe d’exclusion, sur quoi toute la nature repose2.

Maintenant, qu’entend-on par « niveau d’énergie » et par « état quantique » ? Essayons de voir par des exemples.

On peut imaginer l’atome comme un noyau autour duquel tournent les électrons. En réalité, ce n’est là qu’une image, car l’électron est un fermion, et notre image passe donc par-dessus la statistique. Mais enfin cela donne une idée tout de même assez juste. Les électrons, donc, tournent autour du noyau comme les planètes autour du Soleil. Le « niveau d’énergie » peut être comparé à la distance qui le sépare du noyau. Si un électron reçoit de l’énergie, il passe à une distance plus grande : il change de « niveau ». S’il perd de l’énergie, il se rapproche du noyau en émettant de la lumière : c’est de là que vient toute lumière.

Quant à l’« état quantique », c’est un groupe de quatre nombres (les « nombres quantiques ») dont chacun peut prendre des valeurs différentes et qui mesurent les caractéristiques de l’électron pour chaque état3. On les appelle « quantiques » parce qu’ils ne peuvent varier que de façon discontinue. Ils sont toujours un multiple d’un même nombre, universel, constant, la constante de Planck.

On peut donc ici relire l’énoncé du principe d’exclusion, en le variant un peu, pour mieux saisir : sur la même orbite, à la même distance du noyau, deux électrons ne peuvent jamais avoir les mêmes quatre nombres quantiques. Et du coup j’espère que l’on comprend : cette impossibilité répartit les électrons sur les diverses orbites, et elle en limite le nombre, qui est en rapport avec la masse du noyau. Ainsi se forment les divers atomes de corps simples, cuivre, oxygène, etc. : ces corps simples ne pourraient pas exister sans la servitude absolue de l’exclusion. Ce serait, au lieu de l’ordre, le chaos4.

Mais il n’y a pas que les corps simples. Il y a surtout les corps composés, qui sont des combinaisons entre corps simples. Or, ce qui relie un corps simple à un autre (par exemple l’hydrogène et l’oxygène dans l’eau), ce sont, grâce à un mécanisme strict qu’il ne sert à rien ici de regarder de plus près, encore les électrons, toujours obéissant au principe d’exclusion : voilà pourquoi les corps composés ont une formule stable, la molécule.

Poursuivons. Les molécules complexes, formées de beaucoup d’atomes, sont la charpente de la vie : c’est encore le principe de Pauli qui permet la formation et le fonctionnement de la cellule vivante. De la cellule on passe à l’organisme, à l’être vivant, au cerveau enfin, instrument de la pensée qui déchiffre cet ordre merveilleux…

En lisant ces lignes, vous respirez, votre métabolisme poursuit l’inlassable travail qui vous maintient en vie : tout cela se fait par combinaison et décombinaison des molécules de votre corps, grâce à l’infini jeu des quatre coins électroniques réglé par le principe de Pauli. Enzymes, hormones, influx nerveux, rien ne fonctionne que par lui…

Question posée par Kastler : un principe si fondamental, si nécessaire, aux conséquences si lointaines, est-ce un principe aveugle ? N’atteste-t-il pas l’immense finalité qui gère le monde matériel tout entier ?5]

Car, ne l’oublions jamais: il fonctionnait déjà au fond du passé le plus lointain, quand ni la Terre ni le Soleil n’existaient encore, élaborant avec une irrésistible lenteur, pendant les milliards d’années – dans l’espace, dans les étoiles et les galaxies – les corps simples qui un jour formeraient notre fragile défroque…6

Je viens de regarder, longuement, un portrait de Wolfgang Pauli. Derrière ce visage rendu à la terre en 1958, sensible, méditatif, un jour une pensée illuminante se forma. Je ne peux croire que c’était la première fois. Sans le principe qu’alors il découvrit, ni lui ni nul être pensant ne fût jamais sorti du chaos. Je ne peux croire qu’une autre pensée ne l’eût, du fond insondable du temps, conçu, sachant qu’un jour il serait déchiffré…

Aimé MICHEL

(a) Alfred Kastler : Cette étrange matière (Stock, Paris, 1976. Kastler est Nobel de physique).

Chronique n° 275 parue dans F.C.-E. – N° 1577 – 4 mars 1977. Reproduite dans La clarté au cœur du labyrinthe, Aldane, Cointrin, 2008 (www.aldane.com), pp. 44-46.


Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 20 mai 2013

  1. Sur Kastler, le principe de Pauli et la finalité voir les chroniques n° 252, Cette étrange matière – Le livre évènement du physicien Alfred Kastler, prix Nobel (18.02.2013), et n° 255, Les mouches – Ces théologiens sérieux qui repoussent l’idée d’une Personne divine (11.02.2013, notamment les notes 2 et 6). Tous les physiciens soulignent l’importance du principe d’exclusion de Pauli qui régit les électrons et de façon plus générale les particules qui appartiennent à la catégorie des fermions. Ainsi Gilles Cohen-Tannoudji et Michel Spiro écrivent : « deux fermions ne peuvent coexister dans le même état, au même lieu, au même instant. Ce caractère impénétrable des fermions, particules de matière, garantit l’existence macroscopique de la matière : en fait, on a pu montrer qu’en l’absence du principe d’exclusion de Pauli, les noyaux et les atomes se ratatineraient pour atteindre des tailles si petites que la gravitation deviendrait importante et que la matière imploserait. » (La matière-espace-temps, Fayard, Paris, 1986, p. 158).
  2. La seconde catégorie de particules est constituée des bosons qui obéissent à la statistique de Bose-Einstein. Cette distinction entre fermions et bosons est si importante qu’il vaut la peine de compléter ce qu’on en a déjà dit, notamment dans la chronique n° 155, D’embarrassants cadeaux de gargamelle – La recherche des particules élémentaires (mise en ligne le 09.05.2011), les deux chroniques citées ci-dessus et celles sur les quarks des deux semaines précédentes.

    Nous avons déjà dit deux mots du physicien indien Satyendra Nath Bose (1894-1974 ; voir la chronique n° 262, « Miaou » et tout est dit – Ce monde mystérieux et cruel vient de l’amour et y retourne, mise en ligne le 25.04.2013). Il est le premier, en 1924, à proposer une théorie quantique décrivant comment des photons présents en grand nombre dans une cavité se répartissent à l’équilibre entre les différents niveaux d’énergie. Rejeté dans un premier journal, il envoie son travail à Einstein. Celui-ci reconnaît sa valeur, le traduit en allemand et le fait publier accompagné de sa propre contribution. Cette description est connue depuis sous le nom de statistique de Bose-Einstein. Appliquée au rayonnement du corps noir, c’est-à-dire d’une cavité opaque maintenue à une température constante (un four en est un bon exemple), cette statistique conduit à la célèbre distribution de Planck d’où est sortie la grande aventure des quanta. La particularité de cette théorie de Bose est d’admettre que les photons sont absolument indiscernables les uns et des autres et que plusieurs d’entre eux peuvent se trouver dans le même état, différence essentielle avec les électrons qui eux obéissent au principe d’exclusion de Pauli et à la statistique de Fermi-Dirac.

    Longtemps après, en 1940, Wolfgang Pauli démontra qu’une particule obéit à la statistique de Fermi-Dirac si la valeur de son spin est demi-entière et à la statistique de Bose-Einstein si elle est entière. En l’honneur de Fermi et de Bose, Dirac proposa de nommer « fermions » les particules du premier type et « bosons » celles du second type.

    Parmi les particules élémentaires, tous les bosons connus sont des intermédiaires des interactions (forces) fondamentales : photons pour l’interaction électromagnétique, gluons pour l’interaction forte et bosons Z0, W+ et W- pour l’interaction faible. Le boson de Higgs prédit par la théorie vient d’être découvert au LHC de Genève.

    Les atomes eux-mêmes peuvent être des bosons ou des fermions selon leur spin total ce qui leur confèrent des propriétés très différentes à basse température. Ainsi l’hélium 4, l’isotope le plus fréquent de cet élément dont le noyau est formé de 2 protons et 2 neutrons, est un boson de spin 0 ; il devient superfluide à moins de 2,17 Kelvin car il perd toute viscosité. L’hélium 3, dont le noyau comporte 2 protons et un neutron est un fermion de spin ½. Cependant, les atomes d’hélium 3 peuvent s’associer par deux pour former des bosons et devenir superfluide (de la même façon que des électrons peuvent aussi s’associer par deux pour former des bosons et permettre la supraconduction), ce qui a valut deux prix Nobel, l’un en 1996 pour la découverte de cette propriété de l’hélium 3 (en 1971), l’autre en 2003 pour son interprétation théorique par Antony Legget.

  3. Les quatre nombres quantiques qui décrivent l’état de chacun des électrons d’un atome sont : le principal, l’azimutal, le magnétique et le spin (voir par exemple Bernard Diu, Traité de physique à l’usage des profanes, Odile Jacob, Paris, pp. 518 et sq.). De ces nombres dépend l’énergie de chacun des électrons de l’atome. De ce point de vue la situation se simplifie immédiatement car le nombre magnétique ne joue aucun rôle en l’absence de champ magnétique et que le spin de l’électron (qui est un fermion) ne peut prendre que deux valeurs distinctes -1/2 ou 1/2 qui ont même énergie. Pour un atome qui n’est pas plongé dans un champ magnétique l’énergie de ses électrons ne dépend donc que des deux premiers nombres quantiques, qui sont notés respectivement n et l. Ces nombres apparaissent lorsqu’on calcule l’énergie d’un électron de l’atome en tenant compte de son énergie cinétique, de l’attraction électrostatique des protons du noyau et de la répulsion des autres électrons. Ce calcul évidemment difficile, d’autant plus difficile que le nombre d’électrons de l’atome est plus grand, aboutit cependant à un résultat simple : que les deux nombres n et l suffisent, que le nombre principal n ne peut prendre que des valeurs entières strictement positives (1, 2, 3, etc.), tandis que le nombre l est un entier positif ou nul qui, pour un n donné, ne peut être supérieur à n – 1. Chacun des niveaux d’énergie ainsi défini par une paire (n, l) est appelé une couche. Voici comment se présentent les couches de plus basse énergie :

    n = 1, l = 0 ;

    n = 2, l = 0 ou 1 ;

    n = 3, l = 0, 1 ou 2 ; etc.

    Dernier point pour être (presque) complet : à chaque valeur de l correspondent plusieurs états distincts de l’électron correspondants à des énergies cinétiques différentes. Leur nombre est 2l + 1 (encore et toujours un nombre entier comme il se doit en physique quantique). Comme chacun de ces états est lui-même double (suivant les deux valeurs possibles du spin), les électrons peuvent se trouver au total dans 2 × (2l + 1) états distincts. Cette règle simple permet de compléter le tableau ci-dessus par l’indication entre parenthèses du nombre d’états dans chaque couche :

    n = 1, l = 0 (2) ;

    n = 2, l = 0 (2) ou 1 (6) ;

    n = 3, l = 0 (2), 1 (6) ou 2 (10) ; etc.

    La situation serait très simple si l’énergie de ces couches était régulièrement étagée en partant de la plus basse (n = 1, l = 0). Cet étagement régulier se vérifie pour un n fixé (où les énergies croissent avec l) et pour un l donné (où les énergies croissent avec n) mais des exceptions apparaissent lorsqu’on considère les paires (n, l). Ainsi l’énergie de l’électron (n = 4, l = 0) est plus faible que celle de (n = 3, l = 2), et de même (5,0) est plus basse que (4,2) ; (6,0) plus basse que (4,3), elle-même plus basse que (5,2). Ces « anomalies » ont d’importantes conséquences en chimie comme le montre la note suivante.

  4. Aimé Michel explique ici en quelques mots le lien profond qui existe entre le principe d’exclusion de Pauli et l’existence des atomes dont sont formés le monde et nous-mêmes. On peut donner sans trop de difficultés quelques précisions supplémentaires. En effet, il est fort remarquable que les quelques lignes de la note qui précède permettent de reconstruire les atomes par la pensée. Cette reconstruction revient ni plus ni moins à retrouver la classification périodique des éléments, initialement découverte par Mendeleïev en 1869, qui est au fondement de la chimie, par des arguments purement physiques fondés sur la mécanique quantique. Voyons cela de plus près.

    Les atomes se distinguent par leur numéro atomique Z, où Z est à la fois le nombre d’électrons entourant le noyau et le nombre de protons dans le noyau. Construire les atomes revient donc en partant de l’atome le plus simple Z = 1, l’hydrogène, à voir comment se rangent les électrons autour du noyau à mesure qu’on augmente leur nombre. Ce rangement se fait par niveaux d’énergie croissants, en remplissant complètement un niveau (tel que défini dans la note précédente) avant de passer au suivant. On exige en outre que chaque état ne soit occupé que par un seul électron (principe d’exclusion de Pauli).

    L’unique électron de l’hydrogène (Z = 1) occupe le niveau le plus bas n = 1, l = 0.

    Les deux électrons de l’hélium (Z = 2) occupent les deux états permis par ce même niveau dont les spins sont opposés. Le fait que cette couche soit complète explique que l’hélium soit chimiquement inerte. Ces deux premiers éléments forment la première ligne, la plus courte, du tableau de Mendeleïev.

    Les deux premiers électrons du lithium (Z = 3) occupent les deux états (ou cases) disponibles du niveau n = 1, mais faute de place supplémentaire à ce niveau, le troisième électron est obligé de monter au niveau n = 2, l = 0. Le 4e électron du béryllium (Z = 4) occupe la seconde case du même niveau.

    Le 5e électron du bore (Z = 5) doit monter au niveau d’énergie suivant n = 2, l = 1. Mais ce niveau là contient 6 places comme l’indique le tableau final de la note précédente ; il est donc capable d’accueillir les électrons du carbone (Z = 6), de l’azote (Z = 7), de l’oxygène (Z = 8), du fluor (Z = 9) et du néon (Z = 10). Ce dernier élément à couche complète est, comme l’hélium, un « gaz rare » à affinité chimique presque nulle. Il termine la deuxième ligne du tableau de Mendeleïev.

    On peut rendre compte à l’identique de la troisième ligne du tableau de Z = 11 à 18, avec sodium et magnésium (n = 3, l = 0), puis aluminium, silicium, phosphore, soufre, chlore et argon (n = 3, l = 1). Les choses en deviendraient presque ennuyeuses si la nature, qui a plus d’un tour dans son sac, ne nous sortait de notre torpeur naissante en raison du fait signalé précédemment que l’énergie de l’électron (n = 4, l = 0) est plus faible que celle du niveau (n = 3, l = 2) ! La couche n = 3 n’est donc pas encore saturée, que le 19e électron du potassium (Z = 19) et le 20e du calcium vont monter en (n= 4, l = 0) pour en occuper les deux cases disponibles. Ainsi chacune des lignes du tableau commence par un métal alcalin (lithium, sodium, potassium (rubidium, césium sur les lignes suivantes) et se termine par un gaz rare (hélium, néon, puis argon, krypton etc.)

    Mais dès Z = 21 (scandium), on revient à la couche n = 3 pour occuper les 10 cases libres du niveau (n = 3, l = 2). Seulement il s’agit d’une sous-couche interne ; comme ce sont les électrons externes qui jouent le plus grand rôle en chimie, cela explique que les propriétés chimiques de ces 10 éléments soient voisines. On les appelle « métaux de transition » : scandium, titane, vanadium, chrome, manganèse, fer, cobalt, nickel, cuivre et zinc.

    Le remplissage se poursuit ensuite de manière régulière jusqu’à la seconde « anomalie » de la sous-couche (n = 4, l = 2) dont l’énergie est plus élevée que celle de (n = 5, l = 0), et surtout la troisième anomalie (n = 4, l = 3) dont l’énergie est plus élevée que celle de (n = 5, l = 1) et même (n = 6, l = 0). Ce n’est que quand ces deux dernières sous-couches sont remplies que vient le tour de (n = 4, l = 3). Les 14 cases de cette sous-couche, encore plus internes que dans le cas de la première anomalie, sont occupées par 14 éléments appelées « terres rares » dont les propriétés chimiques sont très semblables : on les met généralement dans une même case du tableau de Mendeleïev.

    Consentons un instant pour finir à ne pas regarder cette « construction des atomes » comme un problème scientifique plus ou moins difficile à comprendre, voire comme un exercice scolaire, mais comme Aimé Michel y invite ici son lecteur, avec une curiosité avivée, comme l’expression d’une pensée… La science n’en sera pas changée mais l’esprit de celui qui ainsi contemple peut-être si.

  5. Aimé Michel ne cessera de revenir sur ce thème au fil de ces chroniques : un dessein anime le cosmos. C’était il y a vingt-trois ans. Aujourd’hui, l’idée d’un « dessein intelligent » (intelligent design) est devenue « incorrecte ». Un savant amalgame est pratiqué par le rationalisme de rigueur dans les hautes sphères académiques, entre les thèses des stupides créationnistes américains, qui veulent que le monde ait été créé « clé en mains » il y a six mille ans, avec toutes les espèces fixées, et les réflexions sur la finalité en biologie ou l’évolution cosmique. Un des contempteurs déclarés du « dessein intelligent » est le paléoanthropologue Pascal Picq. Ce dernier se démultiplie dans les médias pour dénoncer tout ce qui pourrait ressembler, de près ou de loin, à une réintroduction de la finalité en biologie, et assimile implicitement toute contestation du néodarwinisme à une contestation de l’évolutionnisme. Position d’autant plus étrange que Picq est l’auteur de livres remarquables (voir notamment l’ouvrage collectif Le propre de l’homme, où il entreprend de réviser le statut qu’en Occident on réserve à l’animal.) Tout se passe comme si, pour se faire pardonner son audace, le paléoanthropologue tenait à afficher dans les médias sa « correction épistémologique », condition nécessaire, de toute façon, pour y être invité régulièrement. Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, Aimé Michel serait relégué dans la tendance sulfureuse de ceux qui croient que le cosmos a un sens. Il est pourtant difficile de trouver un penseur qui ait aussi profondément intégré le facteur de l’évolution. Aimé Michel discute et/ou critique le néodarwinisme, ce qui est tout différent. Si l’on n’est plus autorisé à remettre en doute ou simplement à discuter le dogme darwinien, toute réflexion philosophique sur le vivant est devenue impossible. De façon plus générale, aujourd’hui, le professeur Kastler cité dans cette chronique serait mis à l’index, mais aussi Raymond Ruyer et sa philosophie de la biologie – et même Newton qui voyait dans l’espace le sensorium dei. [Note de Bertrand Méheust
  6. Que le lecteur se garde de penser, ici et ailleurs, qu’Aimé Michel attend une solution autre que strictement scientifique, qu’il envisage un Dieu « bouche trou » qui viendrait « expliquer » ces énigmes ! C’est là le Dieu-hypothèse, rouage dans un mécanisme, dont il n’a que faire. Si rouage dans un mécanisme il y a (ce n’est qu’une image, au demeurant trompeuse), alors il faut le chercher. C’est le rôle de la science. Dieu c’est « autre chose ».