LA PRIÈRE DANS L’ISOLOIR - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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LA PRIÈRE DANS L’ISOLOIR

Chronique n° 407 parue dans F.C. – N° 2026 – 25 octobre 1985

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Il faut reconnaître que nous autres Français, nous ne sommes guère démocrates. Pour les belles formules, je ne dis pas, nous ne craignons personne. Nous parlons même si bien de démocratie que (après la Suisse et l’Angleterre, toutefois, chronologiquement) nous en fûmes les propagateurs1. Sur les barricades de Budapest, en 1956, on chantait encore La Marseillaise, poignant souvenir2. Encore que nous l’ayons un peu piquée dans l’Évangile, notre devise Liberté-Égalité-Fraternité continue de brûler dans les cœurs partout où règne l’oppression. Je dis piquée, passez-moi l’expression, parce que, tout de même, réfléchissons : la liberté que nous prêchons, est-ce celle des enfants de Dieu, comme dit saint Paul, ou même celle de Montesquieu, qui doit « s’arrêter là où commence celle des autres » ? Ne serait-ce pas plutôt la licence de nuire impunément à la collectivité en frondant la loi ? Et notre Égalité, ne serait-ce pas plutôt le droit d’embêter notre prochain quand il s’élève sur le commun par le mérite, le travail et les autres vertus sociales ? Quant à la fraternité… Mais revenons à la démocratie. Nous avons tous entendu, et combien de fois, et peut-être avons-nous nous-mêmes répété que les députés – nos élus – pourraient s’abstenir de venir nous expliquer inlassablement pourquoi ils sont pour ou contre, attendu qu’on sait d’avance qui sera pour ou contre : l’opposition dit toujours non, et la majorité toujours oui. Alors, trêve de ces démonstrations sans surprise. L’autre soir encore, sur les ondes, un excellent journaliste interpellait ironiquement un non moins excellent orateur politique : « À vous entendre, disait-il, le gouvernement ne fait que des sottises. C’est fatigant, et, de plus, comment espérez-vous encore qu’on vous écoute, puisque votre conclusion sera forcément non ? »  C’est en écoutant la réponse de l’orateur que je me suis promis d’écrire ces lignes : car l’orateur, tout excellent et rompu à la dispute qu’il était, d’abord bafouilla avec embarras, puis ne retrouva son habileté qu’en détournant la question, mais si visiblement qu’on en souffrait pour lui. Hélas, on voyait clair comme le jour que les deux disputeurs étaient d’accord pour se tromper l’un et l’autre sur le vrai sens de la dispute : ce qui importait à leurs yeux, ce n’était que la conclusion. En l’occurrence, et comme prévu, non, puisque l’orateur parlait pour l’opposition. Un non d’évidente mauvaise foi aux yeux du questionneur. Un non plus ou moins astucieusement emberlificoté en pilule dorée aux yeux de l’orateur. O démocratie ! [|*|] L’objet de la question était la proposition Badinter sur la réforme des juges d’instruction 3. Peut-être le lecteur est-il homme de loi. Peut-être connaît-il toutes les ficelles de la loi française sur l’instruction criminelle. Quant à moi, j’en ignore tout. Toute ma science se borne à ce jeune visage souriant mais si visiblement angoissé, et pour cause, du petit-juge-que-vous-savez4, comparaissant quotidiennement ou presque depuis un an sur le petit écran devant le juge souverain, c’est-à-dire vous et moi, électeurs de ceux qui créent, changent, déplacent, suppriment ou multiplient les juges d’instruction. Un ministre annonce qu’il va proposer de modifier les règles, inconnues de moi et de presque tous les électeurs, du terrible jeu judiciaire. Aussitôt nos élus de discuter. Il y a une majorité, il y a une opposition. Quel est l’enjeu de cette discussion ? De savoir qui va approuver le ministre, et qui le critiquer ? Mais cela, bonnes gens, nous l’avons librement décidé nous-mêmes en désignant les députés qui se sont départagés, il y a quatre ans, selon le nombre de nos voix en majorité et opposition, pour former et soutenir un gouvernement, d’une part, et, d’autre part, pour le critiquer. Allons-nous maintenant leur demander de déjuger notre mandat ? De dire tantôt oui, tantôt non, en oubliant notre mandat ? Ah mais, dit-on (ressasse-t-on), nous ne les avons pas mandatés pour se conduire comme des robots et voter systématiquement oui, systématiquement non. Eh bien, je suis navré que tant d’entre nous ne voient dans leurs élus que des machines à voter. Car le problème en question, c’est et ce n’est qu’une proposition, en l’occurrence celle qui portera le nom de M. Badinter. Est-elle tombée du ciel ? Évidemment non. Elle exprime sur un point précis : la réforme de l’instruction criminelle, la volonté de la majorité. Les porte-parole de cette majorité sont là pour nous en expliquer les avantages, de leur point de vue. Et ceux de l’opposition, les inconvénients, qu’ils sont tenus de rechercher à la loupe et de proclamer hautement. Tel est le rôle, tel est le devoir des uns et des autres. Mais, dit-on encore, mon député va voter oui (ou non), et j’enrage, car je voudrais qu’il votât dans l’autre sens. Vous enragez, c’est fort bien, cela prouve que vous savez ce que vous voulez : un député qui vote différemment. Mais alors pourquoi l’avez-vous élu ? Qui l’a fait roi ? Ou bien avez-vous voté contre ? Si vous avez voté contre, il est bien normal que son propre vote à l’Assemblée ne vous comble pas d’aise, ce me semble. Mais (dernier cas de figure), j’ai voté pour lui et ses votes ne me satisfont pas. Ah la bonne heure ! vous vous êtes donc trompé en l’élisant. C’est bien humain, si humain qu’on a inventé la démocratie pour permettre à quiconque de changer d’avis : dans quelques mois, on va de nouveau vous demander de l’exprimer et vous avez tout loisir d’en changer. [|*|] Oh, je sais que ce n’est pas simple et que tout le monde a un peu l’impression d’être trahi. Cela, mes chers compatriotes, tient à notre charme si spécial, c’est la fibre gauloise. Trahison ! on entendit ce mot honteux, même le soir de Waterloo, après deux journées où tout le monde fut héroïque. Trahison ! clame-t-on, plutôt que d’avouer une erreur. Ce trait de notre charme si particulier agaçait déjà César5 : « Ils se lancent dans les aventures les plus aberrantes, et quand cela ne marche pas ils disent que leurs chefs les ont trahis ». Trop commode, commentait le Romain, avec ce système on ne peut leur faire confiance sur rien, « ce sont des perfides ». En ce moment, trois Gaulois sur quatre, disent les sondages, cognent sur le parti de M. Badinter à bras raccourcis, ou Abraracourcix, comme sourds6. J’entends César ricaner qu’il les reconnaît bien là et qu’ils ne changeront jamais. « Comment les contenter ? On a fait blanc pendant trois ans : trahison ! Puis on a fait noir : trahison ! »  [|*|] Si la démocratie, j’entends la plus juste et la plus irréprochable, ne permet pas à quiconque de promettre la lune et les coquecigrues, où est la liberté ? Je revendique le droit de proposer mes coquecigrues, si vous les achetez, à crédit (cinq ans de crédit), c’est votre droit aussi, le plus strict, mais ne criez pas ensuite « trahison ». Et ce n’est pas notre actuel gouvernement que je métaphorise ainsi, quelque opinion qu’on en ait. C’est nous tous, vendeurs et chalands de vessies et lanternes en tous genres, lesquelles il nous appartient de bien reconnaître, identifier, soupeser et choisir une fois tous les cinq ans, dans le commerce si complexe et changeant des idées. C’est difficile. Oui, c’est difficile. Mais je préfère quand même pouvoir choisir, tous les cinq ans, moi-même, plutôt qu’un Big Brother autodélégué pour choisir à ma place7. [|*|] Un sentiment en ce moment très répandu aussi en France, corollaire inévitable de la présomption de trahison, c’est le mépris de l’homme public voué à tous les soupçons ! Il est presque impossible de convaincre quiconque n’a pas un peu, comme on dit, hanté les allées du pouvoir, que la plupart des hommes politiques sont réellement sincères, dévoués à leur tâche, désireux de bien faire8. Le jobard, mes chers compatriotes, n’est pas forcément celui qui soupçonne le mal partout. Le mépris est à la portée de tout le monde. À la portée du jobard surtout. « Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu »9. Je me demande souvent (et je verrai bientôt) si l’une des épreuves de la mort n’est pas que nos cœurs toujours soupçonneux du mal chez autrui devront péniblement remonter du fond de leur mensonge pour reconnaître l’infinie simplicité de Dieu, qui ne ment pas car il n’est pas Malin. Diable, me voilà loin de la politique et des politiciens. Mais qu’est-ce qui ressemble plus à l’isoloir que la solitude de la prière ? « Mon Dieu, s’il vous plaît, je ne vous demande pas grand-chose : seulement un vol de coquecigrues gratuit et livrable en cinq ans ». Voilà une prière que je n’ai lue nulle part. Adressée à l’Éternel, du moins : nous la réservons à nos députés. Aimé MICHEL Chronique n° 407 parue dans F.C. – N° 2026 – 25 octobre 1985 [|Capture_d_e_cran_2014-11-10_a_12-28-10.png|]
Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 3 octobre 2016

 

  1. « La démocratie est indissolublement liée à l’idée de liberté. Sa définition la plus simple, le gouvernement du peuple par le peuple, n’acquiert son plein sens qu’en considération de ce qu’elle exclut : le pouvoir d’une autorité qui ne procéderait pas du peuple » (Georges Burdeau, article « Démocratie » de l’Encyclopaedia Universalis). Mais l’auteur précise que cette définition est insuffisante, que le mot recouvre plusieurs significations selon qu’on l’envisage sous un angle technique (les gouvernants doivent représenter au mieux les gouvernés) ou comme une exigence morale. « Or cette exigence n’est pas définissable dans l’abstrait, car son contenu est déterminé à la fois par l’insatisfaction que procure une situation présente et par l’image de ce que serait un ordre politico-social meilleur. » La démocratie est donc une notion qui évolue selon les temps et les lieux. Il serait vain de fixer une date précise avant laquelle tel état ne serait pas démocratique et le serait après. Si on s’en tient à l’Europe, l’essor de la démocratie est marquée par quelques dates : la Magna Carta (1215) et l’Habeas Corpus (1679) en Grande-Bretagne, le pacte d’alliance suisse (1291), la constitution des États-Unis (1788), la Déclaration des Droits de l’Homme (1789) et le suffrage universel masculin (1848) en France, le suffrage universel étendu aux femmes en Nouvelle Zélande (1893).
  2. L’historien Gusztáv Kecskes le confirme : « Le fait que les insurgés hongrois chantaient souvent la Marseillaise était notoire » (La diplomatie française et la révolution hongroise de 1956, Publications de l’Institut Hongrois de Paris, Budapest-Paris-Szeged, 2005, p. 150). Dans La Tragédie hongroise ou une révolution socialiste anti-soviétique (1956) (avec une lettre-préface de Jean-Paul Sartre, Éditions Pierre Horay; Paris) Franços Fejtö va même plus loin : les correspondants occidentaux présents ont vu « une jeunesse qui, comme toute les jeunesses révolutionnaires, est enthousiaste, souvent confuse, croyant que l’âge d’or est arrivé, qui embrasse les voitures françaises, parce que la France c’est la liberté, parce que c’est la Révolution de 1789 [et celle] de 1848, c’est la Marseillaise qu’on chante à tue-tête, c’est l’Occident qui apparaît, sous son meilleur jour, de générosité, de fraternité, de vérité, un occident qui s’oppose à la barbarie » (http://imaginarymuseum.org/imp_archive/H56FelixProp/VstripRevengeQuote.html). En France, l’émotion fut grande dans l’opinion, y compris chez les diplomates, mais cela n’influença pas le gouvernement français parce que la crise hongroise sortait de ses préoccupations et que l’URSS avait agi dans sa zone d’influence. « D’après les sources disponibles, écrit Gusztáv Kecskes, la question hongroise n’était pas prioritaire pour le gouvernement Guy Mollet, ni sur le plan intérieur, ni au point de vue international. Au cours des conseils des ministres durant la révolution hongroise, on n’aborda le sujet qu’une seule et unique fois. (…) [L]e maintien du dialogue avec l’URSS fut jugé plus important que le soutien à l’émancipation des peuples d’Europe centrale et orientale. » En juin 1958, l’exécution d’Imre Nagy – Premier ministre hongrois pendant la révolution de 1956 – et de ses compagnons, n’entraina aucune rupture des relations diplomatiques. Kecskes conclut : « L’impact de la révolution hongroise de 1956 dans l’histoire des relations franco-hongroises ne se retrouve guère dans la sphère diplomatique, politique, économique ou culturelle. Les souvenirs mêlés de sentiments entretenus par la population française depuis presque un demi-siècle s’avèrent, eux, beaucoup plus durables. L’aide à la “Hongrie martyreˮ et les accueils de réfugiés ont compté pour beaucoup. De son côté, le peuple hongrois garde, lui, le souvenir de son abandon par l’Occident. À travers les études historiques toutefois, il doit prendre conscience que la majorité des Français étaient de leur côté, sinon par les armes, du moins avec le cœur » (La politique étrangère française et la révolution hongroise de 1956, Matériaux pour l’histoire de notre temps 2006/3 (N° 83), p. 40-49 ; http://www.cairn.info/revue-materiaux-pour-l-histoire-de-notretemps-2006-3-page-40.htm).
  3. Voilà donc une querelle qui perdure depuis plus de trente ans, alimentée par l’affaire Grégory et celle d’Outreau ! Le juge d’instruction, institué par le Code Napoléon, intervient dans l’instruction d’un procès pour réunir les éléments qui permettront au tribunal de statuer. L’instruction est obligatoire pour les crimes et facultatives pour les contraventions et les délits. À la fin de son instruction, le juge peut décider un non-lieu s’il estime l’inculpation mal fondée ; en ce sens il est, selon le mot de Robert Badinter, « mi-Maigret, mi-Salomon ». Toutefois, pendant l’instruction, le procureur de la République peut se faire communiquer le dossier et contrôler ainsi la procédure. Certains juges d’instructions sont spécialisés dans les affaires de terrorisme. Robert Badinter, alors ministre de la Justice d’un gouvernement de gauche, souhaitait remplacer le juge d’instruction par une chambre d’instruction composée de trois magistrats où les fonctions d’instruire et de juger seraient séparées. L’un des trois serait chargé de l’instruction et déciderait ou non de l’inculpation mais la décision de non-lieu, de renvoi ou de détention serait prise collégialement par les trois. La réforme prévoyait le recrutement de 150 magistrats et devait entrer en vigueur en 1988 mais elle ne verra pas le jour en raison du changement de majorité en mars 1986. La mise en place de la collégialité de trois juges demeure cependant un objectif : on en reparle en 1993 puis 2007 mais son entrée en application, d’abord prévue pour 2010, est retardée depuis lors d’année en année par manque de moyens. Curieusement, en janvier 2009, l’intention (avortée) de Nicolas Sarkozy, alors président de la République, de supprimer le juge d’instruction a soulevé des protestations dans les syndicats de magistrats et les milieux de gauche, ce n’est donc pas une simple querelle droite-gauche. La polémique qui s’ensuit est vive. Certains, comme le juge antiterroriste Marc Trevidic, y voient une manœuvre de Nicolas Sarkozy pour se protéger de la menace des juges (http://www.rtl.fr/actu/politique/nicolas-sarkozy-trouvait-genant-le-juge-d-instruction-estime-le-juge-marc-trevidic-7774597283). D’autres, comme l’avocat Daniel Soulez Larivière, voient dans le juge d’instruction « une séquelle de l’Ancien Régime qui nous a légué la procédure inquisitoire, elle-même héritière de l’inquisition inventée en 1231 par le pape Grégoire IX. Cet amour torride pour le passé n’est pas bien raisonnable. Aucun pays de mouvance anglo-saxonne, y compris l’Inde, ne connaît de juge d’instruction, sauf un ersatz en Écosse demeurée catholique. Aucun État scandinave n’en a connu. L’Allemagne l’a supprimé en 1974 et l’Italie en 1990. » (lire la suite sur http://www.liberation.fr/societe/2009/01/14/reforme-de-l-instruction-la-chute-de-l-ancien-regime_302415).
  4. Il s’agit du juge d’instruction d’Épinal, Jean-Michel Lambert, alors âgé de 32 ans, chargé de l’affaire Grégory. Cette affaire, toujours irrésolue, défraie la chronique depuis des années. Qui donc a assassiné le petit Grégory, fils de Christine et Jean-François Villemin, retrouvé noyé dans la Vologne le 16 octobre 1984 ? Les soupçons se portent tour à tour sur Bernard Laroche (tué par le père de Grégory dont il est le cousin germain) puis sur Christine Villemin ; le juge Lambert les fait inculper puis incarcérer sous la pression médiatique. Mais il maîtrise mal la procédure, ce qui provoque l’annulation de nombreuses pièces du dossier. La presse l’éreinte. En février 1993, la Cour d’appel de Dijon innocente Christine Villemin mais mentionne les « charges très sérieuses d’avoir enlevé Grégory Villemin » qui pèsent sur Bernard Laroche, sans affirmer qu’il est le meurtrier. En 1987, le juge Lambert publie Le Petit Juge qui connaît le succès ; il passe à Apostrophes, rencontre Marguerite Duras et Léo Ferré. En 2014, peu après son départ à la retraite, il sort De combien d’injustices suis-je coupable ? où il redit sa conviction que Bernard Laroche n’est pas coupable.
  5. « Car autant les Gaulois sont, pour prendre les armes, enthousiastes et prompts, autant ils manquent, pour supporter les revers, de fermeté et de ressort. » (Guerre des Gaules, Livre III, 19, trad par L.-A. Constant, p. 139 de l’édition Folio). « César (…) redoutant la pusillanimité des Gaulois, car ils changent facilement d’avis, et sont presque toujours séduits par ce qui est nouveau, estima qu’il ne devait se reposer sur eux de rien » (Livre IV, 5, id., p. 150). C’est un des aspects de ce que le célèbre psychologue britannique Hans Eysenck appelait le « neuroticism » des Français, ce qu’Aimé Michel traduisait par « le contraire du flegme » (chronique n° 306, Supposez que je sois Brejnev – Vanité de la politique seule et importance de la supériorité technique, 16.08.2014 ; sur Eysenck voir la note 1 de la chronique n° 113, Des durs, des mous et des psychologues – Les partis politiques de France et d’Angleterre vus par la psychologie statistique, 16.04.2012).
  6. Sur les sondages de cette période, voir la note 6 de la chronique n° 399, Sagesse hexagonale – Ce que les Français attendent des politiques (08.08.2016).
  7. Il s’agit bien sûr d’une allusion aux régimes communistes.
  8. Les soupçons de corruption pesant sur le personnel politique ont atteint des niveaux préoccupants. Un sondage Ipsos-Le Monde mené en janvier 2014 révèle que pour 65% des Français la plupart des responsables politiques sont corrompus et pour 85% qu’ils agissent principalement pour leurs intérêts personnels. Ils sont 78% à penser que le système démocratique fonctionne mal (en hausse de 6 points), un jugement que partagent 84% des moins de 35 ans (en hausse de 12 points) (http://www.franceinter.fr/sites/default/filles/2014/01/20/821768/fichiers/Barom%C3%A8tre nouvelles fractures_2014 vDEF.pdf). Ces soupçons sont confirmés de manière plus large, c’est-à-dire tous secteurs confondus, par le rapport de l’ONG allemande Transparency International de janvier 2016 (http://www.transparency.org/cpi2015; voir aussi http://www.lemonde.fr/international/article/2014/12/03/corruption-vertu-le-20e-rapport-de-transparency-international_4533141_3210.html). Les pays les plus vertueux (Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Norvège, Suisse, Singapour, Canada, Allemagne, Luxembourg, Royaume-Uni) obtiennent des notes supérieures à 80 tandis que la France avec un score de 70 (contre 69 en 2014 et 71 en 2013) figure au 23e rang mondial. Les deux tiers des 168 pays examinés ont une note inférieure à 50 ; y figurent tous les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), avec une forte baisse du Brésil (baisse de 5 points suite au scandale Petrobras) ; la Russie étant le moins bien classé des cinq (119e). Ces notes sont fondées sur l’avis d’experts internationaux (Banque Mondiale, Banque africaine de développement, Fondation Bertelsmann, etc.). S’il est légitime de s’interroger sur la valeur de ces avis et comparaisons, il n’en faut pas moins reconnaître que d’autres organisations internationales gouvernementales (OCDE, Conseil de l’Europe) et non gouvernementales (Anticor, Sherpa) émettent le même son de cloche. Selon un rapport du Conseil de l’Europe de 2014, le dispositif anti-corruption français est insuffisant, notamment sur quatre points : le manque de volonté politique de lutter contre la corruption internationale, la corruption liée aux marchés publics, le financement opaque des campagnes électorales, la dépendance des procureurs à l’égard du pouvoir politique (http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-we-do/policies/organized-crime-and-human-trafficking/corruption/anti-corruption-report/docs/2014_acr_france_chapter_fr.pdf). Pour améliorer la situation il faudrait consentir plus de moyens pour découvrir les corruptions. Pourtant les colossales pénalités pour corruption versées par Total et Alstom aux autorités américaines (un milliard d’euros au total, soit le tiers du budget annuel des juges et tribunaux) y auraient pourvu. Ces deux entreprises, qui rejoignent Technip et Alcatel-Lucent dans la liste des responsables des dix plus grosses affaires de corruption connues, ont reconnu avoir versé des pots-de-vin pour remporter des contrats, à hauteur de 60 millions de dollars pour Total en Iran et de 75 millions de dollars pour Alstom en Indonésie, en Égypte, en Arabie saoudite, aux Bahamas et à Taïwan (voir les commentaires du philosophe et journaliste Roger Lenglet sur http://www.atlantico.fr/decryptage/total-paye-400-millions-dollars-amende-pour-corruption-cas-isole-ou-symbole-mal-francais-plus-profond-roger-lenglet-744237.html). En attendant que les responsables politiques se décident à faire le nécessaire, il faudra subir la double peine de la perte économique et de l’humiliation (le 6 avril 2015 le New York Times titrait non sans ironie « La France nous laisse prendre la tête de la lutte contre la corruption », http://www.nytimes.com/2015/04/07/world/europe/France-lets-us-lead-in-corruption-fight.html). Comme le rappelait Aimé Michel en citant les propos de son ami le Pr Ellenberger, « le crime le plus atroce est (…) le crime en col blanc, celui qui s’exerce dans le cadre de la loi. C’est lui qui est responsable des préjudices les plus graves, et c’est lui le plus répandu ». (Chronique n° 205, Sociologie du crime – La violence s’est-elle aggravée ? 07.11.2011)
  9. Sermon sur la montagne, Matthieu, 5, 8.