LA 3e SESSION DE VATICAN II : Collégialité et primauté - France Catholique

LA 3e SESSION DE VATICAN II : Collégialité et primauté

LA 3e SESSION DE VATICAN II : Collégialité et primauté

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La sauvegarde, comme d’une réalité toujours vivante, de la Parole de Dieu dans son authenticité, est la fonction fondamentale du collège épiscopal comme successeur du Collège apostolique. Cette succession ne signifie nullement que les évêques pourraient jamais prêcher un autre évangile que celui qui a été annoncé par les apôtres. Elle signifie au contraire qu’ils seront à jamais préservés par l’Esprit Saint de tomber dans une telle impiété, quelles que soient les fautes qu’ils puissent commettre, comme des humains qui sont tous individuellement des hommes faillibles1.

Cependant, le collège épiscopal, tout comme le collège apostolique avant lui, de par la volonté du Chef de l’Eglise, Jésus, est une société toute particulière. Devant s’étendre à toute la Terre par l’effort de la charité apostolique, tout en demeurant dans l’unité évangélique, il est pourvu d’un principe visible d’unité, en la personne de l’apôtre Pierre et de ses successeurs sur le Siège romain. Pierre, cependant, et le Pape après lui, demeure un membre du collège, et c’est en étant en lui, et non au-dessus de lui comme en dehors de lui, qu’il y exerce sa fonction. Comme saint Grégoire le Grand l’a exprimé d’une manière admirable, l’autorité du Souverain Pontife n’existe pas pour diminuer ou contrarier l’autorité de chaque évêque ou de tous les évêques, mais pour la défendre et la soutenir.

En conséquence, ce fut le grand privilège de l’Eglise primitive de ne jamais voir d’opposition réelle entre l’autorité du collège épiscopal, dont le Pape est le membre le plus éminent, et l’autorité propre dont jouit ce membre, dans et pour le collège lui-même.

Ce fut l’erreur fatale des conciles médiévaux, poussés par les princes et entraînés par les circonstances dramatiques du grand schisme d’Occident, que de tendre à opposer l’autorité des évêques, soit individuellement soit en concile, à l’autorité du Pape. Et ce fut la tentation inévitable des théologiens curialistes, maintes fois, de s’opposer à cette erreur comme si l’autorité du Pape, effectivement, avait dû être revendiquée non pas simplement contre des évêques égarés mais contre l’épiscopat en général.

Cependant, les plus grands défenseurs de l’autorité pontificale ont toujours été ceux qui, comme le cardinal Nicolas de Cuse au XV° siècle, ont su maintenir que le Pape, avec son autorité propre, et le collège épiscopal, avec l’autorité individuelle locale de chacun de ses membres et l’autorité collégiale, loin de s’opposer s’impliquaient mutuellement.

Le développement moderne des erreurs des conciles médiévaux, dans le gallicanisme en particulier, rendit nécessaire l’affirmation définie, par un concile œcuménique comme Vatican I, de l’autorité propre au Souverain Pontife. Mais la plénitude de la vérité catholique, ce point étant mis hors de contestation, appelait une affirmation corrélative et une définition harmonieuse de l’autorité épiscopale dans son ensemble. Et tout comme il avait été convenable qu’un concile reconnût précisément l’autorité papale, il appartenait, une fois de plus, dans la ligne ouverte par saint Grégoire, au Pape lui-même de prendre l’initiative de cette réaffirmation, maintenant dégagée de présentations négatives et unilatérales. C’est précisément ce que nous avons vu se produire avec Jean XXIII. Et le Concile qui se poursuit restera sans doute comme le grand événement d’une harmonie recouvrée entre des aspects complémentaires de la vérité catholique, touchant la fonction du collège épiscopal.

Quand on a compris cela, on voit la fausseté des interprétations si communes des débats conciliaires actuels, qui les ramènent aux alternatives fallacieuses dont tout leur objet est précisément de nous faire sortir une bonne fois. Grotesques, en particulier, apparaissent ces commentaires qui reprochent au Pape de ne pas intervenir dans les débats pour assurer un triomphe immédiat à une majorité supposée exclusivement « épiscopale » sur une minorité supposée exclusivement « papale ». Il est évident que tout le problème, pour le Concile, est de réexprimer , dans une entière liberté, sauvegardée précisément et non pas froissée par le pouvoir pontifical, l’harmonie naturelle entre celui-ci et un épiscopat tendant de lui-même à l’unanimité. C’est ce que nous pouvons, à bon droit, attendre des débats qui vont reprendre. S’ils présentent, à cet égard, quelque chose de neuf, c’est avant tout dans l’impossibilité reconnue maintenant d’être « épiscopal » contre la papauté, ou « papal » contre l’épiscopat.

Louis BOUYER

  1. Voir notre article précédent : « L’unanimité conciliaire », dans La France Catholique du 28 Août.