L'obole de la veuve - France Catholique
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L'incroyable histoire des chrétiens du Japon
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L’obole de la veuve

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L'obole de la Veuve et guérison de l'aveugle-né

L'obole de la Veuve et guérison de l'aveugle-né

Fresque de Dionisius à Ferapontov, Russie. CC by-sa : Daniel Mortier

Il court une histoire à propos de la restauration de la statue de la Liberté, au début des années 80. On sollicitait l’argent de donateurs partout dans le pays et une enveloppe est apparue avec deux pièces de 10 cents et le mot d’un jeune garçon qui disait : « C’est l’argent de mon repas de ce jour, mais je l’envoie pour la Statue de la Liberté, je vous en prie, utilisez-le avec discernement. »

Si elle est vraie, cette histoire est une version moderne de l’histoire de « l’obole de la veuve » (Marc 12:41-44, Luc 21:1-4), dans laquelle une pauvre veuve donne pour le trésor du Temple deux « as », la plus petite pièce existant dans le royaume. « Appelant ses disciples autour de lui », nous dit Marc, « Jésus leur dit : en vérité, je vous le dis, cette pauvre veuve a donné au trésor plus que tous les autres contributeurs. Car tous ont donné de leur superflu, mais elle, dans sa pauvreté, a donné tout ce qu’elle avait, ce qui lui était nécessaire pour vivre. »

C’est une charmante histoire, généralement bien connue et fort appréciée. Je m’inquiète parfois de ce nous ne la chérissions que parce que c’est une histoire où les riches semblent se faire étriller et les pauvres (auxquels nous nous identifions même si nous vivons dans le pays le plus riche de la terre) sont loués. « Oui, les pauvres gens comme moi vont aller au ciel et ces crétins riches et arrogants vont finalement voir ce qui va leur tomber dessus. »

Ce n’est peut-être pas la meilleure leçon à tirer de l’histoire, étant donné que nous sommes un peuple riche auquel tant a été donné et dont on devrait donc pouvoir attendre beaucoup. Et qui, si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, contribue avec l’excès de sa richesse et non avec son nécessaire. Alors il serait peut-être préférable pour le moment de mettre de côté cette rancune financière et de considérer deux autres leçons qu’une Église pourrait tirer de l’histoire de la veuve et de celle du jeune garçon ayant envoyé l’argent de son déjeuner avec mention « d’en user sagement ».

La première leçon, il semble que certains évêques auraient besoin de l’apprendre. Cet argent dans le « trésor du Temple », ce n’est pas votre argent. C’est l’argent de la veuve qu’elle a confié à l’Église et à votre intendance. Le devoir que Dieu vous confie est de l’utiliser sagement pour ce qui en vaut la peine. Avant toute dépense, un évêque devrait se demander : faire cet usage de cet argent est-il digne de la pauvreté et de l’amour de la personne qui l’a donné ? La veuve a-t-elle mis ses deux dernières piécettes dans le panier de la quête afin que vous puissiez prendre un vol en première classe pour Rome ? A-t-elle fait ce don pour que vous puissiez offrir des cadeaux coûteux à ceux dont vous briguez les faveurs ?

Il est peu de choses plus détestables que des prélats qui traitent l’argent donné comme s’il était devenu leur propriété afin qu’ils en usent selon leur bon plaisir. Je n’imagine pas que cela soit le bon moment pour mentionner qu’à leur dernière assemblée en novembre, les évêques ont voté pour augmenter de 3% l’impôt sur chaque diocèse du pays afin financer les différentes activités de la Conférence Nationale des évêques US. Je leur fait confiance pour l’utiliser sagement.

Cependant, la seconde leçon est pour chacun de nous et elle est indubitablement plus importante car elle est moins directement « financière ». Quels que soient les dons et les talents dont nous disposons, ils sont suffisants si nous les offrons à Dieu. Tout spécialement dans les temps troublés tels que les nôtres, quand des « mouvements » historiques de grande échelle, dans le monde et dans l’Église, semblent si éloignés de nous, il est tentant de dire : « moi ? Que puis-je faire ? Que puis-je donner ? » Ce que Dieu vous a donné est suffisant.

Rappelez-vous l’histoire de la multiplication des pains et des poissons (Jean 6:1-14). Voyant une foule « d’environ cinq mille personnes », Jésus dit à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour que ces gens aient à manger ? » Philippe répond : « Le salaire d’une demi-année de travail de suffirait pas pour que chacun ait une bouchée. » Un autre des disciples, André, le frère de Simon Pierre, prend la parole : « Il y a ici un jeune garçon avec cinq petits pains d’orge et deux petits poissons. » La suite, comme on dit, est bien connue. Jésus a pris les petits pains et petits poissons et il a nourri toute la foule. Et quand tous eurent mangé à satiété, les restes ont rempli douze paniers.

C’est une autre histoire célèbre, à juste raison. Mais nous ne voulons pas négliger l’importance d’un des personnages secondaires : le jeune garçon. Les cinq pains et deux poissons étaient toute sa nourriture de la journée. Quand les apôtres lui ont demandé : « Pouvons-nous les prendre ? » nous pouvons l’imaginer répondant : « Ces pains et ces poissons ? Sûrement pas ! C’est tout ce que j’ai. Allez donc trouver un richard avec un grand cageot de pain. » Mais il ne l’a pas fait. Il a donné le peu qu’il avait. Ce n’était pas beaucoup, mais c’était assez.

Imaginez que vous êtes lui et que des gens vous interrogent : « C’est vous qui avez donné les cinq pains et les deux poissons qui ont nourri cinq mille personnes ? » Que répondez-vous à cela ? « Euh, en quelque sorte. Ce n’est pas comme si j’avais nourri cinq mille personnes. » « Non, mais si vous n’aviez pas donné les cinq pains et les deux poissons, cela n’aurait pas pu se faire. C’est comme pour Marie. Vous avez fait votre part ; vous avez dit « oui ». Et c’est ce qui fait toute la différence. »

Alors, cher ami, donnez librement vos minables pains et poissons, par altruisme, sans rechercher le profit ou l’avancement, et faites simplement confiance que Dieu peut nourrir des milliers avec les dons qu’Il vous a confiés. C’est l’étrange arithmétique de l’amour : elle multiplie. Le don d’amour désintéressé de deux êtres crée un troisième, puis un autre et un autre, jusqu’à ce qu’il y ait trente cinq petits-enfants. Un petit groupe d’amis peut produire de bons effets qui croissent exponentiellement par eux-mêmes, sans le secours du pouvoir, de la propagande et du contrôle social.

L’Église est vaste, le monde est vaste, avec des milliards de personnes. « Que puis-je faire ? » Donnez vos deux centimes. Donnez vos cinq pains et vos deux poissons. Et ensuite laissez Dieu agir.