L'homme, un visiteur ? - France Catholique

L’homme, un visiteur ?

L’homme, un visiteur ?

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On peut presque toujours prévoir les limites, l’objet et le langage particulier des synodes. Mais un nouveau terme susceptible d’être significatif a émergé lors des derniers jours du Synode de l’Amazonie. Selon certains les participants au synode ont parlé de changement de mentalité : nous ne penserions plus être les seigneurs et maîtres de la nature, mais ne serions que des ”visiteurs” en ce monde.

Tout comme dans ce qui surgit lors des discussions sur l’écologie on trouvera des avis ”pour” et des avis ”contre”. Côté positif — tout-à-fait positif — on notera le rejet de l’idée centenaire qui a pourri dès ses débuts la Révolution Scientifique. René Descartes parlait de nous rendre ”Maîtres et propriétaires de la nature”. Francis Bacon allait encore plus loin, nous suggérant de nous dépasser en rejetant la nature ”pour le bien-être de l’homme”.

Il va sans dire que ces idées brutes ne sont guère conformes aux vues chrétiennes. L’idée erronée que la Bible — et non les premiers pas des ”Lumières” — approuvait une telle suprématie nette depuis plus d’un demi-siècle a eu pour effet de faire croire aux environnementalistes que la Chrétienté est coupable de la dégradation de l’environnement, et qu’il faut donc la rejeter.

Une vision biblique de la nature commence par la Genèse qui nous dit « soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la ; dominez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre. »[Gn, 1-28]

Le mot hébreu ”dominez” est selon les érudits de la Bible chargé d’une grande force, comme un pouvoir royal — d’un bon souverain — sur son royaume. Mais il faut nous rappeler qu’avant l’avènement des techniques modernes la nature n’était pas toujours une mère aimante pour notre race, mais une forte adversaire. À présent certains semblent considérer comme contre nature des événements tels qu’inondations, sécheresses, séismes, raz-de-marée, tornades, phénomènes météo étranges. En vérité, ces phénomènes ont fait partie des événements bien avant notre venue sur terre. Alors, la domination énoncée par la Bible peut bien être vigoureuse, mais elle aura la force du cultivateur qui fera épanouir le désert, travaillera la terre, élèvera des animaux, pour son existence sur terre.

Je n’ai pas la moindre idée sur l’origine du terme ”visiteur” — ”ospite” pour les Italiens. Il semble chargé d’humilité et de déférence envers la nature, ce qui siérait parfaitement. Mais en fait, nous ne sommes pas des visiteurs, nous ne sommes pas comparables à des clients d’hôtel ou à des invités dans une demeure particulière. Notre raison d’être ici-bas — Chrétiens ou Juifs le croyons selon la révélation divine — réside dans le rôle qui nous est échu.

J’ai déjà dit que le synode de l’Amazonie n’a pas tort de poser des questions sur le comportement de l’homme vis-à-vis de la nature car la nature n’est pas cette chose purement matérielle (matière et énergie) telle que nous la présente la communauté technico-scientifique. Il est parfois utile de considérer la nature pour réussir certaines actions. Mais ce genre de science, qui n’englobe pas toute la science, ne peut rien révéler de ce qui est fondamental pour l’homme : liberté intellectuelle, détermination, et pour tout dire, amour.

Alors, quand les participants au synode parlent de passer d’un paradigme technique à un paradigme écologique ils reviennent simplement à une vision biblique.

S’agit-il alors — bonne question ? — de ne pas nous considérer comme quelque intrusion sur terre, comme les plus radicaux environnementalistes semblent croire ? Malheureusement, le Vatican a amplement appuyé sur les chiffres les plus marquants — pas tous, mais beaucoup — concernant nos liens avec la Création. Il est souvent question de contrôle des naissances, contraception, avortement — sujets répandus — plutôt que les idées selon lesquelles nous ne serions pas invités — sinon subis — dans le monde.

Je regrette de dire que certains Catholiques fort bien intentionnés semblent tellement affligés par une sorte de culpabilité (non par leur propre culpabilité) qu’ils ne voient la culture Chrétienne et la civilisation occidentale qui en est issue que comme intoxiquées. Empoisonnées par les contraintes de la Bible, empoisonnées par le colonialisme, le racisme, le sexisme, l’esclavagisme, les génocides — quelles horreurs ! Mais c’est grâce à nos racines Chrétiennes que nous sommes conscients de tant d’événements marquant la culture occidentale ainsi que d’autres cultures, et qui ne sont guère des exemples de bon comportement.

Ces comportements seraient évités si seulement nous nous considérions comme de simples ”visiteurs” sur cette planète. Dieu ne nous a pas dit que c’est notre rôle sur terre. Mais plutôt d’endosser nos responsabilités, nous comportant comme Ses serviteurs.

Il sera intéressant de voir si cette idée d’être des visiteurs prend de l’importance car sous couvert d’humilité elle mettrait en péril les idées sur notre présence sur terre.

Nous ne sommes pas des visiteurs, nous sommes les créatures de Dieu, tout comme les rivières, les forêts, les montagnes et les océans. En fait, nous sommes bien davantage, relevons le défi non de rapetisser, mais de les dominer.

10 octobre 2019

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/10/10/the-human-as-guest/

Jungle équatoriale – Douanier Rousseau, 1909. National Gallery of Art, Washington,DC.