L'amour et le mérite - France Catholique
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L’amour et le mérite

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Lourdes - Chemin de Croix des Espélugues - 5e station : Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix

Lourdes - Chemin de Croix des Espélugues - 5e station : Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix

© Gérard Janot / CC by-sa

« Quiconque aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. » (Matthieu 10:37) Eh bien, qu’est-ce qui est le plus choquant dans cette déclaration ? Que l’homme Jésus, un simple charpentier d’un trou perdu ait demandé que nous L’aimions davantage que même nos plus proches parents? Ou que Jésus, le Fils éternellement engendré de Dieu, insinue que nous pouvons être digne de Lui ?

Les deux interprétations sont choquantes et sont prévues pour l’être. Cependant, la première secoue tellement notre façon de penser que nous pourrions ne pas apprécier suffisamment la seconde. Et c’est la seconde qui donne la clé de ce passage.

Être digne de Lui semble une absurdité. À strictement parler, nous ne pouvons pas être digne de Dieu. Seul Dieu est digne de Dieu. Et pourtant, contrairement à d’autres de Ses déclarations, notre Seigneur n’emploie pas une figure de style. Nous ne devons pas nous arracher les yeux, nous couper les mains ni haïr nos pères et mères (voir Matthieu 5:29-30 ; Luc 14:26). Mais nous devrions être – ou être rendus – dignes du Christ.

C’est la vérité simple et étourdissante à propos de la grâce divine. Par grâce, il nous fait participer à Sa propre vie, nous rendant « participants de la nature divine » (2 Pierre 1:4). Nous décrivons la grâce comme une déification. Son pouvoir et son objectif ne sont pas simplement de nous rendre meilleurs mais de nous diviniser, de nous donner la capacité d’aimer comme Dieu aime et – aussi choquant que cela puisse paraître – d’être digne de Lui. En vérité, c’est le le but et le scandale de l’Incarnation : « le Fils de Dieu est devenu homme afin que nous puissions devenir Dieu » (saint Athanase).

De ce fait, nous trouvons des prières pour obtenir le mérite partout dans notre foi. Saint Paul écrit aux Thessaloniciens « dans ce but, nous prions sans cesse pour vous, afin que notre Dieu vous rende dignes de son appel » (2 Thessaloniciens). Le Rosaire se conclut avec la requête que nous puissions être rendus dignes des promesses du Christ. La collecte [prière d’ouverture] pour la fête du Sacré Cœur demande similairement que nous puissions être rendus dignes d’une mesure débordante de grâce.

Ce n’est ni de la poésie ni une métaphore, mais l’appel pour ce que Dieu Lui-même désire. Sa grâce nous a donné d’avoir part à sa vie ; nous demandons la grâce supplémentaire de vivre de manière à en être digne. Soit Sa grâce possède ce pouvoir, soit nous prions pour une absurdité.

Si nous pensons la foi en termes naturels – comme étant simplement une aide pour vivre en ce monde une vie épanouissante – alors les paroles de Notre Seigneur ne sont pas seulement malencontreuses mais véritablement rebutantes.Mais quand nous comprenons le don de la grâce – qui est qu’Il nous élève pour que nous ayons part à Sa vie – alors Ses paroles apparaissent comme tout-à-fait raisonnables. Ce ne sont pas des commandements extrêmes, mais la conséquence logique de la grâce.

Vivre en accord avec la grâce requiert une réorganisation radicale de nos affections : « quiconque aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi, et quiconque aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ». Si nous voulons aimer comme Dieu aime (ce que la grâce nous rend capable de faire), alors nous devons L’aimer en priorité – par-delà et même parfois contre nos plus importantes affections naturelles.

Tous les autres amours doivent céder le pas à l’amour de Dieu. Si nous plaçons l’affection humaine ou la loyauté plus haut que – ou même égale à – la grâce du Christ, alors nous avons perdu le point de vue surnaturel. Nous avons commencé à considérer le Christ d’un point de vue humain (Voir 2 Corinthiens 5:16).

Bien plus, la vie de grâce requiert le renoncement à soi-même : « quiconque ne prend pas sa croix pour me suivre n’est pas digne de moi. Quiconque veut préserver sa vie la perdra et quiconque perd sa vie à cause de moi la retrouvera. » Cela se résume à ceci : tirons-nous notre force de nous-mêmes ou de Sa grâce ? Trouvons-nous notre mérite en nous-mêmes ou dans Sa grâce ? Prendre sa croix et perdre notre vie signifie transférer sur Lui notre force et notre mérite.

La vie de grâce requiert également d’être réceptif. En vérité, c’est le but du sacrifice de soi chrétien. Le renoncement et le sacrifice de soi n’existent pas pour eux-mêmes. Nous les pratiquons pour créer de l’espace pour Dieu, pour ouvrir à Sa grâce les chemins de notre cœur. Nous nous vidons de notre orgueil et de notre suffisance pour avoir la place de Le recevoir. Sa grâce nous vient gratuitement, mais son efficacité dépend de notre volonté de la recevoir et d’y répondre.

Par conséquent, après avoir parlé de renoncement, notre Seigneur parle de recevoir : « qui vous reçoit me reçoit ». Recevoir signifie accepter un don non selon nos propres critères et exigences mais tel qu’il est donné. « Quiconque reçoit un prophète en qualité de prophète recevra une récompense de prophète. » Avoir nos propres exigences ou attentes envers la grâce de Dieu met obstacle à son œuvre en nous. Nous recevons le Seigneur selon Ses termes, ou nous ne le recevons pas du tout.

La prière de l’Apôtre n’est pas vaine : « que notre Dieu vous rende digne de son appel. » Par Sa grâce, Dieu nous a rendu dignes de Lui, participants de Sa propre nature divine. C’est un grand don. La tâche qui va avec est de reconnaître le don – « Chrétien, reconnaît ta dignité ! » (saint Léon) – et « de mener une vie digne de l’appel » (Ephésiens 4:1).