L’Eucharistie réponse à la parole de Dieu - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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L’Eucharistie réponse à la parole de Dieu

FC 1010 – 8 avril 1966

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Toute messe commence par l’audition, l’écoute de la parole de Dieu. Mais, à cette parole, il faut une réponse, la réponse de la foi qui connaît Dieu en Jésus-Christ, qui le « reconnaît », qui, dans sa reconnaissance se livre tout à lui, à la réalisation de son dessein de nous refaire, tous et chacun, à son image. Cette réponse c’est l’Eucharistie.

L’Eucharistie est d’abord une prière, c’est-à-dire une parole par laquelle l’homme répond à la parole de Dieu, lui donne la réponse que cette parole attendait, sollicitait, et qu’elle a rendu possible en se faisant chair.

La préparation, autour de la table de famille

Quand les juifs, préparés à la révélation définitive de Dieu par sa révélation préparative venue à son terme, se réunissaient autour de la table de famille, le père de famille, d’abord, prenant le pain et le rompant pour le distribuer aux siens, bénissait Dieu. Il lui rendait grâce de ce qu’il donne et ne cesse d’entretenir la vie des siens, par le pain tiré des grains de blé que la terre a produits. Ainsi, tous nourris d’un même pain, dans la reconnaissance du seul Dieu qui donne et entretient la vie, deviendraient comme un seul corps et un seul esprit. C’est à ce moment que Jésus a dit à ses disciples : Prenez, mangez, ceci est mon corps, de telle sorte, comme l’explique saint Paul, que nous tous qui auront participé à ce pain unique, qui est le corps du Christ, nous devenions effectivement un seul corps, le sien, animé de son Esprit, l’Esprit du Père.

Mais ce n’est qu’au terme du repas que la manière dont le dessein de Dieu se réaliserait effectivement serait découvert aux yeux de la foi.
A ce moment, prenant en main la dernière coupe de vin mêlé d’eau pour faire la faire circuler entre les convives, le maître de maison prononçait une action de grâce plus détaillée, où il passait de la vision du Dieu créateur à celle de la rédemption, de sorte que son action de grâce se terminait en supplication, pour que l’œuvre de rachat et de salut entreprise par Dieu vienne à son terme, que son peuple dispersé soit rassemblé, que Jérusalem soit éternellement reconstruite, et que toute la vie du peuple racheté puisse n’y être plus, à jamais, qu’un cantique unanime des frères rassemblés dans la maison du Père et à sa gloire.

Le Christ, lui aussi, a fait passer la coupe

C’est à ce moment que Jésus, ayant fait sienne cette prière, à laquelle il donnait une plénitude de sens définitivement renouvelée, faisant passer la coupe, a dit aux siens : « Buvez, ceci est mon sang, c’est la coupe de la nouvelle alliance, pour la rémission des péchés » autrement dit : la coupe de la réconciliation de tous les hommes avec Dieu leur Père, seul moyen efficace de leur réconciliation mutuelle entre frères qui se reconnaissent enfin.

Par là, Jésus le premier a reconnu l’accomplissement en lui-même de tout le dessein créateur et Sauveur du Père ; il a glorifié le Père parfaitement et définitivement en se livrant lui-même, dans la réponse de l’obéissance parfaite, de la fidélité parfaite, de l’unité parfaite du Fils avec son Père éternel, au dessein sauveur qui voulait que lui, le seul fils fidèle, consentit à mourir pour tout le peuple infidèle, à subir la croix pour que la réconciliation universelle s’y accomplisse dans son corps déchiré, à verser son sang pour que l’humanité y soit lavée de son passé de fautes et de malheurs, et y renaisse à la source de l’amour sauveur.

Le mémorial qui nous est prescrit

Et le Christ, au moment même où il se livrait pour nous faire connaître, non par de simples paroles, mais par l’action la plus parlante, tout l’amour de Dieu qui nous presse, nous a prescrit de refaire ce qu’il avait fait, jusqu’à son retour final dans la gloire. Il nous a prescrit de le refaire comme le mémorial de lui-même : « Faites ceci en mémoire de moi », dit-il. Quel est le sens exact de cette parole ? Elle ne signifie pas seulement que nous devrons penser à lui, nous rappeler ce qu’il a fait pour nous, chaque fois que nous mangerons de ce pain et que nous boirons de cette coupe consacrés par une semblable prière. En mémorial, dans le langage de la Bible, c’est bien autre chose. C’est un gage, c’est un signe donné par Dieu lui-même de son action salvatrice. C’est un gage qu’il en donne aux hommes auxquels s’adresse sa parole, pour qu’eux-mêmes puissent à l’avenir le lui représenter comme témoignage de sa propre fidélité. Ce n’est pas à nous d’abord que le mémorial rappelle ce que Dieu a fait pour nous, c’est à lui-même.
La Pâque, le repas pascal était déjà un mémorial pour les juifs en ce sens-là. Lorsqu’ils la célébraient, ils se répétaient à eux-mêmes : « C’est nous que le Seigneur, aujourd’hui encore, délivre comme il a délivré nos pères jadis de l’Egypte, c’est de nous qu’il a fait son peuple. » Et à Dieu, ils disaient «  que ce mémorial que tu nous as donné s’élève devant toi, qu’il nous obtienne ta délivrance, qu’il nous obtienne le Messie que tu nous as promis, qu’il nous obtienne le rassemblement des tiens dans ta cité sainte reconstruite. »

Pour que nous puissions implorer le Père

Et pareillement, le fils de Dieu fait homme nous a laissés dans l’eucharistie, dans la grande action de grâce et la grande supplication au Dieu qui nous a créés et qui nous sauve, dans le pain consacré par elle comme la communion à son corps et le vin dans la coupe comme la communion à son sang, le mémorial de sa mort jusqu’à ce qu’il revienne, dans sa gloire finale, dans son règne à la fin des temps. Il nous a laissé, ce mémorial de sa passion salvatrice, pour qu’en y reconnaissant le don de Dieu, en nous y livrant, nous puissions implorer du Père, avec la certitude d’être exaucés, notre réconciliation. En lui présentant le mémorial de son Fils, de sa parole fait chair, nous sommes assurés que le Père enverra son Esprit sur ce sacrifice de son Fils. Il nous y consacrera à notre tour pour l’accomplissement de son dessein d’amour comme il l’y a consacré. « Père », disait Jésus à la Cène de tous les siens qui devaient célébrer son eucharistie jusqu’à la fin des temps, « Père, sanctifie-les dans la vérité comme je me sanctifie moi-même pour eux ».

Dans l’Eucharistie, nous devenons effectivement un avec Jésus, un en Jésus, le Fils unique, le bien-aimé du Père. C’est-à-dire que nous devenons comme les membres de son corps, mort pour nos péchés et ressuscité pour notre justification, en nous offrant, avec lui, en lui, par lui à l’accomplissement du dessein du Père de nous faire entrer dans une alliance éternelle avec lui, par notre union et à la mort et à la résurrection de son Fils. Et, du même coup, nous recevons en nous, dans cette union à la croix qui nous a révélé tout l’amour du Père, l’Esprit qui atteste que désormais nous sommes nous aussi enfants de Dieu, nous portons son nom gravé au fond de notre cœur, pour que ce Nom rayonne de tout le témoignage de notre vie nouvelle.

En tout ce qui nous arrive…

Cette vie nouvelle, qui sera le fruit sans cesse renouvelé d’une conversion, d’un retournement décisif, ce sera une vie elle-même eucharistique. C’est-à-dire que ce sera une vie, d’abord, qui reconnaîtra en tout être, en toutes choses, la création de Dieu, par laquelle son amour s’étend jusqu’à nous. Et ce sera encore une vie qui reconnaîtra en tout ce qui nous arrive, en toute circonstance où Dieu nous place cet amour cherchant à nous ressaisir, à nous conformer à l’image parfaite du Père que le Fils unique, Jésus, seul, a parfaitement reproduit dans sa vie et dans sa mort.

Et du même coup, parce que ce sera une vie « reconnaissante » en ce sens là, une vie livrée joyeusement à l’immense amour paternel qui se découvrira à elle, qui lui rend tout son sens, ce sera une vie filiale dans le mesure où ce sera une vie redevenue fraternelle. C’est-à-dire que ce sera une vie où, en tout être, en toute chose, nous reconnaîtrons une créature de Dieu à aimer comme Dieu l’aime. Nous ferons donc de toutes nos actions, et des plus profanes comme des plus sacrées, un témoignage à cet amour de Dieu en travaillant de toutes nos forces à y consacrer le monde, en incarnant la charité divine dans toutes nos actions, comme le Christ nous a montré à le faire et nous a rendus capables de le faire. Ainsi l’Eucharistie où nous participons chaque dimanche, peu à peu, en nous et par notre action dans le monde, continuera l’Eglise, comme la communion des enfants de Dieu rassemblés.

Louis BOUYER