John Henry Newman - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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John Henry Newman

Le Pape béatifiera le cardinal Newman le 19 septembre 2010 à Coventry, au cours de son voyage en Angleterre.
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La conversion de Newman (né à Londres le 21 février 1801) au catholicisme est décrite en quelques pages admirables par Paul Thureau-Dangin dans un ouvrage qui rassemble ses conférences à l’Institut catholique au début du XXe siècle1. Après avoir décrit la situation des catholiques anglais au début du XIXe siècle, soit 160 000 fidèles avec 400 prêtres sur une population de 9 millions d’habitants (Angleterre et Pays de Galles), il indique qu’un siècle plus tard ils étaient un million et demi de fidèles avec 3 000 prêtres sur 32 millions et demi d’habitants.

C’est au milieu de ce siècle, en 1845, que Newman se convertit au catho­licisme et Gladstone (1809-1898), ancien pasteur devenu le chef des libéraux, a pu affirmer que l’année 1845 a marqué la plus grande victoire que l’Église de Rome ait remportée en Angleterre depuis la Réforme 2. Sur le moment environ trois cents personnes suivirent son exemple, mais cet ancien vicar de l’église d’Oxford changeait l’idée qu’on se faisait de l’Église catholique romaine 3

en Angleterre. Écrivain de premier ordre il écrivit les plus belles pages de la prose anglaise au XIXe, tantôt dialecticien irrésistible, implacable ironiste, tantôt trouvant des accents d’une exquise suavité et d’un pathétique pénétran 4. Ce n’est pas seulement le génie qui expliquait son rayonnement mais son admirable piété. On l’a comparé à Vladimir Soloviev, le grand philosophe russe (1853-1900) lui aussi devenu catholique, mais nul ne songe à le béatifier comme le sera Newman en septembre 2010 par le pape Benoît XVI.

Devenu catholique, Newman fut reçu avec courtoisie par les uns, avec soupçon par les autres et il en souffrit beaucoup. Entré à l’Oratoire après sa conversion, il avait beaucoup de dévotion pour le fondateur, Philippe Néri (1515-1595), dont la simplicité, l’humour et la loyauté le charmaient. Il chérissait son cher Philippe qui assurait qu’il n’était pas difficile d’être un saint mais qu’il était plus ardu de le rester.
Une campagne, en partie secrète, chercha à le déconsidérer auprès de Pie IX, à l’initiative notamment de William George Ward, éditeur de The Dublin Review, d’un des secrétaires du pape, George Talbot, et surtout de Henry Manning (1807-1892), ancien membre important de l’Église anglicane, successeur de Newman comme prédicateur à Oxford. Manning se convertit au catholicisme en 1851, fut ordonné prêtre en 1854 et devint cardinal en 1875. On reprochait à Newman de ne pas être vraiment catholique et, plus ou moins consciemment, de ruiner subtilement la foi catholique. Newman, en effet, s’était prononcé pour l’infaillibilité du pape, mais dans des conditions très précises qui seront d’ailleurs celles qu’adoptera le concile Vatican II. Manning, au contraire, en était un fervent partisan et se montrait indulgent pour des positions parfois extrêmes. Cependant Pie IX, dont Manning était proche, fit savoir à Newman, en 1867, qu’il n’avait aucun doute sur son orthodoxie, mais il faudra attendre son élévation au cardinalat par Léon XIII en 1879, pour que le converti d’Oxford devienne inattaquable. Apprenant cette nomination Newman s’écria : « Le nuage est ôté d’au-dessus de moi pour toujours ». Lorsque Manning apprit la mort de Newman (1890), il reconnut qu’on perdait le plus grand témoin de la foi.

Newman a laissé des papiers qu’il se proposait de publier dans un recueil intitulé L’année de dévotion que l’on édita à titre posthume, en 1893, trois ans après sa mort et dont les éditions Ad Solem nous donnent une excellente traduction sous le titre de Méditations sur la doctrine chrétienne (2000) avec une introduction de Grégory Solari. Il s’agit d’une sorte de testament spirituel d’une rare qualité qui témoigne de la sainteté du futur béatifié. L’humilité de ces pages se mêle à un amour ardent pour le Christ exprimé avec une merveilleuse ferveur. Le mystère de la vie spirituelle vécue dans un monde sécularisé et le plus souvent idolâtre, inspire à Newman, dans son style admirable, des pensées pleines de lucidité et de gratitude en ce qui le concerne personnellement. Il décrit l’horreur du péché, l’esclavage qu’il entraîne et exalte la sainteté de Dieu dont le Fils unique est venu et s’est fait proche, familier, longanime et lumière cachée que la foi rend comme visible :

« Ô mon Dieu, toi et toi seul es toute sagesse et toute science ! Tu sais, tu as déterminé tout ce qui nous arrivera du début à la fin. Tu as ordonné les choses de la manière la plus sage, et tu sais ce qu’il m’adviendra année après année jusqu’au jour de ma mort. Tu sais combien de temps j’ai à vivre. Tu sais comment je mourrai. Tu as tout établi avec précision, hormis le péché. Chaque événement de ma vie est le meilleur qui puisse m’arriver, car il a été voulu par toi. Ta merveilleuse Providence me conduit, année après année, de la jeunesse à la vieillesse, avec la plus parfaite sagesse et le plus parfait amour. »5
En examinant sa longue vie il discernait la merveilleuse tendresse de son Sauveur. Le héraut de la conscience6. défendait le droit de celle-ci mais demandait qu’on pense aussi aux devoirs qu’elle implique et, très pénétré de son indignité, il a voulu croire à l’Amour : « Mon Dieu, tu sais infiniment mieux que moi combien peu je t’aime. Et je ne t’aimerais pas du tout, si ta grâce ne me faisait pas violence. C’est ta grâce qui a ouvert les yeux de mon esprit et qui m’a permis de voir ta gloire. C’est ta grâce qui a touché mon cœur, et qui a soufflé sur lui un air si merveilleusement beau et bon. »

Maintenant Newman contemple pour toujours cette beauté et cette bonté parce que nous le verrons tel qu’Il est (1jn3, 2).

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  1. Paul Thureau-Dangin, Histoire de la Renaissance catholique en Angleterre au XIXe siècle, 1911.
  2. Op.cit. p.85.
  3. Newman dans son Apologie préfère parler de l’Église catholique sans l’adjectif « romaine ».
  4. Ibidem p. 55.
  5. Op.cit. (1) p. 105.
  6. Voir sa Lettre au duc de Norfolk, (1875) chapitre V