Jean-Pierre Le Goff - France Catholique

Jean-Pierre Le Goff

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Cher Jean-Pierre le Goff permettez moi de vous dire que c’est une chance de vous avoir ce matin, avec nous à Radio Notre Dame, comme plus généralement, c’est une chance de vous avoir comme sociologue aujourd’hui. C’est à dire comme interprète des phénomènes profonds du corps social. La sociologie est une discipline apparue au XIXe siècle au sein de l’immense mouvement d’interrogation sur le monde nouveau, nés de la Révolution française, de la révolution industrielle, et plus généralement d’un bouleversement qui affectait la société à un point tel que celle-ci était devenue une énigme très large en elle-même.

Les gens qui participent à une telle investigation appartiennent à toutes les familles spirituelles de la droite légitimiste, à la gauche extrême, en passant par le courant libéral. J’ajoute que l’interrogation sociologique parvient à un caractère si aigu, si absolu, si obsessionnel qu’elle aboutit avec Saint-Simon et plus encore avec Auguste Comte à une religion sociologique, à une véritable sociolâtrie où le corps social ayant rompu avec toute transcendance, devient lui-même objet de culte. Que dis-je? C’est le corps social qui va se déifier lui-même. C’est dire la place centrale de la sociologie. En dépit de la concurrence que vont lui faire d’autres sciences humaines, en voie de création, telle que la psychanalyse dont d’ailleurs la sociologie s’enrichira éventuellement.

Pardonnez moi d’avoir tardé à parler de votre originalité propre, Jean-Pierre Le Goff, mais il fallait un peu dessiner le décor de fond, qui n’est d’ailleurs pas un décor mais une sorte de matrice où ne cesse de s’engendrer la sociologie contemporaine. Le premier livre que j’ai lu de vous concernait mai 68, que vous qualifiez d’ « héritage impossible ». Je fus plus que séduit, convaincu. Enfin quelqu’un prenait à bras le corps des phénomènes qui avaient affecté en profondeur une génération, la nôtre, pour ne rien cacher de ce qu’elle fut : fondamentale car elle abordait les ressorts de notre existence sociale et personnelle, mais aussi infiniment douloureuse, parce qu’elle avait mis ses héritiers dans l’incapacité de résoudre les problèmes qu’elle avait mis en évidence.

Depuis lors, vous avez continué dans la même direction, vous intéressant toujours par priorité à ce qui fait mal dans le corps social, ce que vous appelez par exemple la barbarie douce, celle qui s’attaque au tissu de nos entreprises et à cette institution ultra-sensible qu’est l’école. Je recommande notamment vos études sur la souffrance au travail, qui ont pris une dimension nouvelle avec l’affaire de France-Télécom orchestrée par tous les médias. Le regard que vous proposez sur tous ces phénomènes, qui vont d’ailleurs jusqu’à la politique, la prise en compte la plus générale de la cité, oblige à réexaminer les fondements même de votre discipline. La sociologie n’est pas indemne d’une crise qui est à la fois épistémologique et anthropologique. Vous refusez l’enfermement positiviste et scientiste. Vous proposez de revenir à la culture la plus humanisante, celle de l’histoire – en danger on le sait ces jours-ci -, de la littérature, de la philosophie, et je sais que vous n’êtes pas hostile du tout à la théologie. Car, comme De Gaulle vous êtes prêt à soutenir que la seule querelle qui vaille est celle de l’homme, d’un homme qu’il est impossible de clôturer dans je ne sais quelle limite scientiste.

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