Jean Chrysostome, L’Eucharistie école de vie - France Catholique
Edit Template
Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
Edit Template

Jean Chrysostome, L’Eucharistie école de vie

Copier le lien
johnchrysostom.jpg

Saint Jean Chrysostome, moine, diacre à Antioche, devenu patriarche de Constantinople, est connu comme un des grands témoins, à l’époque patristique, de la doctrine eucharistique de l’Église. À côté de saint Ambroise de Milan, il figure parmi les premiers à avoir formulé explicitement le changement substantiel, la conversion réelle, qui s’opère au moment de la prière eu­charistique dans les éléments du pain et du vin : « Le prêtre ne fait que remplir un rôle et offrir des prières, mais c’est la grâce et la puissance de Dieu qui produisent tout. « Ceci est mon corps », dit-il ; cette parole transforme les éléments présents » (Sur la trahison de Judas 2,6, collection Pères dans la foi, p. 117), « aujourd’hui encore, c’est le Seigneur qui œuvre et livre tout, comme c’était alors le cas [à la Cène] » (Sur la première aux Corinthiens 27,14, collection « Les Pères dans la foi », p. 171).

L’intérêt de l’ouvrage que nous offre aujourd’hui la collection « Les Pères dans la foi » est de mettre sous nos yeux des textes de Jean Chry­sostome prononcés dans des contextes divers, et illustrant ainsi la richesse et la variété de l’enseignement du grand docteur sur un sujet qu’il affectionne particulièrement.

Pour décrire la grandeur de la rencontre eucharistique, où le fidèle est saisi par le feu du ciel, il ne tarit pas de descriptions enthousiastes. « La table mystique est complètement préparée, l’Agneau de Dieu est immolé pour toi, le prêtre lutte pour toi, le feu spirituel jaillit de la table immaculée, les chérubins sont présents ; avec le prêtre toutes les puissances incorporelles intercèdent pour toi, le feu spirituel est descendu d’en haut, le sang s’est épanché du côté immaculé… » Il poursuit, en s’adressant aux fidèles réunis : « en vous approchant, ne croyez pas recevoir le corps divin comme venant d’un homme, mais comme venant des séraphins eux-mêmes, avec une pince de feu, comme dans la vision d’Isaïe, croyez bien recevoir le corps divin. Et comme si nous appliquions les lèvres au côté divin immaculé, recevons ainsi le sang salvifique » (Sur la pénitence 9, collection « Les Pères dans la Foi », p. 91-92).

L’auteur de ce recueil, Jacky Mar­saux, n’a pas hésité à remonter jus­qu’au texte de la Liturgie dite de saint Jean Chrysostome, dont on sait que, au­jourd’hui encore, elle fournit la prière eucharistique la plus souvent utilisée dans les liturgies de rite byzantin. Malgré l’opinion contraire, qui a longtemps prévalu, Jacky Marsaux pense, avec Mgr Georges Wagner, que la forme la plus ancienne de cette prière pourrait bien remonter à Jean Chrysostome lui-même qui aurait adapté, une fois devenu archevêque de Constantinople, une ancienne anaphore syrienne (celle dite des Douze Apôtres). Du coup, en mettant en regard les deux textes, on suit les inflexions que Jean a introduites par rapport à son modèle, témoins de la maturation de sa pensée eucharistique.

C’est ainsi que, juste avant les pa­roles d’institution, Jean écrit la nuit où il se livra, au lieu de la nuit où il fut livré qui figurait dans la Liturgie des Douze Apôtres, marquant mieux l’initiative et la volonté sacrificielle de Jésus. Un peu plus loin, dans l’épiclèse, il est demandé à l’Esprit Saint de changer le pain pour en faire le Corps de Jésus, là où l’anaphore syrienne se contentait de demander à l’Esprit de manifester que ce pain est le corps saint de Notre Seigneur Jésus-Christ. La nuance est de taille !

N’attendons pas non plus des textes réunis dans cet ouvrage les précisions que la théologie médiévale a cherché à fournir à propos du mystère eucharistique : le pain et le vin sont, pour Jean, devenus le vrai corps et le vrai sang du Christ, mais, pour dire la transformation, il risque une formule peu claire où il est question de permanence de la substance (du pain ?) (Sur la pénitence 9, collection « Les Pères dans la Foi », p. 91). De même, l’unicité du sacrifice qui à la messe perpétue celui de la Croix ne fait pour lui aucun doute, mais les explications contenues dans le commentaire du ch. 9 de l’Épître aux Hébreux sont passablement embrouillées. Il est vrai que le texte qui nous est parvenu n’est sans doute pas exempt de déformations (voir « Les Pères dans la Foi » p. 189 et suivantes).

Mais Jean « Bouche d’Or » est avant tout un pasteur et un spirituel et c’est à ce titre que, inlassablement, il essaie d’éduquer ses fidèles pour qu’ils profitent dignement de l’eucharistie. La menace de la communion sacrilège, source de mort spirituelle, n’est pas pour lui un vain mot. Elle est partout présente dans ses exhortations. Pour lui, le respect, l’attention, la contrition et jusqu’à une certaine crainte sont les conditions requises pour recevoir le Corps adorable du Sauveur. La vie du chrétien qui communie doit en être transformée, tant au point de vue individuel (sobriété, détachement) qu’au point de vue social (partage avec les pauvres).

L’approche n’est pas seulement ascé­tique, elle est bien plus encore mys­tique et le thème nuptial court tout au long de ces textes prenants qui peuvent renouveler notre contact avec la sainte Eucharistie : « Vous avez vu comment le Christ s’est uni à son épouse ? Vous avez vu de quel aliment il nous nourrit tous ? » (Catéchèse aux néophytes 19, collection « Les Pères dans la foi », p. 82).

— 

Jean Chrysostome, L’Eucharistie école de vie, « Les Pères dans la foi », n° 99, éd. J.-P. Migne, diffusion Pollen, 226 p.