Intercommunion ? - France Catholique

Intercommunion ?

Intercommunion ?

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Un quotidien parisien, ces jours-ci, nous apprenait, sous la plume de son chroniqueur religieux, qu’on veut croire imprécise, la fermeture d’une chapelle, sur l’intervention de l’autorité épiscopale, parce que, nous disait-on, on y célébrait la messe suivant le missel romain…

Dans une atmosphère d’incertitude

En regard de cela, ce n’est pas quelque « on dit », mais la télévision nationale qui a permis à tous les Français de voir les prêtres d’Echange et Dialogue concélébrer avec leurs dames.

Il est difficile, dans ces conditions, d’être surpris d’une inquiétude, voire de réactions passionnées d’indignation, qui commencent à lever, comme une vague de fond, parmi les fidèles. J’en sais quelque chose, moi qui, pour avoir défendu le missel romain nouvellement réformé, ai reçu du coup environ cent cinquante lettres qui, toutes, à part deux exceptions, m’accusent sans ambages de trahir la foi !…

Dans une telle atmosphère d’incertitude, créée et entretenue par certains, il est à redouter que ces réactions deviennent bientôt un raz de marée, à qui personne ne pourra plus tenir tête.

Que dire alors quand nous voyons des messes de groupes qui, trop souvent, sont des messes (?) où l’on célèbre (?) une eucharistie (?) dans laquelle, non seulement la liturgie de l’Eglise catholique est délibérément ignorée, mais la distinction entre prêtres et laïcs, nous dit-on publiquement, l’est plus encore ?

Franc-parler

L’annonce que l’Eglise réformée de France, dans son dernier Synode, demande officiellement à l’Eglise catholique l’étude de l’acceptation non moins officielle de célébrations communes, disons-le franchement, pouvait difficilement tomber à un moment plus malencontreux.
D’un côté, en effet, toute résistance de l’autorité catholique, dans le climat présent, risque d’apparaître comme un camouflet infligé au désir de l’unité. De l’autre, son acceptation, si mitigée qu’elle puisse être, dans ces mêmes conditions, sera inévitablement interprétée comme impliquant, de la part de l’Eglise catholique, la reconnaissance de ce que ni la croyance en la présence réelle, ni moins encore celle en un caractère sacrificiel de l’eucharistie, ni, surtout, un ministère validement ordonné par des évêques successeurs des apôtres établis par le Christ lui-même, ne sont essentiels à l’eucharistie.

Le plus grave peut-être, nul ne l’ignore, est que ce que l’on suggère, en fait, depuis deux ans, se pratique couramment par l’accord de quelques prêtres et de quelques pasteurs. Si la hiérarchie, maintenant, ne réagit pas, on dira qu’elle a, per conniventiam, accepté la suggestion et tout ce qu’elle suppose. Si elle veut réagir, elle doit s’attendre à être traînée dans la boue immédiatement par certains, accusée de reculer peureusement devant une opinion réactionnaire, etc.

Une proposition qui peut sembler logique

Qu’en est-il donc exactement ? Il faut d’abord souligner que, du point de vue de ceux qui l’ont formulée, la proposition peut sembler logique. Mais, précisément, de la part de l’Eglise catholique, l’accepter sans plus serait accepter que l’Eglise catholique, comme telle, n’a plus rien qui lui soit propre à apporter à l’œcuménisme : pour être plus précis, qu’elle laisse aux orthodoxes seuls, et à quelques anglicans, la croyance, voire la réalité, de la succession apostolique dans l’épiscopat et les ministères qui en découlent : aux mêmes, l’eucharistie sacrificielle ; aux mêmes encore et aux luthériens la foi à la présence réelle…

Pour des gens qui ne croient à rien de tout cela, mais qui tolèrent ces croyances chez les autres comme des faiblesses regrettables, mais excusables, à condition que ceux qui les gardent renoncent eux-mêmes à être logiques avec elles, il est logique, en effet, de dire aux autres : « Communiez avec nous, alors il sera clair que rien ne nous sépare plus de vous, sinon des préjugés que nous vous pardonnons parce que vous êtes visiblement en train de les perdre ! »

Mais, dans ces conditions, que signifiera l’unité recouvrée en apparence ? Simplement que les catholiques qui l’ont acceptée dans ces conditions ne savent plus eux-mêmes reconnaître les dons que Dieu leur avait faits, à plus forte raison sont devenus incapables de les transmettre.

Le menace d’une égalisation dans l’indifférence

Et, sur une base si décevante, que pourra donc être l’union réalisée ou en cours de réalisation ? L’histoire est là pour nous le démonter abondamment. Toutes les fois que des Eglises en sont venues à pratiquer l’intercommunion sans un accord sur le contenu de la communion eucharistique, elles en sont venues de fait à une simple égalisation dans l’indifférence à l’égard de l’eucharistie elle-même. Une telle intercommunion ne cimente pas le lien entre les Eglises, mais vide seulement l’eucharistie de tout ce qui peut en faire un principe vivant d’unité. La preuve en est que jamais, à ma connaissance, une intercommunion réalisée entre des Eglises qui remettaient à plus tard de s’unir dans la foi, la pratique sacramentelle, la reconnaissance d’un ministère commun ne les a aidées à y parvenir.

Toujours, au contraire, elle leur a simplement formé une bonne conscience, au mieux pour en rester à leurs divisions antérieures, au pire pour tomber ensemble dans un commun indifférentisme.

Louis BOUYER