Imbroglio moyen-oriental - France Catholique

Imbroglio moyen-oriental

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Le directeur de l’AED (Aide à l’Église en Détresse) en France, à l’écoute des communautés, avec son expérience du terrain, sa proximité des chrétiens lointains, intéressé par la géopolitique, les enjeux, les stratégies, avec le recul de la longue nuit de l’Église du silence au-delà du rideau de fer, livre la synthèse de ses analyses sur les crises du Moyen-Orient.

Deux raisons majeures d’actualité immédiate imposent sa lecture. D’abord, devant la vague de réfugiés de Syrie, il nous importe de savoir s’ils pourront retourner sur place et à quelles conditions ou s’ils sont condamnés à faire souche en Europe. Ensuite, alors que la disparition des chrétiens d’Irak et d’une partie de la Syrie est imminente, après la Palestine et la Turquie, nous savons déjà ce que veut dire vivre comme chrétiens dans un Occident coupé de ses sources chrétiennes et confronté chez lui à l’islam.

Dans l’Orient compliqué, Marc Fromager estime à juste titre que nous ne pouvons nous diriger qu’avec quelques idées simples que l’on peut résumer essentiellement à deux : l’islamisme ne se divise pas ; le retour à la paix en Syrie est le seul préalable.

Les observateurs ont tendance à distinguer à l’infini entre les multiples groupes islamistes, le morcellement des ethnies et des hérésies au sein de la Communauté des croyants (l’Oumma). On avait disserté sur l’opposition des Frères musulmans et des salafistes, les uns, disait-on, soutenus par l’Arabie saoudite, les autres par le Qatar. Aujourd’hui on nous annonce que le Front Al-Nosra, branche d’Al Qaeda, serait opposé à l’État Islamique (Daesch). Il faudrait bombarder le second mais sanctuariser le premier. Sornettes, dit Marc Fromager. Tous ces groupes sont des variantes d’une seule version de l’islam radical : le wahhabisme vécu et pratiqué en Arabie saoudite et au Qatar. Alors bien sûr le Moyen Orient est plus que jamais partagé entre sunnites et chiites, mais ce n’est qu’une rivalité entre Riyad et Téhéran pour l’hégémonie sur le radicalisme musulman.

S’il est inutile de s’embarquer dans de subtils distinguos, c’est qu’il n’y a qu’un seul impératif pour les chrétiens et la communauté des nations : le rétablissement de la paix en Syrie à partir de laquelle la reconstruction pourra commencer, les huit millions de déplacés et les quatre millions de réfugiés pourront rentrer chez eux, et un règlement politique s’engager… et non l’inverse. Pour Marc Fromager, il est exclu que l’on commence par exclure ou « neutraliser » Assad. Il faut d’abord restaurer l’autorité de l’État en Syrie, au moins la partie utile à l’Ouest, avant de pourvoir à une transition de régime. Puisque le chaos est la stratégie de l’islamisme, la paix doit être la stratégie de la coalition anti-islamique. CQFD.

Les États-Unis avec Obama ne veulent pas intervenir car le centre de leur monde n’est plus au Moyen-Orient mais dans l’Asie-Pacifique. Leur immigration vient d’Amérique latine. Il leur suffit de se reposer sur un trépied Israël-Turquie-Égypte et à terme Iran, dans le rêve d’Obama, qui pourrait ou non se transmettre à son successeur. La France, fidèle à ses principes et constante dans sa vieille politique arabe sunnite « modérée », poursuit une double exclusion : ni Assad ni Daesch, laquelle n’est plus crédible pour personne. Comme Paris a commencé à bombarder un peu des deux, sa politique est devenue illisible.

Poutine, lui, a choisi. Il n’avait aucun mal puisque Damas a toujours été la place forte de Moscou dans la région. Son intervention aura pour effet de rééquilibrer les forces en présence, à charge pour les perdants, en gros les sunnites, de recevoir en compensation quelques gages sauf à ce qu’ils courent s’enrôler sous le drapeau noir comme dans le nord irakien. Mais il y a loin de la bourgeoisie sunnite du Levant aux clans sunnites bédouins du désert. Arrêtons-nous là dans les prévisions car nous sommes pris à refaire des distinctions qui sans doute ne sont pas plus pertinentes que d’autres.