Il y a un temps pour toute chose - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Il y a un temps pour toute chose

Traduit par Bernadette Cosyn

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Les choses pour lesquelles nous pourrions prier sont bien plus nombreuses que celles pour lesquelles nous prions effectivement. Quelle en est la raison ?

Voici un exemple de ce que je veux dire. J’ai connu un saint prêtre qui, quand un pape mourait, demandait aux gens de commencer à prier, là, tout de suite, pour demander des bénédictions pour le pape suivant. « Dieu sait de qui il s’agit » disait-il. « C’est un homme d’Église vivant bien défini. Nous pouvons commencer à prier pour lui maintenant, tout comme nous priions pour le pape précédent quand il était en vie ».

Cela semble juste. Et pourtant nous aurions pu commencer à prier pour ce futur pape avant même que le précédent soit mort, mais nous ne l’avons pas fait. Bien plus, nous pourrions prier pour tous les hommes actuellement en vie qui, Dieu le sait, seront un jour pape, pas uniquement pour celui qui sera le prochain pape. Avant que ce monde passe, il y aura toujours plusieurs hommes dans ce cas.

Par exemple, après la mort de Pie XI, en 1939, il y avait sept futurs papes en vie sur terre, connus de Dieu seul : Eugenio Pacelli (né en 1872), Angelo Roncalli (né en 1881), Giovanni Montini (né en 1897), Albino Luciani (né en 1912), Karol Wojtyla (né en 1920), Joseph Ratzinger (né en 1927) et Jorge Bergoglio (né en 1936). Les gens auraient pu prier de cette façon, et pourtant ils ne l’ont pas fait.

Les personnes à venir sont comme cela en général. Votre fille de dix ans, à supposer que, grâce à Dieu, elle vive jusque l’âge adulte et qu’elle n’ait pas vocation religieuse ni n’échoue à trouver un mari, épousera vraisemblablement quelqu’un qui est déjà en vie maintenant. Qui est cette personne, Dieu seul le sait.

Nous pourrions prier pour cet homme, et peut-être êtes vous porté à le faire, en lisant ces mots. Mais généralement nous ne le faisons pas. Ou si nous le faisons, nous prions pour que notre fille rencontre et épouse quelqu’un de convenable.

Prier pour le passé semble également du même ordre. Si nous pouvons nous fier à la connaissance du futur que Dieu possède pour prier pour quelqu’un dont l’identité est hors de l’entendement humain (l’homme vivant qui sera le prochain pape), alors pourquoi ne pouvons-nous pas nous fier à la connaissance du passé que Dieu possède pour prier pour des événements passés – vu que pour Dieu passé et avenir sont un éternel présent ?

Votre fils de vingt ans qui ne pratiquait plus et qui est mort l’an passé dans un accident de voiture : pouvez-vous prier maintenant pour que lui ait été donnée la grâce de se tourner vers Dieu dans ses derniers instants ? Ce n’est pas prier pour que son âme au purgatoire soit transférée au ciel, mais prier pour le don d’une grâce dans le passé. Il semble que vous le pouviez, et peut-être que vous le devriez.

Nous avons l’exemple des saints. Dans un article précédent, je signalais que Saint Thomas More partait du principe que dans le futur des gens pourraient avec profit prier pour lui durant sa vie terrestre. Mais alors ce sont les exceptions qui confirment la règles, parce que prier pour le passé est si rare.

Je veux dire : il y a un ordre dans la prière, et nous ne prions pas d’une manière aussi « étendue » que nous le pouvons, parce que pour nous, cela sortirait de l’ordre voulu par Dieu. La prière est prévue pour être assortie à notre expérience de l’espace et du temps, qui est centrée principalement sur soi, ici et maintenant, mais qui s’étend vers l’extérieur par association.

La première demande dans la prière du Seigneur est ainsi exprimée : « donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». Les gens désignent le « nous » et disent que la prière n’est pas égocentrique. Mais on pourrait également souligner que le « nous », comme pronom de la première personne, est plus égocentrique que nécessaire.

La demande n’est pas « donne à chacun » ou « donne aux membres de l’Eglise » ou « donne à quiconque demande ». Le point de référence du demandeur est primaire. Et ce que nous demandons pour aujourd’hui est le pain uniquement d’aujourd’hui. « A chaque jour suffit sa peine » (Matthieu 6:34). Et de même les bonnes choses apparemment. La journée est l’unité naturelle de la prière pour le présent.

Nous ne prions pas pour tous les futurs papes en vie à ce jour également parce que cela serait désordonné. Dans la vie de prière également, c’est « une place pour chaque chose et chaque chose à sa place ». Quand nous prions pour « l’homme vivant connu de Dieu qui sera élu prochain pape », si la prière est compréhensible, nous prions spécifiquement pour qu’il reçoive les grâces d’accepter le fardeau du ministère pétrinien et d’agir avec sagesse à dater de son élection.

Il y a un moment particulier pour cette prière : le moment que le saint prêtre suggérait. Ce moment est couplé avec la prière, et un autre moment est couplé avec une autre prière.

Je tire deux leçons de ces réflexions.

La première est que si nous prenons au sérieux « l’ordre dans la prière », ce qui est, je le soutiens, ce que Dieu attend de nous, alors nous prendrons plus au sérieux les moments et les places de la prière.

1. Cette noce à laquelle il est difficile et coûteux d’assister ? C’est le moment et l’endroit de prier pour ce mariage en particulier.

2. Ou considérons comment Saint Jean-Paul II a conduit l’Eglise entière à voir que l’arrivée du nouveau millénaire était plus qu’un hasard du système de numération en base dix.

La seconde leçon est que nous avons une interprétation claire du devoir chrétien d’être constant dans la prière (Romains 12:12). Il ne nous est pas dit de « prier pour toute chose » mais plutôt de « prier en tous temps ».

Mais cela pour voir comment la prière est destinée à coller au moment, et ne laisser aucun moment non couplé à sa prière : coupler un « s’il vous plaît » et un « merci » à un cadeau , une louange à ce qui mérite louange, et demander de l’aide pour le travail, comme dans l’ancienne prière : « ut concta nostra oratio et operatio a te semper incipiat, et per te coepta finiatur (« que chacune de nos prières et chacun de nos travaux prenne en toi son commencement et s’achève à travers toi »).


Michael Palaluk, spécialiste d’Aristote et ordinaire de l’Académie Pontificale Saint Thomas d’Aquin, est professeur dans l’école de commerce Busch à l’Université Catholique d’Amérique. Il vit à Hyattsville (Maryland) avec sont épouse Catherine, également professeur dans le même établissement, et leurs huit enfants.

Illustration : « Mains en prières » par Albrecht Dürer, vers 1508 [musée Albertina, Vienne, Autriche]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/07/25/for-everything-there-is-a-season/