« Il n’est plus possible de construire une église » - France Catholique
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« Il n’est plus possible de construire une église »

Lourdement sanctionnée, l’évangélisation en Algérie touche malgré tout quelques musulmans, comme l’explique Mohamed-Christophe Bilek, converti au catholicisme et fondateur de l’association Notre-Dame de Kabylie.

L'Algérie aujourd’hui

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La conversion au christianisme a-t-elle toujours été réprimée ?

Mohamed-Christophe Bilek : La conversion au christianisme s’est compliquée à partir des années 1990, lors de l’effervescence du monde sunnite qui a abouti, en Algérie, à la guerre et à l’apparition des mouvements islamistes. En arrivant au pouvoir en 1999, Abdelaziz Bouteflika, qui sera président jusqu’en 2019, essaya de composer avec les différentes factions et afficha une relative tolérance : visite à Jean-Paul II en novembre 1999, quelques mois après son élection, organisation d’un colloque sur saint Augustin en 2001… Tout change en 2006, lorsque les sponsors de l’Algérie, Arabie saoudite et Frères musulmans en tête, dénoncent ce qu’ils considèrent comme un libéralisme ambiant dans le pays. Le pouvoir algérien promulgue alors une ordonnance, toujours en vigueur, qui punit d’emprisonnement quiconque « incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion ». Aujourd’hui il n’est plus possible, dans les faits, de construire une église ou de déclarer une association cultuelle. Les églises évangéliques, dynamiques, qui peuvent accueillir jusqu’à 500 fidèles, sont particulièrement visées par le pouvoir.

Qui sont les Algériens qui se convertissent ?

La majorité des convertis sont des Kabyles. Car l’identité arabe est intimement liée à la foi musulmane. Les Kabyles – les Berbères en général – n’étant pas arabes, il leur est ainsi plus facile de quitter l’islam, eux dont la présence en Algérie remonte à des temps préislamiques !

D’autre part, les Kabyles ont conservé des traditions ancestrales qui les relient au christianisme des premiers siècles. Cela avait frappé, à l’époque, les Pères blancs.

Ainsi, lorsque survient un décès, il y a trois jours de deuil au cours desquelles le mort est veillé, puis on attend quarante jours avant de sceller définitivement la tombe. Comment ne pas penser aux trois jours que le Christ a passé au tombeau, puis aux quarante jours suivant la résurrection ? Cette pratique horripile, d’ailleurs, les islamistes.

À quel christianisme se convertissent les Algériens ?

Un Algérien qui souhaite quitter l’islam embrasse le christianisme sans se préoccuper de la distinction entre catholicisme et protestantisme. En revanche, selon qu’il devient catholique ou protestant, sa vie en Algérie a tendance à changer. Ainsi, les convertis catholiques ont souvent envie de quitter l’Algérie, car ils ont une approche civilisationnelle qui a du mal à s’épanouir dans un pays musulman. En revanche, le converti protestant va souvent rester sur place, pour annoncer le Christ, car le désir d’évangélisation est très fort chez eux.

Comment voyez-vous l’annonce de l’Évangile en Algérie ?

Il ne faut pas oublier que c’est le Christ qui est à la barre. Je crois qu’en Algérie, l’annonce de l’Évangile passe par le verset suivant : « Qui cherche trouve » (Mt 7, 8). Chercher Dieu est dans la nature humaine et je pense qu’il faut compter sur le musulman insatisfait qui va demander au chrétien : « Quelle est ta foi ? »

Je ne compte pas sur les chrétiens d’Algérie pour aller annoncer la Bonne Nouvelle aux musulmans, mais je compte sur les musulmans qui cherchent Dieu pour obliger les chrétiens à leur annoncer l’Évangile.