Humeur chagrine - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Humeur chagrine

Traduit par Bernadette Cosyn

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A chaque fois que j’exprime du pessimisme à propos de l’avenir du catholicisme aux Etats-Unis, ce que je fais fréquemment, cela ne rate jamais, quelqu’un me rappelle Matthieu 16:18, quand Jésus dit à Pierre : « tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle ».

Et je suis donc forcé de rappeler à la personne qui objecte ainsi à mon pessimisme : « oui, mais je vous prie de noter que Jésus n’a pas dit que les portes de l’enfer américaines ne prévaudront pas, non plus que les portes européennes, canadiennes et autres ».

En ce moment, on dirait que les portes de l’enfer aux Etats-Unis et dans ces différentes contrées fonctionnent très bien. Dans ces endroits, l’Eglise Catholique s’affaiblit de plus en plus ; elle disparaît de plus en plus.

La religion catholique a une longue histoire de disparition dans différents endroits. Il fut un temps où la religion catholique/ orthodoxe dominait le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Au début du septième siècle, elle a commencé à disparaître face à l’avance islamique.

En ce temps-là, il y avait un christianisme commun qui s’est séparé plus tard en la moitié occidentale (catholique) et la moitié orientale (orthodoxe), cette dernière moitié rejetant Rome et la papauté.

Il fut un temps où l’Eglise de Rome dominait toute l’Europe Occidentale et une grande partie de l’Europe Centrale. La Réforme Protestante s’est alors produite, avec ce résultat que l’Angleterre, l’Ecosse, la Hollande, les pays scandinaves et une bonne partie de l’Allemagne du Nord ont répudié Rome et les papes.

Dans le dernier demi-siècle (depuis le concile Vatican II), le catholicisme s’est effondré en de nombreux endroits, même ceux où depuis longtemps le catholicisme semblait un marqueur essentiel de l’identité nationale. Disant cela, je pense particulièrement à deux endroits : le Québec et la République d’Irlande. Durant des siècles, ils ont été les endroits les plus catholiques du monde. Mais regardez-les maintenant.

La province de Québec est jonchée d’impressionnants vieux bâtiments qui ont été des églises, des séminaires, des presbytères et des couvents ; une religion fortement réduite n’a plus besoin d’eux pour ces anciens usages. Fort heureusement, le gouvernement anti-catholique de la province a trouvé de nouveaux usages séculiers pour ces belles anciennes structures.

Le catholicisme de la République d’Irlande s’est effondrée plus récemment mais tout aussi complètement. Non seulement les Irlandais, par une majorité d’à peu près deux pour un dans un référendum national ont décidé d’amender leur constitution pour se débarrasser de ses dispositions anti-avortement, mais maintenant ils sont à deux doigts de faire de l’avortement un service gratuit et d’exiger des hôpitaux catholiques qu’ils procurent ce service.

L »effondrement du catholicisme dans des endroits tels que le Québec et l’Irlande a été évidemment bien différent des effondrements précédents par le fait que les Québécois et les Irlandais, en abandonnant le catholicisme, ne sont pas devenus musulmans ou protestants. A la place, ils sont devenus athées ou quasi athées.

Quand je parle de quasi athées, je veux dire des gens devenus agnostiques, ou indifférents à la religion ou catholiques libéraux – le catholicisme libéral est une forme d’irréligion qui aime utiliser la rhétorique du christianisme pour faire avancer l’agenda de l’anti-christianisme. (le père James Martin, S.J., est un parfait exemple de catholique libéral.)

La Pologne a été un troisième pays dans lequel l’identité nationale était apparemment inséparable de la religion catholique. Jusqu’ici, la Pologne semble s’accrocher à son catholicisme. Peut-elle rester catholique ? Je l’espère. Mais me basant sur ce qui s’est passé ailleurs, et spécialement au Québec et en Irlande, j’ai des doutes. Je me réveille en m’attendant à entendre des nouvelles épouvantables révélatrices de l’effondrement imminent du catholicisme polonais.

Les Etats-Unis, bien sûr, n’ont jamais été une nation profondément catholique parce que la plus grande partie de son histoire a été principalement, et durant longtemps presque exclusivement protestante. Et donc l’effondrement du catholicisme en Amérique n’a pas été aussi dramatique que l’effondrement du catholicisme au Québec et en Irlande car il n’a pas impliqué une redéfinition de l’identité nationale. Mais cela a été un authentique effondrement. Et c’est un effondrement qui se poursuit. Il y a toutes les raisons, il me semble, de s’attendre à ce que les choses empirent.

Pourquoi l’effondrement américain s’est-il produit et pourquoi se poursuit-il ? Il y a trois raisons, je l’ai dit.

D’abord l’américanisation : les catholiques américains ont toujours essayé de réfuter la vieille calomnie protestante selon laquelle un catholique ne peut pas être un bon Américain. Et donc les catholiques ont embrassé avec enthousiasme le mode de vie américain. Quand la culture américaine, jusque là protestante, a subi un changement révolutionnaire commencé dans les années 60 et est devenue séculariste (anti-chrétienne), les catholiques ont suivi le mouvement. Quand vous êtes en Amérique, faites comme les Américains.

Seconde raison, des évêques incompétents : nous catholiques avons souffert depuis Vatican II d’une gestion épiscopale effroyablement mauvaise. Naturellement, il y a eu (et il y a toujours) de nombreuses honorables exceptions, mais dans l’ensemble nos chefs, soit n’ont pas reconnu l’ampleur de l’attaque contre le christianisme effectuée par les sécularistes, soit n’avaient guère de talent, voire pas du tout, pour y répondre.

Troisièmement, l’homosexualité des clercs : je ne pense pas seulement aux prêtres gays sexuellement actifs mais également aux nombreux prêtres qui semblent penser que les relations homosexuelles ne sont pas un vice grave, même perpétré par des prêtres catholiques. Les gens qui pensent ainsi seront incapables de mener un combat contre la liberté sexuelle, laquelle a été le fer de lance de la révolution culturelle anti-chrétienne.

Assemblez ces trois éléments, secouez bien et vous trouverez ces effondrements catholiques – pas seulement aux Etats-Unis mais partout ailleurs.

En conclusion, puis-je atténuer mon pessimisme en offrant quelques gages d’optimisme ?

Hum. Voyons voir.

Eh bien, quand notre civilisation s’effondrera, il est possible que, dans les ténèbres qui suivront, nous ressentions la nécessité de quelque chose d’autre et que nous nous tournions de nouveau vers le christianisme.

Si je pouvais m’arranger pour vivre trois ou quatre cents ans, je pourrais voir ce jour béni.


David Carlin est professeur de sociologie et de philosophie au Community College de Rhode Island.

Illustration : crypte

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/12/28/in-a-pessimistic-mood/