Humanisme chrétien - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Humanisme chrétien

Traduit par Pierre et Bernadette

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Pour bien des gens, la plus étrange déclaration du christianisme est que, par la foi et la grâce, par l’effet de l’Incarnation l’homme peut devenir plus et pas moins, humain, et qu’il peut s’accomplir, non pas s’amoindrir, en l’être qu’il est destiné à vivre.

Bref, il se réalise pleinement, pourvu qu’il vive selon la raison, la foi et la vertu. Sinon, il tournera probablement le dos à sa destinée. Foi et raison sont toutes deux des dons. Ainsi, comme nous l’apprenons par l’introspection, nous ne sommes pas la cause de notre propre existence ni de notre individualité.

Des mots tels que « athée » ou « séculier » désignent des alternatives au christianisme. Ils sous-entendent généralement que la foi est « anti-naturelle » pour l’homme. De deux choses l’une: ou bien elle est trop exigeante, et donc inhumaine, ou bien elle prétend que l’homme ne se réalise pas de lui-même. Qu’il a besoin de quelque chose de surhumain pour être un humain. Il est ainsi le jouet des dieux et non son propre maître.
Aucun doute là-dessus, quand nous considérons l’histoire humaine dans son ensemble, nous voyons sans aucun doute combien il est difficile pour l’homme d’éviter les troubles de l’âme comme du corps. Son côté inhumain nous est souvent plus évident que sa bonté. Une stratégie pour régler cette question déplaisante, quoique récurrente, des vices humains, consiste à nommer les vices « vertus ».

Une autre méthode consiste à faire porter par la religion la responsabilité de ces troubles. Cette stratégie remonte à Épicure, et refait surface régulièrement au fil des temps, y-compris de nos jours. Débarrassez-vous de la religion, et tout sera super.

L’expérience nous met cependant en garde. Les athéismes et laïcismes prenant de l’importance se sont vite révélés comme les régimes les plus inhumains. Une telle expérience devrait nous dissuader, ce qu’elle ne fait pas toujours. De même, toutes les religions ne se révèlent pas comme humaines. Le mot « religion » n’est pas un terme univoque.

J’ai reçu récemment un courriel d’un Officier des Marines. Il me disait avoir souvent senti que l’hostilité la plus véhémente à la loi naturelle et à la raison venait d’aumôniers. Pour certains d’entre eux la raison n’a ni place ni usage en religion, cela dénote un manque de confiance en Dieu et en l’Écriture.
On en déduirait logiquement que l’humanisme chrétien n’existe pas, qu’il existe seulement une Foi chrétienne. La foi musulmane est de cette sorte. Ce qui n’est pas « dans le Livre » est inapproprié. Dieu peut toujours faire le contraire de ce qu’il a décidé précédemment. Raisonnement humain et « Logos » (Verbe) ne vont pas ensemble.

Pour le catholicisme, raison et foi émanent de la même source. Elles ne se contredisent pas, elles se renforcent mutuellement. Benoît XVI dit de la foi qu’elle est la médecine et l’encouragement de la raison. Et donc le catholicisme manifeste la confiance en la raison, même lorsque ses implications sont politiquement et culturellement rejetées.

Le Pape a beaucoup travaillé sur le sujet dans son « Discours de Ratisbonne ». Dès les premiers temps la Chrétienté s’est tournée vers les philosophes, et non vers les autres religions. La Chrétienté a soif de connaître comment vit le monde, comment s’expliquent la vie de l’homme et son existence dans le cosmos. Étudiant de telles questions, le Christianisme trouve que la vie de l’homme a sa propre réalité, non pas créée par lui mais reçue.

Pour le philosophe suisse Martin Rhonheimer la chrétienté signifie éthique de salut et moralité. Il veut dire par là que nous devons, guidés par notre raison suivre la loi naturelle et les prescriptions de la foi.

Même si la civilisation se pervertit d’une façon ou d’une autre, les chrétiens devraient toujours suivre, en privé comme en public, la sentence de Socrate: « Il n’est jamais bien de faire le mal ». Les tentatives du proportionnalisme ou du conséquentisme pour atténuer ce que Nietzsche appelait « la tension » entre foi et libre arbitre ne confortent pas mais mais lèsent la nature humaine.

Quand nous comprenons que nos comportements, en éthique comme en politique, sont orientés en vue du salut, il ne s’agit pas d’établir un Royaume de Dieu sur terre, mais de montrer le véritable domaine et le but de chaque vie humaine. C’est pourquoi, d’accord avec Platon, Benoît XVI persiste à nous rappeler que le jugement dernier portera sur la façon dont nous aurons vécu.

Un humanisme chrétien doit faire tendre vers les vertus. Mais une vie vertueuse est aussi destinée à accomplir notre destinée transcendante. Ce que la pensée chrétienne découvre intellectuellement, c’est en tout cas que ne pas vivre vertueusement c’est s’éloigner délibérément de la raison.
Tout l’appel du Christianisme à suivre la voie de la raison et de la révélation est en fait le « véritable humanisme », tel que cité par Jacques Maritain. De nos jours, dans le domaine public, tout ce qu’on cite de penseurs tels que Hadley Arkes, Robert George, J. Budziszewski, Russell Hittinger, et bien d’autres, s’appuie non sur leur foi mais sur leur raison.

C’est pourquoi la logique qui opposerait les vérités essentielles de la raison à la foi se révèlerait en tous points, incohérente, déraisonnable, pas vraiment humaine.

James V. Schall, S.J.

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Illustration : Le discours de Ratisbonne.


http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/on-christian-humanism.html