Haro sur la F.A.O. - France Catholique
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Haro sur la F.A.O.

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ROME (AFP 15 mai) — Le chef de la FAO Jacques Diouf a dénoncé jeudi une « polémique motivée par des raisons de politique intérieure sénégalaise » après les vives attaques du président de ce pays contre cette organisation de l’ONU auxquelles M. Diouf répond point par point dans un long communiqué.

Le président sénégalais menace la FAO d’un procès (le Point, 9 mai 2008) :

http://www.lepoint.fr/actualites-monde/le-president-senegalais-abdoulaye-wade-menace-la-fao-d-un-proces/924/0/244445


Haro sur la FAO !

Les émeutes dites de la faim dans plusieurs pays à travers le monde sont, pour certains, le résultat de l’impéritie des organisations internationales et la preuve de l’incapacité du système actuel à anticiper le changement climatique, la sécheresse et les catastrophes naturelles qui vont frapper les terres les plus humides comme on le voit en Birmanie, au Ban­gladesh ou au Vietnam. Les arguments déjà volent bas, à ras de terre. Une conférence prévue depuis longtemps à Rome, siège de la FAO (Organisation Internationale de l’Alimentation), sur la sécurité alimentaire début juin devrait être l’occasion de règlements de comptes dont on a hélas déjà eu la primeure entre deux Sénégalais, le président Wade et le directeur général de la FAO depuis près de quinze ans, Jacques Diouf.

Cela pourrait bien être le premier acte d’une nouvelle offensive d’inspiration libérale sur le thème du réchauffement climatique. Les linéaments d’une politique alternative ap­paraissent au grand jour : généralisation des OGM dans les pays en voie de développement, abolition de la politique agricole commune européenne, injection massive de crédits de la Banque Mondiale dans l’agriculture, développement des exportations agricoles par le libre-échange. Un objectif commun : la baisse des prix agricoles mondiaux.
A l’inverse, on voit se lever les anciens défenseurs de l’au­tosuffisance alimentaire, de la protection des marchés, des cultures vivrières au détriment des cultures d’exportation, du retour aux anciennes habitudes de consommation : un Africain n’a pas besoin de baguette de pain ni de riz !?

Le monde marche sur la tête. Le retour à des prix corrects as­surant la rémunération du paysan devrait au contraire réjouir les économistes. Trente ans de bas prix et d’importations massives de produits alimentaires, y compris d’aide alimentaire, avaient complètement déstructuré le monde agricole entraînant un exode rural dramatique et la constitution de villes tentaculaires avec des pauvres de plus en plus dépendants pour leur alimentation. Le seuil absolu de pauvreté défini par la Banque Mondiale sur la base de 1 dollar par jour concerne, pour les trois-quarts des ruraux, qui disposent d’un petit lopin (environ un milliard de personnes). Mais un milliard et demi, considérés comme vivant sur un revenu entre 1 et 2 dollars, sont pour beaucoup ceux qui sont venus en ville. L’augmentation des prix alimentaires, qui devrait rogner au moins 20 % de leurs revenus, va donc automatiquement faire reculer cent à deux cents millions d’habitants, peut-être plus, sous le seuil de 1 dollar. En revanche, ceux qui sont déjà sous ce seuil pourraient remonter. Si toutefois on laisse faire la nature, c’est-à-dire la loi des saisons.

La lutte contre la cherté des prix alimentaires ne passe pas par la baisse des prix au producteur mais dans l’augmentation de la demande solvable. On sait bien qu’insuffler de l’argent dans l’agriculture se heurte à une capacité d’absorption très lente et risque de créer d’autres déséquilibres sociaux (endettement, expropriation, grandes exploitations). Il faut améliorer l’accès au crédit et subventionner les engrais, encourager la transformation sur place des produits agricoles, la chaîne du froid, les routes en milieu rural. Mais l’aide internationale doit présentement profiter au consommateur. Les gouvernements ont supprimé les taxes à la consommation pour les produits de première nécessité et essaient de contrôler la chaîne des intermédiaires. Les bailleurs de fonds doivent les aider à compenser ces pertes budgétaires de même que pour le coût de l’énergie.

Un nouveau bras de fer se prépare entre Washington et Rome : la Banque Mondiale, les groupes d’OGM (Monsanto), contre la FAO, incarnant l’agriculture traditionnelle. Il a pour enjeu le pouvoir et l’influence dans le monde en voie de développement. La France est la première concernée par cet affrontement naissant en tant que premier producteur européen, l’un des tout premiers exportateurs mondiaux, et dont l’équilibre de la balance extérieure dépend de son excédent agro-alimentaire, mais aussi par sa place et son rôle en Afrique et dans les instances internationales. Elle se trouve confirmée d’avoir lutté pendant quarante ans pour défendre l’agriculture. Elle y trouvait son intérêt, mais l’actualité montre qu’elle travaillait pour l’équilibre planétaire. Elle aura fort à faire pour résister aux pressions internationales qui pourraient constituer le point fort du prochain sommet du G 8 au Japon en juillet.

Yves La Marck