Geneviève Jacques (la Cimade) - France Catholique

Geneviève Jacques (la Cimade)

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Écouter l’éditorial : Les débats récents, et qui n’ont pas pris fin, sur le rôle de la CIMADE dans l’accueil des étrangers, et plus précisément aujourd’hui des sans-papiers, ne peuvent être séparés d’une histoire déjà longue, dont on vient de parler. La CIMADE fut créée en effet il y a 70 ans. Il s’agissait alors de venir en aide aux populations évacuées d’Alsace et de Lorraine, dans le contexte du début de la seconde guerre mondiale. Des Alsaciens-Lorrains d’hier aux Afghans d’aujourd’hui, il y a un même fil directeur, qui est la solidarité, l’aide active aux personnes en détresse parce qu’elles sont déplacées, démunies, livrées à la violence des événements. Eventuellement même, à la violence de la guerre, celle qui sévissait en Europe, celle qui sévit aujourd’hui en Afghanistan. Une longue pratique à habitué les militants de la CIMADE à faire face aux difficultés les plus graves, parfois aux affrontements avec les autorités politiques et administratives pour défendre les droits de ceux que le sort à rendu presque sans droits. Cela a toujours été rude et l’est encore. On s’en aperçoit ces jours-ci avec la polémique à propos des trois Afghans, réexpédiés dans leur pays, à l’initiative d’Eric Besson, le ministre en charge de l’immigration. Il se débat, notamment sur les plateaux de télévision pour défendre cette initiative contestée. Il n’ y a pas si longtemps, le même ministre, était interpellé à propos des migrants de Calais et de la destruction ce qu’on a appelé « la jungle » où se réfugiaient les candidats au départ pour l’Angleterre. En ce moment même la CIMADE défend les 1300 travailleurs sans-papiers qui se sont mis en grève en Ile-de-France, afin d’obtenir du gouvernement une circulaire de régularisation. Celle-ci permettrait de sortir de la clandestinité et de l’exploitation que leur statut de non-droit favorise trop souvent. Comment ne pas reconnaître la mission d’un tel organisme qui a toujours été fondé sur un engagement évangélique ? Bien sûr, des points de vue s’affrontent, de façon légitime. On le voit bien avec Eric Besson. Le retour des trois Afghans dans leur pays, constitue t-il en soi une mise en danger de la vie d’autrui ? Le ministre le conteste et il se trouve singulièrement exposé lui-même de par ses responsabilités. On a à faire souvent à ce que les moralistes appellent des conflits de devoirs. Une militante comme Geneviève Jacques doit en être singulièrement avertie. Mais j’aurais envie de lui poser aujourd’hui une question particulière. Marion Duchêne, dans son portrait tout à l’heure, nous a expliqué qu’elle s’était félicitée de la mise en cause judiciaire du général Pinochet. Cela veut-il dire que la solution judiciaire s’impose toujours au sortir des dictatures ou des guerres civiles? N’y a-t-il pas – comme on l’a vu en Afrique du sud avec Mgr Tutu- des tentatives de réconciliations nationales qui sont d’une autre nature ? Par ailleurs, au sortir du communisme, il semblait que l’on s’abstiendrait de mesures épuratrices trop rigoureuses. Est-ce un bien, qu’en Pologne, on rouvre les plaies du passé en faisant comparaitre en justice le général Jaruzelski ? Pour ma part, je n’en suis pas persuadé et même je suis d’un autre avis, mais je reconnais qu’il est très délicat pour un pays de négocier les conditions de l’avènement d’un Etat de droit et d’une vraie justice.
— – Emission du Mercredi 28 Octobre 2009 Geneviève JACQUES Ancienne secrétaire générale de la CIMADE et directrice du Conseil œcuménique des Eglises, auteur de « Les droits de l’homme et l’impunité des crimes économiques » (Cerf). Écouter l’éditorial :

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