Frère Jean l'angélique - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Frère Jean l’angélique

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Lamentation du Christ, Fra Angelico

Lamentation du Christ, Fra Angelico

Demain 18 février est le 565e anniversaire de la mort de Fra Angelico, artiste du début de la Renaissance.

Il était né vers 1395 sous le nom de Guido di Pietro, et il a grandi dans le voisinage de Vicchio, une ville dépendant de la république de Florence. Nous ne savons pas qui lui a enseigné (ainsi qu’à son frère Benedetto) l’art de la peinture et de l’enluminure (la spécialité de Benedetto). Mais Guido était déjà un artiste établi au moment où il est entré au monastère dominicain proche de Fiesole, dans les années 1420. Il a pris en religion le nom de Fra Giovanni, c’est-à-dire Frère Jean.

C’est seulement après sa mort qu’il allait devenir, selon les termes du Martyrologium Romanum, « le Bienheureux Giovanni de Fiesole, surnommé ‘l’angélique’ », d’où Fra Angelico, le Frère Angélique. Même pour les historiens de l’art séculiers, il est Pictor Angelicus, en référence à ce dominicain qui l’a précédé, Saint Thomas d’Aquin, le Doctor Angelicus.

Notez le terme « Bienheureux ». Le frère Giovanni a été béatifié par le pape Saint Jean-Paul II en 1982. Sa cause n’avancera pas, évidemment, tant que des gens ne demanderont pas son intercession et qu’il en résulte des miracles. Mais sa piété était telle que, déjà de son vivant, il était connu par le sobriquet « angélique ». Saint Jean-Paul II a également déclaré Fra Angelico patron des artistes catholiques en 1984.

Quand le Metropolitan Museum de New-York a monté une exposition de son œuvre en 2005, elle a rassemblé des peintures venues d’une soixantaine de musées et collections privées, mais – sans surprise – elle n’a compté aucune fresque. Et comme l’écrivait à l’époque le directeur du MET’, de nouvelles recherches sur l’homme et son œuvre ont tempéré l’image pieuse de Fra Angelico réduit à « un saint religieux qui n’a jamais pris ses pinceaux sans d’abord prier ». Angelico, voyez-vous, était « un intellectuel ayant l’esprit de compétition, un participant actif à la révolution culturelle du début du quinzième siècle à Florence. » Sans aucun doute. Mais cela ne signifie pas qu’il n’était pas un chrétien fervent. Il peut bien avoir eu la sagesse du serpent (en politique de l’Eglise, en tendances artistiques et même en économie de la Renaissance), il avait également la douceur de la colombe.

En 1436, un groupe des dominicains de Fiesole a été transféré au couvent San Marco De Florence, récemment rénové par l’architecte Michelozzo di Bartolomeo Michelozzi, et Fra Angelico a été mis à l’ouvrage pour décorer le monastère, ce qu’il a fait avec quelques unes des œuvres picturales les plus abouties du début de la Renaissance. Il a également reçu des commandes de Rome (voyez la Cappella Niccolina au Vatican) et d’ailleurs, laissant derrière lui un héritage quasi inégalé dans le patrimoine d’art sacré catholique.

Comme l’écrivait Saint Jean-Paul II :

On rapportait de Angelico qu’il disait : « celui qui fait le travail du Christ doit toujours rester en sa présence ». Cette devise lui a gagné l’épithète de ‘Bienheureux Angelico’, en raison de la parfaite intégrité de sa vie et de la beauté quasi divine des images qu’il a peintes, tout particulièrement celles de la Bienheureuse Vierge Marie.

La plus célèbre de ses peintures mariales est la fresque de l’Annonciation, peinte sur l’un des murs encerclant le cloître de San Marco et à propos duquel l’artiste James Patrick Reid a écrit si merveilleusement ici il y a plusieurs années (voir www.france-catholique.fr/La-Theologie-dans-la-peinture.html). Comme le note M. Reid : « une grande peinture reflète la divine providence. De même que rien n’échappe à la divine gouvernance de la création, de même rien dans la peinture n’échappe à la maîtrise de l’artiste ; rien n’est purement accidentel ».

Dans son livre « Les vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes » (publié en deux éditions, 1550 et 1568, et réimprimé de nombreuses fois depuis), Giorgio Vasari écrivait que le visage de Gabriel dans l’Annonciation est « si pieux, si délicat et si bien dessiné qu’il semble, non pas issu de la main d’un mortel mais comme peint au Paradis… C’est donc à juste titre que ce bon moine a toujours été appelé Frate Giovanni Angelico ».

Et on voit cela dans presque tout ce que Fra Angelico a peint – je minimise seulement parce que je ne connais pas son œuvre dans son entièreté – et vous le voyez tout particulièrement dans deux autres œuvres, toutes deux maintenant dans son ancien monastère, devenu maintenant le Musée National de San Marco : la déposition de Croix (en haut) et Le Jugement Dernier (en bas de l’article).

La magnifique « Déposition de Croix » fut commencée comme un triptyque pour la chapelle Strozzi à Santa Trinita (Florence) par le peintre Lorenzo Monaco, qui mourut, vers 1425, ayant seulement achevé les pinacles au-dessus des trois arches. Toute une décennie passa avant que Fra Angelico entreprenne de finir l’œuvre. Les triptyques sont composés de trois panneaux, chacun d’entre eux présentant normalement des scènes distinctes bien que reliées entre elles. Angelico a entraîné sa Déposition dans une autre direction, créant un tableau noir de monde dans lequel l’œuvre entière ne montre qu’un seul panorama.

Comme c’était souvent le cas dans l’art du Moyen-Age et de la Renaissance – des époques disposant de peu d’historiographie et d’aucune archéologie – les gens et endroits décrits sont contemporains de l’Italie du XVe siècle.

J’apprécie beaucoup la Déposition, mais Le Jugement Dernier est une composition peut-être encore plus merveilleuse. L’image en haut à droite de l’article de Wikipédia (https://en.wikipedia.org/wiki/The_Last_Judgment_(Fra_Angelico,_Florence) peut être agrandie plusieurs fois en cliquant dessus, ce qui permet un examen approfondi (que je vous engage à faire) des détails que l’artiste a mis dans l’œuvre (peinte sur panneau de bois), l’horreur de ceux à qui des démons font franchir les portes de l’Enfer (il y a des prêtres parmi eux) mais également la communauté joyeuse et priante des sauvés, s’embrassant et se tenant par la main, « leurs visages rayonnant de l’amour de Dieu ».

Mais, honnêtement, contempler les visages de ceux qui descendent dans l’abîme est véritablement terrifiant, quand on y songe. Certains semblent se cacher les yeux, d’autres se tordent les mains ou triturent leur visage, d’autres encore pressent leurs mains sur leurs oreilles, espérant étouffer les plaintes des tourmentés. Certains sont traînés, d’autres semblent simplement glisser vers leur destin tragique. Partout un regret affolé. S’il reste une lueur d’espoir chez l’un ou l’autre, elle est sur le point de s’éteindre. A jamais. Et ils le savent.

Fra Angelico a saisi tout cela parce qu’il était guidé par l’Esprit-Saint.

L’image du bas, tirée du centre de La Déposition de Croix, est tenue par certains pour être un auto-portrait de l’artiste. D’autres pensent qu’il s’agirait d’un ami de Fra Angelico, l’architecte Michelozzo cité plus haut.