François Maspero - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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François Maspero

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Apprenant hier la mort de François Maspero, j’ai eu comme une bouffée de nostalgie. Non que je m’identifie à la pensée et à toutes les causes personnifiées par ce personnage emblématique, mais il est des figures, dont on se sent éloignées, qui suscitent en vous du respect. François Maspero, cela évoque pour moi une librairie singulière au cœur du quartier Latin, rue Saint-Séverin, où se retrouvait tout ce que le monde estudiantin et universitaire comptait de militants de gauche. Quand ladite gauche a tourné, après 68, libertaire, cela lui a joué de très mauvais tours. Car la fauche assez répandue dans les librairies du quartier battait tous les records rue Saint-Séverin, au point de mettre à genoux la vaillante « Joie de lire ». N’empêche qu’elle restait emblématique, avec la maison d’éditions Maspero qui publiait les classiques qu’il fallait avoir lus, si toutefois l’on voulait être dans le courant.

Parmi ces classiques, un philosophe qui, à l’époque, eut une rare célébrité : Louis Althusser, co-auteur d’un Lire le Capital, que je dois avoir encore quelque part dans ma bibliothèque. À cinquante ans de distance, il paraît à des années-lumières, et l’on s’interroge pour comprendre comment on a pu se passionner pour une thèse qui prétendait tirer Marx du côté de la scientificité, contre la déviation humaniste que le caïman de la rue d’Ulm – en d’autres termes, Normale Supérieure – répudiait avec la dernière énergie. Mais il y avait bien d’autres titres dans le catalogue Maspero, dont tout historien des idées devra tenir compte, pour retracer le parcours intellectuel de la période d’après-guerre.

Les articles nécrologiques nous rappellent que François Maspero n’était pas seulement passionné par les débats idéologiques. Il était le témoin des tragédies de la guerre, et son inflexibilité était une façon de rester fidèle à l’héritage familial dont il était le débiteur. On peut certes s’insurger contre les travers de ce que Jean Baudrillard appelait « la gauche divine », mais on ne doit jamais oublier non plus que derrière le combat des idéologies, il y a des êtres pétris de passions et de souffrances, qui méritent un coup de chapeau alors qu’ils disparaissent de la scène éphémère qu’ils ont contribué à animer.

Chronique diffusée sur radio Notre-Dame le 14 avril 2015.