Folie momentanée - France Catholique
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L'incroyable histoire des chrétiens du Japon
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Folie momentanée

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Platon et Aristote, par Raphaël, 1509.

Platon et Aristote, par Raphaël, 1509.

Palais du Vatican.

Je faisais mes études supérieures quand j’ai entendu parler pour la première fois de la fameuse maxime d’Aristote : la vertu (ou l’excellence morale) est dans le juste milieu – je suppose qu’on peut l’appeler un milieu « en or » – entre les deux extrêmes que sont «le  trop » et «le  trop peu ». Par exemple, le courage est le milieu entre d’un côté la couardise, et de l’autre la témérité. Et la générosité est intermédiaire entre l’avarice et la prodigalité. Etc…

Eh bien, en entendant cela, ma réaction ne fut pas d’admirer Aristote pour sa sagesse ; mais plutôt de moins l’admirer car, m’a-t-il semblé, il ne faisait qu’exposer une évidence. « Qui ignore cela ? » ai-je pensé en moi-même. J’avais déjà entendu parler d’Aristote. Je ne savais pas grand-chose de sa philosophie, mais j’étais conscient qu’il avait la réputation d’être un des grands sages de l’histoire. « Voilà une manière médiocre et facile d’acquérir une réputation de sagesse », ai-je pensé, « ce qu’il dit est aussi évident que de dire : quand vous conduisez une automobile, évitez deux choses, n’allez pas dans le fossé à droite, et n’allez pas à contresens à gauche. »

Ceci se passait il y a de nombreuses années. Depuis lors, j’ai acquis une grande expérience de la vie, et j’ai à la fois constaté et fait l’expérience des inconvénients du trop et du trop peu. En conséquence, mon jugement sur la maxime du « juste milieu en or » d’Aristote s’est amélioré.

Chemin faisant, je me suis souvenu de quelque chose que l’un de mes professeurs de lycée avait dit – cet homme, un frère des écoles chrétiennes, fut, parmi mes nombreux bons professeurs, absolument le meilleur que j’aie jamais eu la chance d’avoir dans mon enfance. Il disait que garder ce qu’il appelait « le sens de la mesure » était une des choses les plus difficiles du monde. Sa maxime était semblable à celle du « juste milieu en or » d’Aristote.

Il ne nous est pas facile de garder notre équilibre mental et émotionnel. Bien au contraire : c’est extrêmement difficile. Et ce n’est pas difficile seulement pour les individus, mais aussi pour les groupes ; et pas seulement pour les groupes, mais pour les sociétés entières. Par exemple les États-Unis d’Amérique.

Il me semble que l’Amérique a perdu l’équilibre ces derniers temps – a dévié par rapport au juste milieu en or, a perdu son sens des proportions. Et quand elle a dévié du juste milieu, elle l’a fait en se dirigeant vers le « trop » plutôt que vers le « trop peu ».

Par exemple, dans le domaine du sexe – si je peux me permettre d’aborder un thème dont j’ai souvent parlé ici. Je peux comprendre pourquoi la société américaine a souhaité relâcher le carcan du puritanisme sexuel qui l’entravait avant les années 1960. Mais je considère comme une tragédie nationale que ce relâchement de la morale sexuelle ne se soit pas arrêté à la nécessité de tolérer un peu de ce péché omniprésent qu’est la fornication.

Non, il s’est jeté la tête la première bien au-delà de cela, vers la folie de l’avortement et du mariage entre personnes de même sexe. Et dans l’Eglise catholique il s’est constitué en une vaste tolérance, non seulement envers l’homosexualité des prêtres, mais envers la séduction et l’agression de garçons adolescents, – et de quelques filles adolescentes.

Prenons aussi, plus récemment, notre grande préoccupation nationale à propos du racisme. Le racisme est certainement un grand péché, spécialement quand il s’agit de la sorte de racisme qui empêche les noirs de trouver du travail, d’aller à l’université, de s’installer dans certains voisinages résidentiels, etc…tout ce à quoi ils auraient droit, n’était leur couleur de peau. Il en est de même de l’autre forme de racisme – les préjugés – qui, bien que déplorables en eux-mêmes, sont un péché beaucoup moins grave du moment qu’ils ne débouchent pas carrément sur une discrimination.

Mais traiter le racisme, même le racisme plus léger qu’est le simple préjugé, comme le pire des péchés, ce qui est ce que de nombreux américains blanc ou noirs ont fait ces deux dernières années, montre un manque de mesure. Cela tend à atténuer l’aspect de tous les autres péchés, de tous les péchés qui ne sont pas racistes. L’avortement devient un péché mineur (si même il s’agit vraiment d’un péché) ainsi que l’abandon d’enfant, ce que commettent des millions de pères irresponsables et un bon nombre de mères.

Pour rendre tout ceci encore pire, il y a le fait que nous avons tendance à attribuer à tous les péchés « racistes » à peu près la même force mauvaise. Ainsi une personnalité de la TV à qui il est arrivé une fois, il y a des années, d’utiliser le mot en N, est aussi mauvaise que le responsable des admissions à l’université qui, pour cause de race, refuse la candidature d’un étudiant noir hautement qualifié à une des universités prestigieuses de la côte Est. (Je laisse de côté le fait qu’il est peu probable qu’un tel rejet se soit produit depuis longtemps.)

Pire encore, à mon avis, l’idée tout à fait anti-aristotélicienne, mais très répandue en Amérique de nos jours, selon laquelle il ne peut jamais y avoir trop de liberté. De même que le racisme est mauvais et même la pire forme du mal, de même, nous en sommes venus à penser que la liberté est bonne, et même la meilleure forme du bien. Nous devons toujours juger en faveur de la liberté ; nous devons avoir de bonnes raisons – de très très bonnes raisons – pour qu’aucune sorte de restriction sociale ou légale ne s’exerce contre n’importe quelle sorte de liberté.

Et nous avons des dizaines de milliers d’américains, sans parler de beaucoup de nos médias grand public, la majorité de nos industries de divertissements, et le Président des États-Unis, qui soutiennent l’idée vraiment bizarre qu’un garçon de huit ans peut choisir d’être une fille s’il en a envie.

Nous traversons une période de folie collective – espérons et prions pour que ce ne soit qu’une folie momentanée. Cela nous est déjà arrivé une fois – dans les années 1850 quand une décision folle après l’autre nous a conduits à une abominable guerre civile : La loi sur les esclaves fugitifs, la loi du Kansas -Nebraska, le « Bleeding Kansas »1, les passages à tabac par le sénateur Sumner, l’arrêt Dred Scott2, John Brown le fou à la bataille de Harper’s Ferry.

Le président Lincoln dans son second discours d’inauguration, suggéra que la guerre civile était la punition de Dieu pour le péché d’esclavage. Je crains que nous soyons maintenant au bord d’une deuxième grande punition de Dieu.

  1. Incidents sanglants qui ont immédiatement précédé la guerre de Sécession.
  2. Arrêt en faveur de l’esclavage.