Fidélité et charité d’un prêtre : l’Abbé Pierre GAUDRAY (1922-2013) - France Catholique
Edit Template
L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
Edit Template

Fidélité et charité d’un prêtre : l’Abbé Pierre GAUDRAY (1922-2013)

Copier le lien

L’abbé Pierre Gaudray, décédé en janvier 2013, est l’un de ces Conseillers Religieux de premier plan, qui ont marqué les Guides et Scouts d’Europe, et sans lesquels ce mouvement scout n’aurait pas ce rayonnement spirituel reconnu par de si nombreuses familles et communautés ecclésiales. En lisant les quelques lignes qui vont suivre, le Père aurait sans doute rougi, avec un léger haussement des épaules, puis, en plissant les yeux, il aurait souri en disant avec indulgence : « allons, on va de l’avant… »

Né le 5 juin 1922 au Havre, Pierre Gaudray entre au petit séminaire à l’âge de 12 ans. Pour lui, aucun doute: le Seigneur l’appelle au plus haut service, le sacerdoce, et, comme saint Jean-Marie Vianney, son modèle, il s’offre totalement: il veut devenir un prêtre selon le Cœur de Dieu. Entré au grand séminaire de Rouen, en pleine guerre mondiale (juin 1942), il doit partir pour le STO en Allemagne (5 juillet 1943). Il ne savait pas alors que ce pays allait beaucoup compter dans sa vie, puisque, contre toute attente, son abandon à la Volonté de Dieu le conduirait à passer le dernier quart de son existence dans un séminaire situé outre-Rhin.

De retour au Havre le 3 mai 1944, Pierre réintègre le grand séminaire. Tonsuré le 24 février 1945, il part au service militaire en juillet de la même année, puis, à partir de février 1946, il continue le cursus de formation qui le mène au sous-diaconat (le 1 juillet 1947), au diaconat (le 11 octobre 1947) et enfin, au sacerdoce, le 29 juin 1948, en l’abbatiale Saint-Ouen de Rouen. Pierre était « prêtre pour l’éternité » ! Pour lui, la grande aventure du salut des âmes allait commencer; il allait se donner à fond comme « pêcheur d’hommes » durant presque 65 ans. Nommé vicaire au Havre (paroisse Saint-Paul), puis, en septembre 1949, à Yvetot, l’abbé Gaudray y fit la connaissance du scoutisme. Entre 1964 et 1966, il fut successivement curé de Mesnières-en-Bray (1964-65), vicaire au Havre (paroisse Saint-Léon), puis aumônier au lycée Saint-Joseph du Havre, en 1966, où durant vingt-et-un ans, il se donna sans compter aux jeunes, en particulier comme aumônier scout.

Ce prêtre attirait… non pas vers lui-même, mais vers le Christ, vers le Bon Pasteur. Il alliait harmonieusement deux qualités: la solidité et la bonté. Combien d’entre nous ont gardé le souvenir de ce prêtre aux cheveux déjà blancs, coiffés « en brosse » ou le béret sur la tête, sac scout sur le dos, marchant d’un pas ferme, malgré la fatigue et les intempéries, solide comme un roc, son bâton de routier à la main, participant aux sorties, aux camps de Pâques et d’été, aux routes, aux pèlerinages de rentrée, aux rassemblements internationaux… Il marchait rarement seul, car les scouts, les guides, les chefs et cheftaines, et aussi les parents… allaient spontanément vers lui, en une longue procession, et le rejoignaient pour une confession, un conseil… Son attitude seule disait qu’il était là, présent, « toujours prêt » (cf. la Promesse scoute et guide), « à la disposition », en tenue de service… et tous le ressentaient, le savaient au plus profond de leur cœur. Saurons-nous jamais le nombre de scouts et de guides qu’il a guidés, encouragés, confessés… et conduits avec délicatesse vers le sacerdoce ou la vie religieuse, et aussi vers un mariage heureux ?

Durant la période post-conciliaire, la fécondité indéniable du sacerdoce du Père Gaudray fut mêlée de larmes, de la souffrance d’un Vendredi Saint. Tentons de l’exprimer avec la discrétion qui convient: c’était une douleur lancinante qui blessait son âme de prêtre solide et bon à la vue du spectacle affligeant d’une partie de l’Eglise qu’il voyait s’écrouler par pans entiers, victime d’une pastorale dite de l’enfouissement… Dans la tempête, il tint bon, et fit preuve de fidélité et de mansuétude. Fidélité à son sacerdoce – « un roc de fidélité » disent les témoins de ces jours difficiles -. Fidélité à la sainte Messe, ce bain de jouvence où il puisait chaque jour cette étonnante résistance spirituelle, cette limpidité et cette bonté qui touchaient tous ceux qui l’approchaient. Il suivit donc la Volonté du Seigneur qui le conduisit de nouveau… en Allemagne. Il remplaça un aumônier d’hôpital en Sarre (juillet 1987), puis il répondit à l’appel de son ami, le Père Hönisch, pour assurer l’accompagnement spirituel des novices de la congrégation qu’il venait de fonder à Mussenhausen, les Serviteurs de Jésus et de Marie (SJM) (septembre 1988). C’est là que l’abbé Baumann, alors recteur du séminaire de la Fraternité Saint-Pierre, à Wigratzbad, vint lui demander de venir une journée par semaine pour y assurer la direction spirituelle (septembre 1990). Avec l’augmentation du nombre de ses dirigés, la journée devint vite deux jours, puis trois… si bien qu’il finit par s’installer à demeure au séminaire.

Les prêtres et les séminaristes de la Fraternité Saint-Pierre sont unanimes pour dire qu’il fut un don du Ciel, un père pour tous. « A sa bonté rayonnante, il joignait une chaleureuse simplicité et une disponibilité permanente », affirme un séminariste. Et de fait, le dernier trait de sa personnalité très riche que nous désirons évoquer, est sa charité fraternelle au-delà de toutes les frontières, car l’abbé Gaudray vivait intensément notre foi, qui est catholique, et donc universelle et fraternelle, avec un attachement indéfectible à la personne du Saint-Père; « je m’appelle Pierre Gaudray, je suis… catholique romain », aimait-il dire en souriant. Ce sens de la fraternité se traduisait spécialement par le grand enthousiasme qu’il manifestait pour l’amitié franco-allemande. Il avait été profondément marqué par les dix mois de travail forcé au STO dans une usine allemande, et, au cœur même de cette épreuve, il en avait gardé un amour profond à l’égard du peuple allemand, et un intérêt passionné pour sa langue, qu’il parlait couramment. A Witgratzbad, ce prêtre normand avait tapissé les murs de son bureau des drapeaux des nombreux pays d’origine des séminaristes, au-dessus desquels on pouvait lire la première phrase du : « Notre Père ».

Après avoir fêté à Wigratzbad ses 60 ans de sacerdoce (29 juin 2008), il eut la joie de célébrer la Messe d’action de grâces de ses 90 ans (5 juin 2012) dans ce séminaire qui lui était devenu si cher. A cette occasion, il transmit un message aux séminaristes, que l’on peut considérer comme son testament spirituel : « Premièrement, développer le sens de l’effort; deuxièmement, entretenir l’amitié fraternelle; troisièmement, prier avec l’humilité d’un jeune enfant. Si tu fais cela, tu n’as rien à craindre, et Dieu te bénira ! ».

L’abbé Pierre GAUDRAY est décédé au séminaire de La Fraternité Saint-Pierre, à Wigratzbad, le 28 janvier 2013, et il repose au cimetière d’Opfenbach (Bavière). Requiescat in pace.

Abbé Thierry BLOT

prêtre du diocèse de Belley-Ars

au service de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements