« Face de Carême, ou faire face à ce qui déshumanise ». - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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« Face de Carême, ou faire face à ce qui déshumanise ».

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Le mot carême flirte avec celui de pénitence, quasiment une mise en quarantaine, alors qu’il est le temps d’un voyage ‑ et quel voyage ‑ s’agissant de quitter le pays de l’ombre pour celui de la lumière.

Quitter, c’est prendre de la distance avec ce qui enferme, parfois emmure, telle l’illusion des arrière-mondes et l’amertume des paradis perdus.

Le Carême est une élévation ; il s’agit de prendre de la hauteur, non point en rêvassant, mais dans cette recherche très concrète de changer et de faire changer des situations déshumanisantes.

Comment ?

Trois propositions qui concourent à être plus humain ‑ par-là même s’approcher du plus Divin ‑ sont offertes : l’aumône, la prière et le jeûne ; elles ne sont pas exclusives les unes des autres, mais complémentaires.

Quand l’une d’elles est absente ce serait partir, comme en montagne, pour une course solitaire alors qu’il s’agit de vivre un temps solidaire. Le Carême, une cordée, non point une corvée.

L’aumône est un prendre-soin de ceux confrontés à la souffrance et au désespoir. De l’isolement au reste pour vivre s’apparentant à une survie, les causes sont dramatiquement plurielles. L’heure n’est pas de juger mais de discerner ce qu’il est possible de susciter, de créer pour faire reculer l’inacceptable.

Magnifique Exultet la nuit de Pâques si la déshérence et l’errance s’effacent pour faire place à la délivrance.

La prière est une complicité avec le Christ n’oubliant point qu’Il nous appelle ses amis.

La course ‑ et le carême est de celle-là ‑ nécessite des refuges : le temps d’une halte pour se reprendre, aux fins de trouver les forces de poursuivre.
Les parois des refuges sont témoins de plaintes : « pourquoi suis-je là », ne serai-je pas un peu « maso » alors qu’il y a tant de plaisirs qui, en bas, m’attendent.

Les refuges sont le temps d’un passage – notre Pâque commencée – pour comprendre que les plaisirs passent et que, seul, le bonheur de se dépasser suscite une transformation.

Magnifique Exultet la nuit de Pâques pour avoir recherché non pas tant à gravir les sommets qu’à franchir des abîmes, à commencer par les nôtres.
Le jeûne est ce moment où l’on se met à la table de la Parole, creusant en nous une autre faim pour quitter les inessentiels et rejoindre ceux dont le cœur est si lourd qu’ils vivent agenouillés.

Magnifique Exultet la nuit de Pâques pour se laisser habiter par la Parole donnant chair à l’espérance.

Joyeux Carême.

Bernard Devert