Enseigner l'amour de la France - France Catholique

Enseigner l’amour de la France

Enseigner l’amour de la France

Alors que, à partir du 18 janvier 2021, le gouvernement tentera de trouver une réponse législative à l’islam politique, des enseignants misent sur la transmission amoureuse de l’histoire et de la culture françaises. Enquête.
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On peine à entendre le mot « France », dès lors que l’on écoute les débats entourant le projet de loi d’abord présenté comme étant « contre le séparatisme » ou « sur les séparatismes », avant de devenir celui « confortant le respect des principes de la République ». Fait révélateur : jamais le mot « France » n’est cité dans son introduction.

Préparé par le gouvernement, ce projet de loi est censé muscler l’arsenal législatif afin de lutter contre un « entrisme communautariste, insidieux mais puissant », « pour l’essentiel d’inspiration islamiste ». Ainsi donc, le gouvernement entend « en terminer avec l’impuissance face à ceux qui malmènent la cohésion nationale et la fraternité, face à ce qui méconnaît la République et bafoue les exigences minimales de vie en société ». Et également « conforter les principes républicains ». Pour lutter contre une volonté de séparation, il faudrait donc « conforter » des principes dont on peine à définir le contenu, à défaut de « faire adhérer ». Est-il pour autant impossible de susciter l’adhésion à la France et à son histoire ?

Logique victimaire à l’Éducation nationale

Le sujet est sensible, notamment chez les enseignants chargés de faire découvrir aux élèves la langue et l’histoire du pays, en particulier dans les quartiers dits « populaires ». Là, les professeurs font face à des classes dont les élèves sont, en grande partie, issus de familles d’origine extra-européenne, le plus souvent musulmanes. « Dans ces classes, l’islam est une évidence sociologique », note Jean-François Chemain, auteur de Tarek, une chance pour la France ? (Via Romana), qui a enseigné l’histoire pendant dix ans dans un collège de la banlieue lyonnaise, alors classé en « zone d’éducation prioritaire » (ZEP).

Aussi, pour proposer une histoire de France respectueuse des origines de chacun, l’Éducation nationale voudrait, selon l’enseignant, en « finir avec le ‘roman national’ et faire droit aux ‘exigences mémorielles’ de nos concitoyens descendants de ceux qui furent jadis ‘nos victimes’ ». « Mais cette approche est l’équivalent du tonneau des Danaïdes, fustige-t-il. Puisque nous sommes, dans cette logique, intrinsèquement coupables, alors plus nous ‘avouerons’ de crimes, plus ils en trouveront d’autres. »

Accent mis dans les manuels sur l’esclavage, la colonisation : l’approche, qui accentue le ressentiment que peuvent déjà éprouver certains élèves à l’égard de la France plutôt que d’enseigner l’amour de l’histoire du pays, est selon lui le reflet d’une volonté politique. « C’est un constat que d’affirmer que l’Éducation nationale, c’est-à-dire aussi bien ceux qui font les programmes que ceux qui font les manuels, est tenue par des personnes situées à l’extrême gauche », explique Jean-François Chemain. La disparition d’un enseignement traditionnel, qui déroulerait l’histoire de France en soulignant le souffle qui la traverse, au profit d’une accentuation de ses crimes, serait ainsi volontaire « de la part de gens qui veulent la révolution et qui pensent que les immigrés doivent être la main-d’œuvre de cette future révolution », poursuit l’enseignant.

Importance de la langue

Un mouvement analogue sévit dans l’enseignement du français. Cécile Ladjali, qui a longtemps enseigné à Bobigny (Seine-Saint-Denis) au lycée Louise-Michel – également classé « éducation prioritaire » – peut en témoigner. Écrivain, lauréate du prix Femina pour la Défense de la langue française en 2007, cette agrégée de lettres modernes est intarissable sur la beauté de la langue française et l’importance capitale des « Classiques » – ces grands auteurs de la littérature française dignes d’être étudiés en classe – dans l’éducation des jeunes.

« Nous sommes les victimes d’un Bourdieu mal digéré » analyse-t-elle, évoquant le sociologue français Pierre Bourdieu, pour qui les « dominants » infligeraient aux « dominés » une « violence symbolique ». « Mes amis énarques ou normaliens, tous très brillants, me parlent toujours de la violence symbolique que j’infligerais à mes élèves issus de l’immigration en leur parlant d’auteurs blancs, occidentaux, alors qu’eux viennent d’ailleurs » s’agace-t-elle. « Ils oublient la suite de la démonstration de Bourdieu : par l’éducation, on peut toujours s’en sortir. »

Avec cette logique, c’est donc toute la littérature française, tous les « Classiques », qui sont considérés comme au mieux trop compliqués, ou au pire trop violents pour une partie de la jeunesse de France. Alors, les professeurs devraient enseigner le français en s’adaptant aux modes actuelles, comme l’avaient recommandé l’Inspection générale de l’Éducation nationale et un responsable d’un institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) à Cécile Ladjali : « Pour emmener mes élèves jusqu’à la poésie versifiée, on m’avait suggéré de commencer par le slam ou le rap, s’indigne-t-elle. Mais si j’avais fait cela, mes élèves auraient été vexés, d’autant plus qu’ils détestent le confusionnisme. »

Ghetto linguistique

Pour autant, l’enseignante ne nie pas le décrochage d’une partie de la population vis-à-vis de la communauté nationale. « Le mot ‘séparatisme’ évoque bien le drame actuel pour moi : l’absence de dialogue, d’échange… Ces élèves vivent dans un ghetto linguistique, explique l’enseignante. Pour connaître l’autre et lancer notre pensée avec plus de justesse, il faut un langage commun, sinon le malentendu s’installe » note-t-elle encore. En octobre, le linguiste Alain Bentolila avait signé dans Le Figaro une tribune déplorant « la pénurie de mots » des adolescents qui les poussait à la violence, faute de pouvoir s’exprimer correctement. « Le pouvoir appartient à ceux qui ont les mots et la culture », abonde Cécile Ladjali, pour qui cette absence de références littéraires et artistiques ouvre grand la porte à la radicalisation religieuse. « Quand votre cerveau est un désert car il n’y a pas le souvenir de la littérature, de la musique, de la peinture, la place reste à prendre : c’est là qu’arrivent les prosélytes rageurs. Ne pas avoir les mots pour exprimer ce que l’on pense rend fou. Alors, on se repose sur des guides… »

Retrouvez l’intégralité de l’article et de notre « Grand angle » sur l’amour de la France et le séparatisme dans le magazine.