Enfin un président pour le Liban - France Catholique
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Enfin un président pour le Liban

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Le général Michel Sleimane a été élu le dimanche 25 mai, par 118 députés sur 127, onzième président du Liban, après six mois d’un blocage empêchant le pays d’avoir un chef de l’État et au moins un an et demi d’une fracture totale entre la majorité anti-syrienne et la minorité soutenue par la Syrie et l’Iran. Mais la force politique qui apparaît comme la plus en mesure de dicter ses conditions reste le Hezbollah, extrêmement présent dans tous les aspects de la vie libanaise.

Le général Michel Sleimane, commandant en chef de l’armée depuis dix ans, va devoir manœuvrer en permanence entre les antisyriens, soutenus par les Occidentaux et l’Arabie saoudite, et l’opposition dominée par les chiites. En fait, il y a de nombreux mois qu’il avait été choisi par les uns et les autres, mais le Hezbollah voulait officiellement disposer d’une position privilégiées dans son gouvernement. Il a fallu la signature, le 21 mai au Qatar, d’un accord pour sortir, au moins apparemment, de la crise.

Avec 11 ministres sur 30, le Hezbollah et ses alliés pourront imposer leur volonté sur des décisions graves, comme celles relatives à la sécurité de l’État. On n’ose donc plus parler du désarmement de sa milice, qui fait la pluie et le beau temps dans les territoires qu’elle contrôle. Mais il n’aura pas la possibilité d’empêcher la marche des affaires courantes, pour lesquelles seule la majorité absolue est requise, sans possibilité de veto.

Le fait que de nombreuses personnalités — entre autres l’émir du Qatar Hamad ben Khalifa al-Thani, le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner, les ministres des Affaires étrangères saoudien Saoud al-Fayçal, iranien Manouchehr Mottaki et syrien Walid Mouallem — se soient déplacées attestait le soulagement mais aussi la circonspection de beaucoup de pays étrangers. Le président George W. Bush lui-même a dit attendre « une nouvelle ère de réconciliation politique » qui lui permettrait peut-être de jouer un rôle au Proche-Orient dans les derniers mois de sa présidence, ne serait-ce que pour mieux surveiller la Syrie, source constante d’inquiétudes pour Washington.

Le général Sleimane a bien sûr lancé un appel à tous les Libanais, mais il sait que le Hezbollah fera tout pour renforcer son pouvoir — alors que, pour le moment, les chiites n’ont droit qu’à 20 % des députés. Il se trouve également bien placé pour savoir que la toute proche Syrie est encore incrustée dans l’appareil militaire, dans le renseignement et dans l’économie. Il n’ignore pas non plus le rayonnement du Hezbollah, auréolé de ses « victoires » contre Israël — lorsque l’État hébreu a évacué le Sud-Liban en 2000 et lorsqu’il n’a pas réussi à l’écraser en 2006. Pour beaucoup de musulmans, le Parti de Dieu représente l’espoir et il n’est plus considéré comme un ramassis de va-nu-pieds mais comme l’incarnation de la revanche contre Israël et l’Occident, d’où des liens récents avec le Hamas qui gouverne à Gaza.

On comprend qu’Israël s’efforce de sécuriser ses frontières et que les sempiternelles discussions avec la Syrie pour la restitution du Golan aient récemment connu une nette accélération. De toute manière, le Hezbollah aura toujours une base arrière en Iran, d’autant plus solide qu’elle repose sur la même appartenance religieuse, le chiisme. Du coup, on ne peut exclure un retournement des alliances, Damas et Jérusalem se partageant en quelque sorte le Liban.

Jean Etévènaux