Donner sa vie - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Donner sa vie

« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». À la lumière de Pâques, et alors que l’épidémie de covid-19 a pris d’impressionnantes proportions, cette phrase du Christ résonne de manière singulière. Bonne nouvelle : la capacité de l’homme à se donner, et même à se sacrifier, n’a pas disparu ! Existe-t-il une façon chrétienne de donner sa vie ? L’éclairage de l’abbé Christian Venard, aumônier militaire.
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La congrégation hospitalière des Filles de Saint-Camille en Italie, qui gèrent cinq hôpitaux. *

La congrégation hospitalière des Filles de Saint-Camille en Italie, qui gèrent cinq hôpitaux. *

© Figlie di san Camillo / youtube

Toute âme humaine, baptisée ou non, qui accepte de donner sa vie pour autrui se situe très exactement dans les pas du Christ. Qu’on se souvienne des paroles de saint Paul dans sa Lettre aux Romains : « Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs. » Existe-t-il cependant une différence réelle entre le non-baptisé qui donne sa vie dans un élan altruiste et solidaire – pour reprendre le vocabulaire du siècle –, comme les soignants, et le chrétien, mû par d’autres raisons ? Fondamentalement, la démarche est identique. Comme aumônier militaire, je côtoie de nombreux militaires non chrétiens : à partir du moment où ils ont accepté de faire le sacrifice de leur vie – la notion d’acceptation est capitale – leur engagement s’apparente à une démarche chrétienne. Non pas qu’il faille les considérer comme des chrétiens qui s’ignorent. Ce serait une tentative de récupération très inappropriée.

La liberté de Dieu

Mais, par le sacrifice qu’ils acceptent, Dieu dans sa pleine et miséricordieuse liberté peut les incorporer à son Église même s’ils ne le savent pas. C’est la raison pour laquelle on ne connaît pas les limites physiques de l’Église. Le moyen ordinaire de lui appartenir, reste bien sûr le baptême. C’est toutefois un enseignement constant depuis les origines que le Christ peut intégrer à son Église, son propre Corps, des membres non baptisés. Combien de martyrs des premiers siècles furent reconnus comme tels, alors qu’ils n’étaient pas baptisés ? Dès le début du IIe siècle, l’Église a ainsi parlé du baptême du sang. Où se situe alors la différence ? Sans doute dans le fait qu’il s’agit presque d’une obligation pour le baptisé !

Une démarche normale pour le baptisé

Par son baptême, toute sa vie est en effet conformée à la Croix. En étant volontairement provocant, on pourrait presque affirmer que le chrétien a moins de mérite à se sacrifier que le non-baptisé ! Donner sa vie devrait être la démarche normale du baptisé.

Inversement, il est magnifique de pouvoir admirer chez un non-baptisé une telle empathie, purement humaine, allant jusqu’au sacrifice de sa vie. Force de l’amour au cœur de tout être humain ! Le chrétien, lui, est censé s’être préparé à cela toute sa vie, en contemplant le Christ Jésus et en s’imprégnant de ses enseignements. Le Christ le dit très nettement dans l’Évangile de saint Jean : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » Affirmation à rapprocher de cet enseignement en saint Matthieu : « Mais moi je vous dis, aimez vos ennemis. »

Le baptisé est désormais appelé, s’il veut suivre radicalement Jésus, à donner sa vie pour quiconque, y compris pour ses ennemis. Il n’y a pas d’échappatoire possible pour lui : être prêt à donner sa vie pour être en cohérence avec sa foi ! Il est facile d’affirmer cela, confortablement installé dans son jardin ou son salon. Beaucoup moins de savoir comment l’on réagirait si l’on était placé en situation de sacrifice.

Le courage se révèle face au danger

Soyons humbles : c’est face au danger que se révèle notre éventuel courage. Dieu qui s’est fait homme comprend aussi notre faiblesse. En son agonie à Gethsémani au début de Sa Passion, le Christ lui-même a demandé à son Père d’éloigner le calice. La foi catholique n’est pas un stoïcisme ! Nous appartenons à une Église composée de pécheurs, disposés à la faiblesse – la fameuse concupiscence – et ayant besoin sans cesse du pardon de Dieu. Depuis notre baptême, nous recevons aussi, heureusement, des grâces qui nous disposent à pouvoir suivre le Christ et, s’il le fallait, à accepter le sacrifice ultime. Cela s’entretient aussi par l’acceptation humble des croix et des petits sacrifices du quotidien.

À ces grâces s’ajoute la promesse pascale de la Résurrection. À la différence du non-baptisé, le chrétien sait – dans la mesure où sa foi l’en assure – qu’en donnant sa vie, il va trouver son Seigneur. La mort n’est qu’un passage qui permet la rencontre avec Celui qu’il est censé aimer de tout son cœur, de toute son âme et par-dessus toute chose. Commandement indissociable du suivant : aimer son prochain comme soi-même. Le sacrifice du chrétien n’est donc pas un saut dans le néant, même si dans son humanité il a le droit d’avoir peur de la mort. Mais il sait que de l’autre côté Quelqu’un l’attend. 

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* À Trévise, Brescia et Crémone, leurs institutions sont chargées d’aider les personnes infectées par le Covid-19, s’exposant directement au risque de contagion. Ces religieuses ont fait un quatrième vœu : servir les malades même au prix de leur vie.

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Retrouvez l’intégralité de notre Grand Angle : « Donner sa vie » dans le magazine.