Devrions-nous évangéliser les protestants ? - France Catholique
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Devrions-nous évangéliser les protestants ?

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Le concile de Trente, Pasquale Cati, 1588.

Le concile de Trente, Pasquale Cati, 1588.

[Santa Maria Trastevere, Rome]

Certains catholiques disent que nous devrions cesser d’évangéliser les protestants. « Nettoyons d’abord notre propre maison avant d’y inviter nos frères Chrétiens » était un des commentaires sur un de mes articles récents qui présentait une réplique catholique à un éminent théologien baptiste. Un autre lecteur argumentait que, plutôt que d’essayer de persuader les protestants à devenir catholiques, nous devrions « nous aider les uns les autres à répandre l’amour de Dieu dans ce monde qui semble tomber en pièces devant nos yeux ». En tant que converti du protestantisme, et engagé activement dans le dialogue œcuménique, j’entends très fréquemment cette sorte de raisonnement. Et c’est complètement faux.

Un argument commun en faveur de la suppression de l’évangélisation des protestants par les catholiques, est que l’Église catholique, embourbée dans les abus sexuels et les scandales de corruption, les abus liturgiques, les mouvements hérétiques, et une catéchèse inégale, est dans un tel désordre que ce n’est pas, au moins pour le moment, un lieu adapté à la réception d’autres chrétiens.

Il y a outre cela de nombreux autres problèmes. Pour commencer, quand est-ce que l’Église n’a pas été infestée par des crises internes ? Au 4ème siècle, une majorité d’évêques était trompés par l’hérésie arienne. Puis l’Église médiévale souffrit sous le poids de la simonie et d’un sacerdoce laxiste, de même pour la Papauté d’Avignon et le Schisme d’occident culminant avec trois hommes revendiquant, simultanément, d’être pape. Puis la Contre-Réforme, malgré ses gloires artistiques, missionnaires et catéchétiques, fut aussi minée par la corruption et des hérésies (Jansénisme). Le catholicisme n’a jamais réussi à échapper à de telles épreuves. Tout ceci n’a pas empêché les efforts missionnaires de st Martin de Tours, de St Boniface, de St François de Sales, St Ignace de Loyola ou Ste Thérèse de Calcutta.

L’argument de « la maison propre des catholiques » sape aussi notre propre théologie. Est-ce que l’Eucharistie est « la source et le sommet de notre vie chrétienne » comme Lumen Gentium l’a prêché ou non ? Si c’est le cas, comment pourrions en bonne conscience ne pas diriger les autres Chrétiens vers cette puissance salvatrice ? Jésus lui-même déclarait « En vérité, en vérité, je vous le dis, à moins que vous ne mangiez pas la chair du Fils de l’Homme, et buviez Son Sang, vous n’aurez pas la vie en vous » (Jean 6 ;53). Notre Seigneur déformait-il l’Eucharistie ?

Ou que dire du fait que la plupart des Églises protestantes permettent la contraception, qui est un péché mortel ? Ou que les protestants n’ont pas recours aux sacrements de la Pénitence ou de l’Extrême Onction ? Proclamer que les protestants n’ont pas besoin de ces parties essentielles de la foi catholique a pour effet de suggérer implicitement que nous non plus n’en n’avons pas besoin.

En outre, au cours des générations suivant la Réforme, Rome a été capable de récupérer en son sein de nombreux protestants qui ont apporté une contribution incalculable à l’Église. La conversion de St Henry Newman a inauguré un réveil catholique en Angleterre, et nous donna une articulation robuste du concept du développement doctrinal. La conversion du pasteur luthérien français Louis Bouyer influença les enseignements de Vatican II. La conversion du bibliste Scott Hahn, en 198O, revitalisa l’étude de l’Écriture Sainte.

Un autre argument populaire en faveur de la limitation de l’évangélisation des protestants implique une guerre de la culture. Certains invoquent que les catholiques et les protestants théologiquement conservateurs partagent une base commune importante sur différents thèmes : avortement, homosexualité, transgenre, euthanasie, liberté religieuse, etc… Le sécularisme, la révolution sexuelle, et les progressismes antireligieux représentent une menace existentielle à la survie à la fois des catholiques et des protestants et donc nous devons travailler ensemble et non polémiquer. Une personne commentant mon article écrivit : « Arrêtons toutes critiques à leur égard. Croyez-moi, à l’époque où nous en sommes nous devons nous soutenir mutuellement, ou nous serons pendus séparément aux gibets devant nos propres églises »

Cette ligne de pensée a certainement une force rhétorique : nous ne pouvoir avoir pas le luxe de débattre avec les protestants alors que les progressistes planifient notre mort imminente ! Le débat œcuménique nous distrait de l’auto-préservation. Un problème avec cet argument est qu’il réduit notre témoignage chrétien à un jeu à résultat nul- nous devons focaliser tous nos efforts dans le combat séculier contre le progressisme ou nous échouerons. Déjà, l’Église a beaucoup de missions dans son pré carré – que les catholiques investissent une grande énergie dans le mouvement pro-vie, ne signifie pas que nous ne devrions pas aussi focaliser nos efforts sur d’autres sujets importants : protection de la santé, l’éducation, assurer la liberté religieuse ou le combat contre la pauvreté ou le problème de la dégradation de l’environnement. Tout ceci, de différentes manières, est une partie de l’humanité florissante. Même si nous considérons que quelques questions sont plus urgentes que d’autres, aucune ne devrait être ignorée.

En outre, il y a une grande différence entre les polémiques et les discussions charitables, et fructueuses destinées à résoudre des opinions divergentes. Les premières pouvant causer du mauvais sang. Les dernières, cependant, peuvent renforcer l’unité et la clarté de nos objectifs.

Considérez combien serait plus fructueux notre combat contre les dégâts de la révolution sexuelle si nous persuadions les protestants qu’ils ont besoin de rejeter les choses comme la contraception et la position la plus permissive envers le divorce qu’ils ont laissé s’infiltrer dans leurs Églises. Considérez comment les non-chrétiens pourraient apprendre de conversations œcuméniques charitables qui ne se transforment pas en insultes et diffamation.

Finalement, abandonner ou minimiser l’évangélisation des protestants c’est ne pas reconnaître comment leurs prémices théologiques et philosophiques ont contribué au problème même auquel nous sommes confrontés maintenant. Ainsi que The Unintended Reformation, le livre de Brad Gregory le démontre, la nature même du protestantisme a contribué à l’individualisme, au sécularisme, et au relativisme moral de notre époque. Une composante cruciale de notre témoignage catholique aide les Protestants à reconnaître ceci, car même lorsqu’ils ont les meilleures intentions, leur paradigme sape leur contribution à collaborer avec nous dans la guerre culturelle.

Pour ma part je suis très reconnaissant du fait que des catholiques – beaucoup d’entre eux sont d’anciens protestants – m’aient persuadé de voir les problèmes inhérents au protestantisme, et la vérité indiscutable du catholicisme. J’ai trouvé et épousé une fervente catholique, et j’élève des enfants catholiques. La tradition catholique m’a appris à prier, adorer et penser d’une manière tout à fait différente. Cela me peine de penser à ce que serait ma vie si je ne m’étais pas converti au catholicisme.

Pourquoi se donner la peine d’évangéliser les protestants dévots ? Parce que ce sont des gens comme moi.

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À propos de l’auteur

Casey Chalk contribue à Crisis Magazine, The American Conservative, et New Oxford Review. Il a des diplômes en histoire et en enseignement de l’University of Virginia et un master en théologie du Christendom College.