Dans l'intérêt de l'Eglise - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Dans l’intérêt de l’Eglise

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Une prédiction : les révélations sur McCarrick vont se révéler être une bonne chose. Comment cela ? Eh bien , une partie de l’histoire des abus homosexuels de prêtres est la tentative de dissimulation. Nous savons cela – et aussi que la dissimulation amplifie le crime.

Lorsqu’un bon prêtre a découvert les péchés homosexuels d’un mauvais prêtre (ne parlons même pas d’un évêque), si ce bon prêtre est allé trouver son curé ou un évêque (ne parlons pas d’un archevêque), il est probable qu’il aura entendu à peu près ceci :

Merci, père. Nous devons faire quelque chose à ce sujet et nous allons le faire ! Mais dans l’intérêt de l’Eglise, vous ne devez en parler à personne d’autre. Les médias se jetteraient sur une telle histoire pour discréditer le catholicisme lui-même. Vous êtes courageux de vous être manifesté. Mais je ne veux pas que vous risquiez votre carrière en devenant le point de mire d’une enquête en cours qui fait sensation.

C’est un difficile obstacle à franchir dans une Eglise qui valorise la hiérarchie et la discipline. Mais je prédis que une grande majorité de prêtres ayant connaissance de péchés homosexuels (et également hétérosexuels) commis par d’autres prêtres (sans parler d’évêques) vont commencer à se manifester.

J’espère qu’ils le feront – tous, sans exception. Parce que le ruissellement du scandale fait réellement souffrir l’Eglise. Si une digue doit céder, nous devrions l’accueillir favorablement : un torrent pour nettoyer la fange.

Laissons venir le flot : de démissions et de réductions à l’état laïc – peut-être par centaines. Ce sera déstabilisant et, comme conservateur, je frémis à cette perspective. Mais les miasmes sont maintenant intolérables. Les remugles de la suspicion s’attachent à tous les évêques, si pas également à tous les prêtres.

Il faut également reconnaître que les prêtres violeurs de mineurs ne sont qu’une partie du problème. Le rapport John Jay (NDT : étude réalisée par le John Jay College of Criminal Justice et ayant pour titre « la nature et l’ampleur du problème des abus sexuels sur mineurs par les diacres et les prêtres aux Etats-Unis ») de 2004 contient quelques bonnes données de la crise. Mais son champ se limite aux abus sur mineurs de moins de 17 ans. Aucune recherche n’a été effectuée sur les frasques de prêtres avec des hommes de 18 ans et plus.

Ces données révéleraient probablement un scandale beaucoup plus étendu – qui ferait exploser la conclusion maîtresse des chercheurs de John Jay tout comme celle de l’équipe d’enquête du Boston Globe et des gens comme le père James Martin S.J., à savoir que les scandales « n’ont absolument rien à voir avec l’homosexualité ». Cela ne peut tout simplement pas être vrai.

Je vais maintenant vous faire un récit auquel j’ai parfois fait allusion dans ces colonnes. Mais je vais d’abord vous répéter ce que j’ai dit à des amis proches, dont certains contribuent à ce site. Si j’avais connu en 1973, alors que je me préparais à entrer dans l’Eglise catholique, ce que nous savons maintenant de l’ampleur de la prédation homosexuelle dans la prêtrise et par conséquent le nombre de rencontres de pécheurs homosexuels parmi les prêtres, ados et hommes, je ne serais pas devenu catholique. Dieu merci, je n’en savais rien, parce que – en dépit des scandales – je ne peux imaginer un autre domicile spirituel.

Je disais donc…

Peu après ma profession de foi (je ne peux me rappeler quelle saison c’était car cela se passait en Californie), je suis rentré trop tard du travail pour la messe de 17 h à l’église que je fréquentais. Le célébrant, qui serrait des mains à l’extérieur, m’a indiqué qu’il y avait une messe à 18 h dans une église à quelques kilomètres de là et j’ai pris le volant pour m’y rendre.

A la fin de la messe, un prêtre s’est approché de moi sur le parking. Il a dit qu’il ne m’avait encore jamais vu à la messe auparavant. J’ai expliqué pourquoi, et il a dit :

– Je voudrais vous demander quelque chose mais je ne veux pas faire vaciller votre foi.

– Comment cela ?

– C’est quelque chose de personnel.

– Hein ? (j’ai jeté les bras au ciel)

Pour faire court, il a dit qu’il voulait avoir des relations sexuelles avec moi.

– Vous avez fait vœu de chasteté, ai-je dit.

– Non, non. Vous êtes nouvellement catholique. J’ai fait vœu de célibat – de ne pas me marier – pas de chasteté. Compris ?

J’ai filé vers ma voiture.

Quelques mois plus tard, de retour chez moi dans l’Ohio où j’ai grandi, je suis de nouveau allé à une messe du soir et comme je recevais la communion, le prêtre m’a murmuré : « venez me voir à la sacristie, d’accord ? »

Je suis gêné de dire qu’aucune alarme ne s’est déclenchée dans mon esprit.

Ce type était des plus subtils. Il m’a demandé si j’accepterais de venir avec lui pour dire la bénédiction avant un match de basket dans un lycée quelques jours plus tard.

A la fin du premier quart-temps, il a dit : « merci de me tenir compagnie ; je vous dois un verre ». Nous avons donc roulé jusqu’à un bar que je n’avais jamais vu et dont je n’avais jamais entendu parler, dans le centre-ville de Colombus. Quand nous sommes descendus de voiture, il a ouvert le coffre, ôté son col romain et enfilé un veston tout-à-fait assorti à celui que je portais.

J’ai ressenti un sentiment de naufrage. Oui, c’était bien un lieu de prédilection pour les homosexuels.

« Vous prenez quoi ? » a-t-il demandé.

J’ai répondu : « une bonne vieille bière » et il est allé la chercher.

Le bar était à 8 km de chez moi. Je me suis éclipsé en vitesse, j’ai couru quelques pâtés de maison et j’ai marché le reste du chemin pour rentrer.

Ensuite, j’ai visité un séminaire, envisageant une vocation sacerdotale (j’ai également visité un autre séminaire et deux monastères). Le directeur des vocations m’a emmené dîner, rebelote. Je ne répéterai pas ici ce que je lui ai dit alors.

A ce stade, j’étais catholique depuis moins de six mois. Le résultat a été que je me suis tenu à l’écart des prêtres les quinze années qui ont suivi, grosso modo jusqu’à ce que je rencontre les pères Neuhaus, Rutler et Schall.

Ce témoignage anecdotique ne prouve rien. Et j’en dirais autant du slogan « tout le monde savait » pour l’affaire McCarrick. Certains oui, mais la plupart des gens n’avaient aucun indice. Tant que vous n’étiez pas atteint par la rumeur, vous n’étiez au courant de rien.

Mais je ne suis pas le seul adulte à avoir été dragué par un prêtre. Et je ne suis probablement pas le seul type à qui c’est arrivé trois fois.

Assainissons le marécage – dans l’intérêt de l’Eglise.


Brad Miner est rédacteur en chef de The Catholic Thing, membre de l’institut Foi & Raison et membre du bureau de Aide à l’Eglise en Détresse USA.

Illustration : l’ancien officiel du Vatican Krzysztof Charamsa a été destitué et réduit à l’état laïc après avoir révélé son homosexualité

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/07/30/for-the-sake-of-the-church/