Dachau, l’expérience fondatrice - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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Dachau, l’expérience fondatrice

Né il y a 110 ans, l’abbé Robert Beauvais (1910-1997), a survécu in extremis à l’enfer du camp de Dachau, dont on célèbre la libération, il y a tout juste 75 ans. Tout entier tourné vers Jésus-Christ, ce prêtre d’exception garda toute sa vie les stigmates de l’expérience concentrationnaire. Et les fit fructifier ensuite comme éducateur-modèle.

Vie du Père Beauvais : camps de la mort, patronages…

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La carte de déporté de l’abbé Beauvais porte la mention des deux camps dans lesquels il fut envoyé : Buchenwald et Dachau.

La carte de déporté de l’abbé Beauvais porte la mention des deux camps dans lesquels il fut envoyé : Buchenwald et Dachau.

© Collection particulière

Les noctambules et insomniaques qui, dans les dernières décennies du siècle passé, arpentaient les allées du Champ-de-Mars, à Paris, se souviennent peut-être avoir croisé sur leur chemin un homme solitaire, chapelet à la main, absorbé dans sa méditation. Quand elle n’était pas recouverte d’un manteau, sa veste laissait apparaître à son revers une croix et la rosette de la Légion d’honneur.

Prêtre, déporté-résistant, le Père Beauvais – qui exerçait son ministère à la paroisse Saint-Léon toute proche – éprouvait chaque nuit ou presque le besoin de brider par la prière et la marche les images parfois insupportables qui pouvaient l’accabler au cœur de la nuit. Les camarades squelettiques, l’empilement de leurs cadavres désarticulés, les hurlements des SS et les aboiements de leurs chiens, la fumée du crématoire et son odeur âcre, les ricanements et les blasphèmes des kapos, le travail exténuant dans les kommandos… Et ce prêtre qui ne l’avait pas averti de la perquisition imminente de la Gestapo. Et ces autres confrères, presque gênés de le voir revenir, comme un reproche vivant, d’une Allemagne transformée en champ de ruines. Sa chambre au presbytère, dans laquelle ses effets personnels avaient été empilés dans un réduit. Et bien sûr, le visage de deux femmes, sa mère Marguerite et sa sœur Renée, comme lui au réseau Comète, toutes deux assassinées à Ravensbrück (cf. p. 15).

Vocation à l’âge de huit ans

Robert Beauvais est né le 6 mars 1910 dans un milieu simple. Il aurait donc eu 110 ans cette année. Son père est chauffeur de taxi et sa mère concierge. Sa vocation se manifeste dès l’âge de huit ans. Après les années de séminaire, à Issy-les-Moulineaux et à Fontgombault, il est ordonné prêtre le 29 juin 1936 en la cathédrale Notre-Dame de Paris, qui accueille pour la première fois les ordinations sacerdotales du diocèse, jusqu’alors célébrées à Saint-Sulpice. Le lendemain, il dit sa première messe à Stains. En plein Front populaire, il est envoyé en mission au service de la jeunesse à Alfortville, au confluent de la Seine et de la Marne. C’est une ville « rouge ». Son maire, Marcel Capron, ancien tourneur, est un communiste endurci qui prendra quatre ans plus tard, sous l’Occupation, le chemin de la collaboration. Robert Beauvais s’engagera pour sa part sur la voie pleine de dangers de la résistance intérieure.

Dès septembre 1940, il participe aux toutes premières actions en faveur des aviateurs britanniques abattus sur le sol de France. Ils ne sont alors qu’une poignée à s’engager ainsi, faisant preuve d’une admirable témérité. Mais les initiatives éparses se structurent peu à peu. Le réseau Comète, à partir de juin 1941, devient une des filières d’évasion les plus efficaces pour évacuer les pilotes vers Gibraltar via l’Espagne. En 1942, devenu vicaire de la paroisse Saint-Thomas-d’Aquin, à Paris, l’abbé Beauvais en est une cheville ouvrière majeure. Sa mère et sa sœur aussi. Cacher les fugitifs, les munir de faux papiers, leur fournir des vêtements et des fonds sont autant d’actions qui exigent un courage, un sang-froid et une discrétion à toute épreuve.

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