D’où vient le transhumanisme ? - France Catholique
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D’où vient le transhumanisme ?

Le transhumanisme découle d’un rêve d’autocréation qui remonte au péché originel. Mais jamais la technique n’avait à ce point permis le déploiement de ce fantasme.
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Comment comprendre l’émergence soudaine et la montée en puissance fulgurante de l’idéologie transhumaniste ? Et quel est le point commun entre tous ces concepts, qui déboulent à jet continu sur les sociétés occidentales depuis une quinzaine d’années ? « Gender studies », « transgenrisme », « transidentité », « humanité augmentée » – tout cela semble proliférer comme un rhizome, horizontal, indéfini, sans forme, à la façon de l’acronyme de plus en plus bizarroïde qui sert de collecteur à toutes ces lubies : « LGBTTTQQIAA. »

Tout cela pourtant se ramène à un principe simple qui rend raison de la série tout entière : l’homme créateur de lui-même. L’idée vient de loin – du péché originel en toute rigueur ! – mais c’est à notre époque seulement qu’elle a trouvé les moyens de se déployer jusqu’à ses dernières conséquences. À la Renaissance déjà, l’idée de liberté avait été radicalisée : l’homme était censé faire exception au sein de la création et n’avoir tout simplement pas de nature propre. L’idéal, dès lors, n’était plus de faire fructifier ce que l’on a reçu, mais de se construire soi-même. Pic de la Mirandole, j’y reviens toujours, s’exclamait : « Suprême et admirable félicité de l’homme ! Il lui est donné d’être ce qu’il veut ! Qui n’admirerait notre caméléon ? »

Des enfants à la carte

Combiné au progrès technique, cet idéal a fait germer à la fin du XIXe siècle le projet d’une « production » d’un « homme nouveau » par la sélection génétique : l’eugénisme. Discrédité, y compris auprès des progressistes, par la dimension directement homicide qu’il prit sous le IIIe Reich – qui assassinait les adultes handicapés –, l’eugénisme est revenu sous des formes plus compatibles avec la sensibilité libérale : avortement quasi-systématique des embryons porteurs de la trisomie 21 – homicide qui a le mérite d’être moins visible – mais aussi, et ce sont les grandes nouveautés de notre temps : fabrication des enfants « à la carte » par les « parents » ; promotion de la transsexualité pour habituer les populations à l’idée que l’homme est une sorte de « Mécano », montable et démontable à l’infini ; investissements de milliards d’euros dans des recherches visant à « tuer la mort » et à « augmenter » notre cerveau par l’insertion de puces électroniques.

Des conséquences en cascade

Ce projet d’artificialisation de la vie humaine part du principe que nous ne sommes pas notre corps, mais que nous avons un corps. Comme si nous étions des anges tombés dans une machine. Et il s’apprête à faire en sorte que ce soit à l’industrie de nous le fournir en pièces détachées : des muscles, des yeux, de la mémoire, une connexion Internet dans le cerveau, etc. Les conséquences en cascade sont gigantesques : la procréation pourrait ressembler à la conception d’une cuisine chez Ikéa, avec le cycle consumériste habituel : rêve de perfection, illusion de maîtrise, déception, retour au service après-vente, plainte, regret de n’avoir pas attendu un peu plus pour avoir le nouveau modèle, angoisse face à l’obsolescence, comparaison avec autrui, envie de changer, lassitude, dégoût. Bref, la vie fabriquée pourrait connaître le sort de n’importe quel produit.

Le paradoxe transhumaniste

Le cœur du problème est le suivant : la vie produite n’est plus une vie reçue. La vie fabriquée n’est plus une vie donnée. Le corps augmenté par des puces et des organes bioniques ne serait pas « Moi » – je ne saurais progressivement plus rien faire, sinon me connecter à mes instruments automatiques. Et si j’enregistrais de bonnes « performances », ce n’est pas moi qu’il faudrait féliciter, mais mon pharmacien, mon prothésiste ou mon programmeur. Je serais le spectateur d’une sorte de vie virtuelle. Le Moi proprement humain disparaîtrait, privé de son ancrage, de sa limite, de son effort, de son incarnation. Alors même qu’il se prétendrait « augmenté », il serait d’une terrible vulnérabilité : il suffirait de le débrancher !

Au-delà, on peut même supposer que le constructivisme bionique cherche à supprimer les causes les plus profondes de ce qu’il appelle le « malheur humain ». Non plus seulement les déficiences organiques mais l’inquiétude métaphysique, la dualité sexuelle, l’insatisfaction à l’égard des choses finies. Et si l’on en venait ainsi à modifier la nature pour supprimer l’inquiétude de l’infini, alors nous pourrions vivre une vie interminable d’ennui sans nous ennuyer, et regarder passer les trains jusqu’à l’Apocalypse. C’est l’idée qui pourrait bien finir par naître dans l’esprit de l’homme immortel qu’on nous prépare : devenir des bêtes. Ce serait là l’ultime résultat du constructivisme.

La nature humaine n’est pas auto-fondée

Il semble donc qu’en dernière instance, la nature humaine ne soit pas auto-fondée : ce qui la justifie, ce qui justifie qu’on ne la modifie pas, qu’on ne l’efface pas de la surface de la Terre, qu’on ne construise pas autre chose à la place, est extérieur à elle, c’est le Créateur lui-même.

Cela veut dire que, sans la Grâce, il est possible que la nature se lasse d’elle-même et veuille se supprimer. C’est donc en dernière instance à la Grâce qu’il faut demander non seulement le salut de notre nature, mais son maintien contre les assauts de la Grande Fatigue occidentale.