Claude Quétel : « La Révolution contre-fonde l’histoire de France » - France Catholique

Claude Quétel : « La Révolution contre-fonde l’histoire de France »

Claude Quétel : « La Révolution contre-fonde l’histoire de France »

Historien, ancien directeur scientifique du Mémorial de Caen, Claude Quétel a récemment publié une histoire iconoclaste de la Révolution Française (« Crois ou meurs ! », Tallandier). Entretien.
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Léon-Maxime Faivre, La mort de la princesse de Lamballe - 3 septembre 1792 (1908) - DR

claude_quetel.jpg La Révolution française est-elle devenue davantage un mythe qu’un fait historique ? C’est le grand mythe fondateur de la République. Toutes les nations fondent leurs histoires nationales sur des mythes. Il s’agit donc de les apercevoir et de les identifier. Mais pour ceux qui n’y parviennent pas, l’histoire de France, à bien des égards, commence en 1789. Or il s’agit bien là d’un mythe qui refonde artificiellement l’histoire de France. Cette refondation est la mère d’une République française, qui ne va naître que 80 ans plus tard, en dépit de ses errements et de son horreur. La Révolution a-t-elle fondé l’histoire de France ? Assurément non. Je dirais même qu’elle la « contre-fonde ». Mais nous ne sommes pas nombreux à le penser… Ce mythe exigeait-il de « tuer le père » ? Louis XVI était une victime et manquait d’envergure. Robespierre, Saint-Just et tous les jacobins, l’avaient bien perçu. Mais qu’importe. C’était le roi : il fallait l’éliminer. Les thuriféraires de la Révolution présentent souvent son exécution comme un épisode tout de même malheureux. Mais elle n’est pas un incident de parcours : elle s’inscrit dans une pure logique révolutionnaire. Symboliquement, on se régénère ainsi en tuant le père. Politiquement, on empêche tout retour en arrière. Robespierre est très clair : il ne s’agit pas de juger Louis XVI, mais de le condamner et de le faire disparaître. Louis XVI a-t-il simplement manqué de poigne ? Le courage de Louis XVI au pied de la guillotine n’est pas discutable. Sa principale faille n’était pas un manque d’intelligence ni même de courage mais sa faiblesse à la tête de l’État. Exercer le pouvoir suppose de savoir faire usage de la violence. Or le roi s’interdisait de faire verser le sang de ses sujets. Résultat : ce sont des flots de sang qui ont été déversés. Au début des états généraux, Louis XVI avait toute faculté pour éliminer les fauteurs de troubles, quand les députés du Tiers État ont outrepassé leur rôle et ont voulu se déclarer Assemblée nationale. Il lui suffisait de dissoudre les états généraux mais il ne l’a pas fait. Faute de réaction dès le départ, l’escalade était inévitable. En quoi les germes de la Terreur sont-ils présents dès 1789 ? On peut déjà les repérer dans le poison du philosophisme qui a surgi avec les Lumières. Les utopies de l’époque – comme la bonté naturelle de l’homme vantée par Rousseau, le contractualisme [théorie qui pense l’origine de la société comme un contrat entre les hommes NDLR] ou l’égalitarisme – sont considérées à la cour que comme d’aimables propos de salon. La police de l’Ancien Régime ne s’y intéresse nullement. En 1789, les futurs jacobins sont porteurs de ce message des Lumières. Pourtant, ces hommes – des avocats, des syndics procureurs, des journalistes – ne sont qu’une minorité, alors que la France est composée à l’époque de 95 % de petits paysans, d’artisans. Où est le peuple sans cesse célébré par les Révolutionnaires ? Nulle part ! La guerre de Vendée fut-elle en revanche une révolte populaire ? Si on doit parler du peuple pendant la Révolution, c’est précisément pendant la guerre de Vendée. Les exactions de la Révolution ont été telles qu’elles ont fini par provoquer une levée de boucliers générale, même si elle est difficilement mesurable. Est-ce tout le peuple vendéen qui a refusé ? J’ai tendance à penser que oui. La Convention a d’ailleurs eu tellement peur de cette dimension populaire qu’elle a déclenché une véritable guerre, considérée par beaucoup comme un génocide au sens juridique actuel du terme. Mais qu’il s’agisse ou non d’un génocide, quel bilan effroyable ! La Révolution est une succession de monstruosités. L’usage de masse de la guillotine, la Vendée, les guerres incessantes, ont fait environ un demi-million de morts. Le tout pour aboutir à Bonaparte et aux deux millions de morts des guerres impériales. Tout est beauté dans les idées, tout est horreur dans les faits. ( …) Retrouvez l’intégralité de l’entretien dans le magazine.