Chronique des traumatismes - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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Chronique des traumatismes

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Conversion de saint Paul, Michelangelo

Conversion de saint Paul, Michelangelo

Chapelle Paolina, Vatican

C’est vrai, j’ai déjà écrit sur ce même thème. Mais j’ai davantage à dire. Et, tout au moins pour l’époque présente, je suis convaincu que ce que je vais dire mérite attention.

Mes propres lectures sur les saints Martyrs, ceux des premiers siècles mais également les plus récents, me persuadent que les saints étaient heureux, et le restent.

Ils avaient, mes lecteurs l’admettront, à se plaindre de quelques petites choses. Chaque cas est particulier, mais tous ont en commun que les saints en question n’étaient pas très bien traités par le monde.

Nous pourrions dire qu’ils avaient, qu’ils ont toujours, de bonne raisons de se plaindre, qu’il y ait ou non quelqu’un pour les écouter. Peut-être y a-t-il eu des moments ignorés où ils ont été tentés de pester. Qu’ils aient ou non cédé à cette tentation est une autre histoire.

Ici, nous considérons non seulement les témoins qui ont affronté la mort en toute connaissance de cause, mais également ceux qui ont survécu. En plus des cadavres, je pense aux gens pourrissant en prison de nos jours en Chine, en Australie, en Amérique, suite à des accusations mensongères. Pour certains, la mort serait plus supportable.

Mais il n’y a pas de limite de temps au témoignage. Nos corps ne peuvent encaisser qu’une certaine quantité de souffrance, et personne ne peut vivre éternellement en ce bas monde. Les forces de la nature mises à part, nous sommes tous susceptibles de nous tourner vers l’avenir pour le soulagement des souffrances de ce monde.

Il en serait ainsi même s’il n’y avait pas de Dieu ; même si nous, chrétiens fervents, en savons plus. Nous savons également, par la foi, que nous pouvons nous tourner vers Lui, dans les moments où notre destin semble insupportable. Nous ne savons pas comment Il répondra, mais nous savons qu’une réponse viendra.

Dans le sens le plus absolu, nous sommes « libérés ». Nous sommes entièrement débarrassés de la nécessité de lamentations continuelles. C’est un réconfort de savoir qu’il y a des choses que nous n’avons pas besoin de faire, et l’une d’entre elles est paniquer.

« Cela vous est facile à dire », me suis-je entendu dire de temps en temps. On a instinctivement envie de riposter. Mais c’est également une action inutile, puisque aucune de nos ripostes ne marchera. En toute fin, bien que le fait soit peu connu, les gens ne sont pas convertis par des arguments, mais par effet de mode.

J’utilise facétieusement à dessein ce dernier mot. Tant ont été convertis de cette façon (on ne peut pas savoir combien) au sein des légions romaines et parmi d’autres persécuteurs. C’était une surprise pour leurs compagnons. Tout soudain, l’homme qui aidait à tuer la victime annonce : « je veux être comme lui ».

Car la victime a offert un exemple puissant de comment vivre et mourir. Mais il y a plus que cela. Nous le devinons, si nous pensons sur un plan pratique.

Il y a les anges, même si nous ne les remarquons pas. Le martyr les a presque certainement appelés à l’aide. Ils sont « dans la pièce » – dans l’espace psychique mystérieux où se vit le martyre. Les circonstances sont intenses.

Nous parlons de « possession démoniaque » si nous parlons comme parlait le Christ, mais qu’en est-il d’une soudaine possession angélique ? On pourrait commencer à apercevoir le mécanisme par lequel le bon, le vrai et le beau passent d’une personne à une autre.

Il en est ainsi, généralement, dans les témoignages sur les saints. Leur sainteté est contagieuse. Nous ne pouvons pas prédire comment cela se propage ; ce n’est pas le virus de la grippe. Mais le mysticisme que nous pouvons si facilement détecter quand nous sommes mis en contact avec certaines personnes pieuses – y compris celles avec seulement une renommée locale, et peut-être même réduite – est quelque chose d’incarné.

Ils sont « possédés » par cette analogie. Je soupçonne qu’ils y ont pris part en accueillant en eux l’Esprit. Saint Paul l’évoque à différentes reprises ; ce qui était autrefois « moi » est maintenant au service de quelque chose de plus grand que « moi ». Le Christ que l’on sert peut faire des choses que le « moi » n’aurait jamais pu faire.

Des siècles de témoignages le confirment, de même que l’observation que nous avons été renouvelés. Mais ce n’est pas nous qui sommes nouveaux, mais Dieu en nous.

Quelque chose ressenti comme nouveau et indestructible est venu remplacer ce qui était ressenti comme vieux, décrépi, indécis, perdu. Pourtant cela n’a rien à voir avec une diète ou un régime ; car nous savons parfaitement bien que nous n’avons pas réussi cela par nos propres efforts.

Au mieux, nous pouvons prétendre nous être ouverts à cette nouvelle expérience – ouverts au divin qui était disponible à proximité de nos vies. Et ce faisant, nous avons appris qu’il a été présent tout le temps : la Grâce que nous ignorions en grande partie attendait patiemment.

À plus petite échelle, l’absolution touche parfois à cela – la sensation que nos chaînes ont été brisées. Nous pressentons que soumis à la tentation, peut-être une tentation plus grande, nous allons de nouveau pécher. Mais nous savons également que l’absolution est possible. Nous pouvons bien ne pas être des saints, nous sommes arrivés au point de savoir qu’il est possible d’être saint.

C’est une étape majeure, pour un homme pécheur. C’est le moment ou cela fait tilt pour quiconque est en train d’apprendre. Pouvez-vous vous rappeler quand vous avez appris à lire ou à rouler en bicyclette ? C’étaient des moment semblables, avec un avant et un après. Vous ne pensiez pas cela possible, bien qu’ayant vu d’autres le faire. Mais maintenant, cela fait partie de vous. Vous ne pouvez pas imaginer comment vous ne saviez pas.

Nous vivons, je l’ai remarqué, dans des temps apocalyptiques. Je n’ai pas besoin de citer des prophéties bibliques, car je doute qu’elles s’appliquent. Ou si c’est le cas, nous ne les comprendrons qu’à posteriori, comme les prophéties on trouvé leur sens dans les Evangiles.

Nous avons fait des prophéties de notre cru, comme des enfants essayant laborieusement de nous faire peur à nous-mêmes. Le monde court à sa perte, d’une façon ou d’une autre – par le feu, les inondations, les épidémies et autres. C’est parfois le cas, bien que ce ne soit presque jamais le destin que nous attendions. Je veux dire que ce n’était pas celui auquel nous nous étions préparés.

D’un point de vue purement pratique, cependant, je recommande de se convertir au catholicisme. C’est la préparation qui remplit toutes les exigences.